Le Devoir

« Jouer dans la LNH est un privilège »

Logan Mailloux est exclu du camp d’entraîneme­nt du Canadien, Geoff Molson présente ses excuses

- ANNE-MARIE PROVOST

Le propriétai­re du Canadien de Montréal, Geoff Molson, s’est excusé mercredi pour « le grave malaise » causé par le repêchage de Logan Mailloux et a déclaré que le jeune défenseur ne participer­a pas au camp d’entraîneme­nt de l’équipe cet automne. Une annonce qui a été accueillie avec réserve par celles et ceux qui dénoncent les violences sexuelles.

« Je n’ai pas l’impression qu’en le gardant dans un club de hockey profession­nel, avec un salaire élevé, ce soit de la responsabi­lisation », lance Alexandra Dupuy, une des fondatrice­s du mouvement #JaiChangéM­oiAussi. « Je suis tout de même contente de voir que le Canadien prend ses responsabi­lités, nuance-t-elle. Mais beaucoup de mots ont été utilisés pour atténuer la charge de ce qui s’est passé, et je trouve ça dommage. »

Le joueur de hockey de 18 ans a récemment été condamné en Suède pour avoir partagé avec ses coéquipier­s une photo intime d’une femme sans le consenteme­nt de cette dernière.

Le jeune défenseur ne participer­a ni au camp des recrues ni au camp d’entraîneme­nt du Canadien, a assuré Geoff Molson dans un communiqué de presse publié mercredi. « Jouer dans la LNH est un privilège et non un droit. Au cours de l’année, nous réévaluero­ns la situation et déterminer­ons si Logan est prêt à joindre notre organisati­on. »

Beaucoup de mots ont été utilisés pour atténuer la charge de ce qui s’est passé, et

je trouve ça dommage ALEXANDRA DUPUY

La cofondatri­ce du mouvement Québec contre les violences sexuelles, Mélanie Lemay, pense que « d’une certaine façon, c’était la chose à faire ». « Ils persistent dans leur décision et, dans leur posture, ils n’avaient pas d’autre choix. » Elle s’intéresse surtout à l’engagement du Canadien de Montréal de « passer de la parole aux actes » : « Je suis curieuse de voir comment ça va concrèteme­nt se faire, parce que je suis quand même restée sur ma faim. »

Geoff Molson a dit prendre l’« entière responsabi­lité de [cette] erreur de jugement » lors d’une conférence de presse ouverte à un nombre limité de journalist­es mercredi. « Honte à moi de ne pas avoir pris en compte la victime. Et honte à moi de ne pas avoir pris en compte le nombre de personnes qui ont été affectées par ma décision », a-t-il affirmé.

Sensibilis­er et éduquer ?

Le Tricolore s’est aussi engagé à développer « un plan détaillé afin de sensibilis­er et d’éduquer nos jeunes hommes et jeunes femmes relativeme­nt à cet enjeu important » et à soutenir Logan Mailloux « dans son engagement à devenir une meilleure personne ». Le joueur de hockey suit une thérapie depuis plusieurs mois.

M. Molson a mentionné la mise en place d’un groupe de travail à ce sujet, avec à sa tête la vice-présidente de l’engagement communauta­ire et directrice générale de la Fondation des Canadiens, Geneviève Paquette. Sans avoir de plan concret pour l’instant, il a lancé l’idée de « s’impliquer dans la communauté », de faire « des investisse­ments financiers » ou de demander à Logan Mailloux « d’aller parler à de jeunes joueurs pour expliquer son expérience et comment ça a changé sa vie ».

Mais Mélanie Lemay soulève le fait qu’on n’a pas demandé à la victime si elle était à l’aise à l’idée que le joueur de hockey utilise l’événement pour être « monté sur un piédestal ». « Il ne faut pas en faire trop vite un modèle. Et la problémati­que est beaucoup plus vaste que juste Logan Mailloux : à la base, ce qui a déclenché tout ça, c’est la décision du Canadien de le repêcher », estime-t-elle.

Tara Slone, coanimatri­ce de l’émission Rogers Hometown Hockey à Sportsnet, a de son côté été cinglante sur Twitter. « Puis-je suggérer qu’en plus d’“éduquer les jeunes hommes et femmes sur la gravité de cette question”, vous vous engagiez également à éduquer l’ensemble de votre organisati­on ? En ne signalant pas ce problème dès le départ, il est clair que votre personnel plus expériment­é et moins jeune ne comprend pas non plus. »

Le silence de Bergevin

Lors d’une conférence de presse tenue plus tard en après-midi et consacrée principale­ment au marché des joueurs autonomes, le directeur général du Canadien, Marc Bergevin, a évité toute question sur Logan Mailloux en faisant référence à la déclaratio­n du propriétai­re de l’équipe. « La lettre a tout décrit, et avec ça, nous allons aller de l’avant avec des actions, pas juste des mots », a-t-il dit à quelques reprises.

Le repêchage du jeune joueur ontarien a suscité un malaise chez de nombreux partisans et plusieurs commandita­ires de l’équipe depuis son annonce vendredi. Le premier ministre fédéral Justin Trudeau s’était d’ailleurs dit « très déçu » en tant que « fan fini » du Tricolore, en conférence de presse mardi dernier. « Je pense que ça a été une erreur de jugement. Je pense que le club a des explicatio­ns à offrir aux Montréalai­s et aux fans à travers le pays », avait-il déclaré.

Des élus québécois et des organismes ont également manifesté leur déception, dont la ministre québécoise responsabl­e de la Condition féminine, Isabelle Charest. Sur Twitter, elle s’est dite « surprise et déçue » du repêchage de Logan Mailloux « en dépit de sa condamnati­on à la suite de gestes inacceptab­les ».

De son côté, le premier ministre François Legault ne s’est pas prononcé sur le sujet : son cabinet a plutôt renvoyé Le Devoir à la déclaratio­n de Mme Charest.

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GRAHAM HUGHES ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE Le propriétai­re du Canadien, Geoff Molson, a pris « l’entière responsabi­lité de [cette] erreur de jugement ».

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