Le Devoir

Le resto BŌ Cuisine d’Asie, à Québec, ou l’art maîtrisé de l’umami

Installé dans l’édifice du théâtre Le Diamant à Québec, ce restaurant est époustoufl­ant, de la banquette à l’assiette

- SOPHIE GRENIER-HÉROUX COLLABORAT­RICE

Il y a de ces nouvelles adresses que l’on voit poindre à l’horizon lentement, mais sûrement. La curiosité alimente l’envie qui nourrit l’excitation d’y mettre enfin les pieds. C’est exactement le scénario qui s’est produit pour le BŌ Cuisine d’Asie, à Québec. Un restaurant époustoufl­ant, de la banquette à l’assiette. Ne reste qu’à peaufiner la chorégraph­ie du service pour que le spectacle commence pour vrai.

Commençons par la petite histoire. Le BŌ est situé dans le théâtre Le Diamant, dont le principal locataire est Robert Lepage, un passionné de l’Asie. À sa suggestion, le restaurant qui occuperait l’espace laissé vacant en façade du théâtre devait être un mariage entre le Québec et l’Extrême-Orient. On a donc repêché dans l’équipe Vincent Morin, le chef créatif du défunt Yuzu et maître incontesté de cet hybride culinaire.

Pendant deux ans, il a travaillé à l’élaboratio­n du concept et du menu, utilisant d’ailleurs les outils culinaires traditionn­els asiatiques. À ses côtés, Louis-Philippe Moisan (Honō Izakaya) et Sophie Lachance (Il Theatro) officient comme sous-chefs. Un trio de grand talent qui repousse les limites pour nous garder constammen­t sur la mince ligne entre le réconfort et l’étonnement. L’umami est ici un art totalement maîtrisé.

Le service

Ce qui semblait moins maîtrisé, c’est le service. Accueil à la volée, attente, verres vides… Avec l’invitée, l’envie de reprendre la scène de l’arrivée nous trottait en tête. À sa défense, notre serveur semblait « dans le jus », pour reprendre l’expression consacrée. Et une équipe télé tournait en retrait de la salle.

Cela dit, quatre ou cinq suiteurs tournoyaie­nt. Pourquoi ne pas leur avoir demandé de venir en renfort ? Simplement, disons, pour nous faire sentir les bienvenues et nous offrir de l’eau. Pendant qu’on attendait, ça s’exclamait autour du bar. Nous aurions aimé avoir une introducti­on aussi enjouée.

Ne voulant pas jouer les rabat-joie, nous avons admiré le décor spectacula­ire — qui a récemment gagné l’or aux Grands Prix du design — en nous disant qu’il valait à lui seul le déplacemen­t. On est à Québec, mais on se croirait à New York. Les tons de bleu, l’or, le velours et le drapé donnent à l’espace chaleur et élégance. Seul bémol, la musique lounge générique. Comme si le concept s’était essoufflé rendu aux haut-parleurs.

Puis voilà. Lentement et sûrement, le service a débuté. Les cocktails d’abord, dont un savoureux Bloody Caesar avec deux sels aux algues pas piqué des vers. Cependant, le morceau de flanc de porc grillé et froid qui l’agrémentai­t laissait perplexe. On nous a aussi proposé de l’eau pétillante que l’on croyait en fût, comme on en retrouve un peu partout maintenant. Finalement, on nous a facturées 12 $ pour deux canettes. Dubitative­s, prise 3.

Il en fallait plus pour nous décourager et, fort heureuseme­nt, les plats qui se sont finalement succédé étaient formidable­s. Pour lancer le bal, nous avons dégusté les mandu, de petits pains vapeur coréens bien dodus farcis de porc, de chou et de champignon­s, avec des dés d’ail noir et une sauce collante. Comme une variation asiatique des sandwichs pas de croûte. Un plaisir à ne pas bouder !

Le tsukuri, un plat de flétan, était une belle découverte. Un peu tataki, un peu ceviche, le poisson rapidement passé à la torche est légèrement nappé de nikiri. La pâte de radis — quelle trouvaille ! — apporte une fraîcheur qui se combine parfaiteme­nt à la sauce à base de miso. Le coup de coeur ? Étonnammen­t peutêtre : le sunomono, dans la page des à-côtés. Une salade légèrement vinaigrée faite de légumes racines en rubans, de concombre, de têtes de violon et de champignon­s enoki marinés, puis enjolivée de pointes d’asperge. Une belle entrée en matière toute simple.

Faire le choix des plats principaux n’a pas été chose facile. La rumeur disait que les pétoncles valaient le détour et le sébaste nous faisait de l’oeil. Le serveur faisait l’éloge de l’anguille tandis que le suprême de canard semblait un incontourn­able. Nous avons finalement opté pour le canard et demandé à notre hôte de choisir pour nous le deuxième plat. À ses dires, il a longtemps hésité avant de nous apporter… les pétoncles.

New York et Tokyo

Dénouement heureux, parce que c’est une très belle réalisatio­n. On comprend la clientèle d’en redemander. À la façon d’un rösti, trois galettes de riz poêlées sont garnies d’un pétoncle parfaiteme­nt saisi, de chips d’algues et de caviar rouge. Au fond de l’assiette, la sauce teriyaki à l’érable et celle au tofu pimentée jouent leur rôle de soutien avec brio. La salade qui accompagne le tout est un peu banale, mais on n’en fait pas de cas. L’idée de la remplacer par le sunomono nous traverse quand même l’esprit.

Du côté du canard laqué, là encore une belle réussite. L’invitée n’en démordait pas : l’équilibre entre les crêpes chinoises, la sauce, la peau croustilla­nte et la chaire tendre était parfait. Le délicieux kimchi qui rehaussait le tout était à peine pimenté. Une belle façon de faire découvrir ce classique coréen.

Nos estomacs plus que repus ne nous ont pas empêchées de commander le gâteau au fromage japonais en finale. Et quelle finale ! New York et Tokyo dans un même gâteau. Une pâte légère, des coulis juste assez acidulés, une touche de feuille de lime kéfir et un crumble de biscuits de fortune ; que dire sinon chapeau ! Il aura valu l’attente.

BŌ Cuisine d’Asie

954, rue Saint-Jean, Québec, 418 694-1199. Très bonne adresse, $$$$. Repas pour deux, avant taxes, pourboire et alcool : 151,77 $ (deux entrées, deux plats, un accompagne­ment et un dessert).

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Le décor du restaurant BŌ a récemment gagné l’or aux Grands Prix du design.

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