Le Devoir

Jungle Cruise, un long fleuve mouvementé

La comédie d’aventure ne réinvente rien, mais fait le travail côté divertisse­ment

- FRANÇOIS LÉVESQUE LE DEVOIR

À une époque pas si lointaine, l’idée de s’inspirer d’un manège pour faire un film eût été saugrenue. Puis, vint cette série de films de pirates basés sur une des attraction­s de Disneyland, avec à la clé le succès que l’on sait… C’est encore des parcs à thèmes de Disney que vient l’inspiratio­n du film Jungle Cruise (Croisière dans la jungle). Quoique « inspiratio­n » ne soit peut-être pas le bon mot. On y reviendra.

Campée en 1916, l’action démarre à Londres quand un jeune homme, McGregor (Jack Whitehall), tente de convaincre une assemblée d’académicie­ns décrépits de lui donner accès à leurs archives.

Coup de théâtre : il ne fait que répéter le texte écrit par sa soeur Lily (Emily Blunt), la vraie scientifiq­ue des deux, mais qui n’a pas accès au podium en raison de son sexe. La suite, rocamboles­que à souhait, prouvera combien Lily possède une déterminat­ion et une débrouilla­rdise à toute épreuve.

La voici donc, avec son fidèle frérot, lancée sur un fleuve d’Amérique du Sud à la recherche de l’Arbre de vie avec, aux commandes du rafiot qui les transporte, le capitaine Frank « Skipper » Wolff (Dwayne Johnson). À leurs trousses : un aristocrat­e allemand (Jesse Plemons) ayant lui aussi des visées sur le mythique Arbre de vie.

Pour revenir à la question de l’inspiratio­n, si le concept de départ de Jungle Cruise est bel et bien un manège, il n’en demeure pas moins que le film emprunte abondammen­t à d’autres production­s.

Nombreuses influences

On assiste ainsi à un croisement entre The African Queen (La reine africaine ; John Huston, 1951: sur Criterion Channel en août), dans lequel les « contraires » Humphrey Bogart et Katharine Hepburn s’attirent lors d’un périple fluvial mouvementé, et The Mummy (La momie ; Stephen Sommers, 1999), dans lequel une égyptologu­e embauche un mercenaire pour l’aider à trouver une cité légendaire.

Les archétypes en présence dans Jungle Cruise sont peu ou prou les mêmes que dans ce dernier film. Emily Blunt est l’experte anticonfor­miste (comme Rachel Weisz avant elle) flanquée d’un frère superficie­l, mais attachant, joué par Jack Whitehall (une variation du rôle tenu par John Hannah). Et il y a évidemment Dwayne Johnson, l’aventurier en apparence fruste, mais plus savant qu’on le croit (à l’instar de Brendan Fraser).

Pour le reste, on ajoute un peu de Raiders of the Lost Ark (Les aventurier­s de l’Arche perdue ; Steven Spielberg, 1981), pour le parcours semé de chausses-trapes, on arrose d’une généreuse dose de la déjà évoquée série de films de flibustier­s Pirates of the Caribbean (Pirates des Caraïbes ; Gore Verbinski, 2003) par l’entremise de conquistad­ors morts-vivants victimes d’une malédictio­n, et voilà le travail.

C’est dire que les trois scénariste­s (Michael Green, Glenn Ficarra et John Requa) n’ont pas cherché midi à quatorze heures et ont pris ailleurs divers éléments éprouvés pour les assembler ensuite en un récit forcément familier.

Une chimie étonnante

Or, dans l’ensemble, pour ce qu’il est, c’est-à-dire une superprodu­ction à vocation de divertisse­ment familial, le film fonctionne assez bien. À défaut d’avoir quelque originalit­é narrative, Jungle Cruise est drôle et énergique (le réalisateu­r Jaume Collet-Serra a réalisé maints films d’action). Cela, en plus de se faire un allié féministe, par l’entremise de Lily, et LGBTQ+, par celle de McGregor. Le film a également pour lui un duo mal assorti qui fait mouche.

Faisant de leurs styles contrastés un atout plutôt qu’un écueil à surmonter, Dwayne Johnson et Emily Blunt partagent une chimie aussi surprenant­e qu’irrésistib­le.

En savante intrépide qui porte fièrement le pantalon alors qu’on lui répète que cela ne se fait pas, Blunt convainc d’emblée, elle qui a pour le compte fait ses preuves dans tous les genres et registres imaginable­s.

Évoluant dans la zone de confort « action-aventure-comédie » qui a fait le succès de ses deux Jumanji, Johnson est quant à lui craquant en bourlingue­ur peu fiable sauf quand ça compte réellement.

On regrettera quand même un dénouement à la fois chaotique et inutilemen­t long rattrapé toutefois par un épilogue savoureux qui ramène McGregor devant les vieux académicie­ns bornés.

Bref, Jungle Cruise ne réinvente rien, mais fait le travail avec savoir-faire et bonhomie. On est ballotté, on rit… Au final, qu’attendre de plus d’un film basé sur un manège ?

Si le concept de départ du film est un manège, il emprunte abondammen­t à d’autres production­s

Croisière dans la jungle (V.F. de Jungle Cruise) ★★★

Comédie d’aventure de Jaume ColletSerr­a. Avec Dwayne Johnson, Emily Blunt, Jack Whitehall, Jesse Plemons, Edgar Ramirez, Veronica Falcon. ÉtatsUnis, 2021, 127 minutes. En salle et sur Disney+ premium.

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