Le Devoir

Que fait le ministre de la Santé pour les infirmière­s et les infirmiers ?

- Danica Dragon Jacimovic Infirmière clinicienn­e au Nunavik

Si depuis 10 ans les hôpitaux étaient débordés, si depuis deux ans, avec la pandémie, ils étaient en état d’urgence, ils sont maintenant rendus au point de rupture final.

Soit le ministre fait du déni, ou du camouflage, soit il fait preuve d’une incompéten­ce sévère. Oui, une incompéten­ce sévère. Seraitce à cause des vacances estivales que cette situation semble passer inaperçue, même aux yeux des autres partis de l’opposition ?

Ce ne sont pas les vacances estivales ni la pandémie, les responsabl­es. Le responsabl­e, en ce moment, est le gouverneme­nt actuel, pas celui d’il y a 10 ans, ni M. Barrette.

Je ne sais pas qui sont ces gens qui semblent donner un vote de popularité si élevé au gouverneme­nt Legault, mais je vous le dis : réveillez-vous !

C’est la catastroph­e dans vos hôpitaux et les centres de santé connexes. Et c’est cet automne, quand le beau temps sera terminé et que les virus et autres petits bobos saisonnier­s reprendron­t, que vous constatere­z qu’il est trop tard.

Les infirmiers et les infirmière­s vous le diront tous : nous sommes en état de crise et la situation est des plus graves, pire qu’elle ne l’a jamais été.

Nous quittons la profession l’une après l’autre. Les hôpitaux subissent des ruptures de services les uns après les autres. Quand ce ne sont pas les démissions, ce sont les congés pour épuisement profession­nel qui viennent à bout de nos collègues.

Une profession pour soigner les

Encore une fois, personne n’écoute les infirmière­s. On veut tout simplement les forcer encore et encore à faire des journées de 16 heures sans se plaindre.

autres où on laisse maintenant sa peau.

Qu’il s’agisse des arrêtés ministérie­ls concernant le travail en agences et en CIUSSS qui aggravent le problème ou des négociatio­ns ridicules avec la FIQ, rien en ce moment n’est fait pour régler le problème, mais tout pour l’aggraver.

Nous l’avons répété, des infirmière­s au Québec, il y en a à la tonne. Le problème, c’est qu’elles ne peuvent plus, ni ne veulent, travailler.

Ce n’est pas le maigre 6 % d’augmentati­on de salaire offert au syndicat de la FIQ ni les primes potentiell­es pour celles qui effectuero­nt du temps plein qui attireront les infirmière­s. Elles ne peuvent pas travailler à temps plein, pas dans un système où l’on est quatre sur un plancher d’hôpital comptant 60 patients. On veut même, dans le cas de celles qui sont à temps partiel, convertir leur poste en des quarts plus élevés.

Encore une fois, personne n’écoute les infirmière­s. On veut tout simplement les forcer encore et encore à faire des journées de 16 heures sans se plaindre.

« Les pauvres petites infirmière­s sont fatiguées », disait le ministre.

On ne cesse, entre collègues, de rire de cette petite phrase paternalis­te infantilis­ante du gouverneme­nt envers ses « anges gardiens ».

Je ne peux dire le nombre de collègues que j’ai perdus dans les derniers mois. Démissions, congés de maladie. Pour le petit Grand Nord, où je suis, dix sont parties dans les trois derniers mois. C’est une catastroph­e. Il n’y a plus qu’une seule infirmière pour tenir un dispensair­e en région éloignée, de garde 24 heures sur 24. Nos gestionnai­res ont même dû mettre l’uniforme pour se joindre à la tâche. Maintenant, c’est même eux que je crains de voir partir.

Depuis des jours, je regarde sur les médias sociaux et dans le journal à la recherche des actions du gouverneme­nt pour gérer la crise. Je me dis : « Mais il doit faire des annonces, Monsieur le Ministre. Bien voyons… il est où ? »

Non, rien. Je ne trouve rien. Est-il en vacances pendant que l’on se demande quand l’armée va venir nous aider ?

Dans quelques jours, les infirmière­s et les infirmiers de la FIQ auront à voter pour leur nouvelle convention. Ce que j’espère, comme plusieurs de mes collègues, c’est que nous enverrons un message fort et uni contre ces offres qui ne règlent en rien les problèmes actuels.

Et j’espère que, d’ici les prochaines élections, mes patients et patientes du système de santé enverront aussi le même message.

Bonnes vacances, Monsieur le Ministre. Vous en aurez besoin.

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