Le rachat d’actions à un sommet
Les sociétés technologiques cotées à la Bourse de New York mènent cette tendance
Les sociétés cotées en bourse partout dans le monde ont annoncé depuis le début de l’année leur intention de racheter pour 535 milliards de dollars de leurs propres actions, une somme qui dépasse déjà le total pour l’ensemble de 2020 qui était de 381 milliards. À ce rythme, les rachats d’actions dépasseront les 1250 milliards en 2021, ce qui constituerait un sommet historique, et une occasion pour les investisseurs avisés.
Comme souvent dans le passé, ce sont les sociétés technologiques cotées à la bourse de New York qui mènent cette tendance. Apple et Google ont dévoilé ces derniers jours des résultats trimestriels positifs et des flux de trésorerie supérieurs aux attentes des analystes. Elles ont aussi confirmé leur intention de racheter respectivement pour 110 milliards et 60 milliards de leurs propres actions d’ici les prochains mois. Au total, les sociétés qui composent l’indice newyorkais S & P500 prévoient de racheter pour 1000 milliards de dollars d’actions, calcule la firme J.P. Morgan, qui vient de publier une analyse à ce sujet.
« De façon générale, on observe ce phénomène beaucoup plus aux ÉtatsUnis et moins au Canada », ajoute le gestionnaire de portefeuille et viceprésident de RBC Gestion de patrimoine François Têtu. « Les changements fiscaux survenus aux États-Unis en 2017 ont incité de nombreuses entreprises à rapatrier une partie de leur capital qu’elles possèdent à l’étranger. »
Ce capital disponible abondant incite les hauts dirigeants à procéder à un rachat d’actions. Les taux d’intérêt faibles facilitent également l’emprunt de capital additionnel de la part de sociétés qui croient pouvoir ainsi générer un gain important grâce à un rendement supérieur de leur titre boursier, ajoute le gestionnaire montréalais.
Effet pour les investisseurs
Cela dit, « l’effet pour l’investisseur québécois est plutôt indirect », ajoute M. Têtu. « Ce sont les détenteurs de fonds commun investis dans ces titres, les caisses de retraite et la Caisse de dépôt, par exemple, qui indirectement en font bénéficier l’investisseur québécois. »
Les investisseurs indépendants peuvent aussi en tirer profit plus directement, ajoute Pierre-Olivier Langevin, gestionnaire de portefeuille et associé chez GPS Medici, une firme de gestion de Saint-Bruno, sur la Rive-Sud (Montréal). S’ils détiennent le titre de ces sociétés qui rachètent massivement de leurs actions, ils peuvent différer l’impôt à payer sur le rendement obtenu jusqu’au moment où ils vendront leurs actions, dit-il.
Cela n’est pas possible dans le cas d’un dividende, l’autre façon pour les sociétés cotées en bourse de retourner leur capital accumulé aux actionnaires. « Le dividende est imposé au moment où il est versé. Au Québec, il est aussi imposé à un taux plus élevé. À l’inverse, le gain généré par le rachat d’actions sera imposé seulement lorsque l’investisseur vendra ses propres actions », explique M. Langevin.
Pas le meilleur moment
Les investisseurs indépendants ne sont pas pour autant invités par les analystes à se ruer vers les titres de sociétés qui ont annoncé leur intention de racheter leurs actions. Les cours de nombreuses sociétés présentes en bourse à New York autant qu’à Toronto sont présentement très élevés, par rapport aux profits qu’elles génèrent, ce qui réduit leur potentiel de rendement.
« Plusieurs entreprises que nous suivons de près ont présentement une valeur supérieure à ce qui est raisonnable, compte tenu de leur situation financière. Leur valeur en bourse équivaut à 20 fois leur bénéfice, alors que par le passé leur valeur se situait plutôt autour de 15 fois leur bénéfice », dit Pierre-Olivier Langevin.
Ce dernier s'interroge aussi sur le moment choisi par certaines sociétés, notamment Apple, pour annoncer leur rachat. « Les actions coûtent cher en ce moment. Nous préférons voir des sociétés racheter leur titre quand sa valeur est plus basse, comme certaines l’ont fait durant la pandémie. »
Il n’y a pas qu’Apple, qui a joué de prudence en 2020, qui peut aujourd’hui être jugée d’excessive. Plusieurs dirigeants ne savaient pas au début de la pandémie à quelle vitesse l’économie retomberait sur ses rails. L’aide financière avancée par la plupart des pays et des taux d’intérêt historiquement bas ont contribué à dégager plus de liquidités que prévu, ce qui amplifie ce phénomène maintenant que le pire de la crise semble passé.
« De nombreuses entreprises se sont faites prudentes en 2020 compte tenu de la COVID-19 et ont diminué ou complètement cessé leur rachat d’actions », dit François Têtu. Cellesci profitent donc de la relance pour diminuer le nombre d’actions en circulation pour conserver leur valeur élevée, conclut-il.
Les investisseurs indépendants ne sont pas pour autant invités par les analystes à se ruer vers les titres de sociétés qui ont annoncé leur intention de racheter leurs actions