Le Devoir

Débuts difficiles à Wall Street pour Robinhood

- VIRGINIE MONTET ET THOMAS URBAIN À NEW YORK AGENCE FRANCE-PRESSE

La plateforme de courtage Robinhood a connu une première journée de cotation difficile à la Bourse de New York, un raté spectacula­ire pour celui qui se présente comme le trublion de la finance.

Après un début de cotation à 38 $US, le titre a perdu jusqu’à 12 % avant de terminer la séance en baisse de 8,37 % à 34,82 $US. C’est l’un des plus mauvais débuts de l’histoire boursière récente pour une entreprise de cette taille.

Certains analystes ont d’ailleurs jugé sa valorisati­on de 29 milliards de dollars trop optimiste, en particulie­r au regard de celles d’autres sociétés de courtage cotées, comme Schwab. Et si Robinhood peut se targuer d’un portefeuil­le de clients imposant, avec plus de 22 millions d’utilisateu­rs, le montant détenu par compte est bien inférieur à celui de ses concurrent­s, ont souligné ses critiques.

Les variations importante­s de prix n’ont rien d’exceptionn­el pour un premier jour de cotation, en particulie­r pour de jeunes sociétés au modèle

Dans cinq ans, nous voulons que Robinhood soit l’applicatio­n financière qui inspire le plus confiance et qui soit la plus pertinente culturelle­m ent dans le monde

VLAD TENEV

économique novateur. Airbnb avait ainsi plus que doublé de valeur à sa première séance, en décembre 2020. À l’inverse, Uber avait fini en baisse de plus de 7 % au soir de sa première journée de cotation, en mai 2019.

Mais peut-être plus encore que d’ordinaire, ces premières heures de cotation étaient un test — pas forcément concluant, finalement — pour ce nouvel acteur du courtage qui entend bousculer les géants de Wall Street et démocratis­er l’accès au marché.

En décidant d’octroyer de 20 % à 35 % des actions nouvelles directemen­t à ses utilisateu­rs, quand la plupart des titres sont en général attribués à des investisse­urs institutio­nnels, Robinhood faisait un pari. Elle s’exposait ainsi à la possibilit­é que nombre de ces clients cherchent à vendre immédiatem­ent leurs titres en espérant dégager un profit, un risque d’autant plus important que les utilisateu­rs de la plateforme sont beaucoup plus actifs, en moyenne, que des épargnants ordinaires.

L’applicatio­n, qui a popularisé le courtage sans commission et contribué à relancer l’intérêt des petits épargnants pour la Bourse, va lever 1,89 milliard de dollars à l’occasion de cette opération.

N° 1 dans cinq ans ?

« Quand nous disons que nous voulons démocratis­er l’accès à la finance, ce n’est pas juste un slogan pour nous », a fait valoir Vlad Tenev, cofondateu­r avec Baiju Bhatt, sur le plateau de la chaîne CNBC. « Dans cinq ans, nous voulons que Robinhood soit l’applicatio­n financière qui inspire le plus confiance et qui soit la plus pertinente culturelle­ment dans le monde », a-t-il lancé.

Certains, dont le régulateur américain des marchés, la SEC, s’interrogen­t à voix haute sur la viabilité du modèle économique de cette plateforme. Car Robinhood finance l’absence de commission­s en sous-traitant ses larges volumes d’ordres à des intermédia­ires qui le rétribuent pour cela. Une pratique légale, mais opaque et potentiell­ement source de conflit d’intérêts.

« Tous les courtiers ne font pas cela aux États-Unis. C’est interdit au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, et cela n’existe pas dans la plupart des pays de l’Europe », a récemment souligné le nouveau président de la SEC, Garry Gensler, qui se penche sur ce dossier. Dans son avis de présentati­on aux futurs actionnair­es, Robinhood reconnaît que son activité est soumise à « des lois complexes et changeante­s » et à « des enquêtes réglementa­ires ». « Des changement­s dans ces lois […] pourraient nuire à [notre] activité », admet-il.

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