Le Devoir

La Grande Muraille du tennis de table

Pourquoi la Chine domine-t-elle autant la discipline ?

- ÉRIC DESROSIERS À TOKYO

La Chine a remporté vendredi soir la finale masculine de l’épreuve individuel­le de tennis de table. Elle complétait ainsi le doublé, une Chinoise ayant aussi gagné la finale féminine individuel­le la veille. Cela dit, ce n’aurait pas été si grave pour le pays si ces deux athlètes avaient plutôt été défaits : les deux autres finalistes étaient aussi chinois.

La finale des hommes se tenait à l’ombre du Stade olympique, sous la carapace argentée du très stylisé gymnase métropolit­ain de Tokyo, devant un groupe sélect de représenta­nts nationaux et un solide contingent de journalist­es et de photograph­es surtout venus d’Asie et d’Europe. Elle opposait la légende du tennis de table chinois et champion olympique en titre, Ma Long (32 ans, dragon rose sur un chandail noir et doré), à la vedette montante et actuel numéro un mondial, Fan Zhendong (24 ans, chandail bleu et doré traversé d’une vague jaune fluo).

Le tennis de table, « ping pang qiu » en chinois, est l’un des sports les plus pratiqués dans le pays de 1,4 milliard d’habitants, au moins depuis que le Grand Timonier de la révolution communiste chinoise, Mao Zedong, en a fait le sport national

Les deux joueurs avaient le même entraîneur, qui ne bronchait pas, les bras croisés, impassible. Attentifs, les spectateur­s osaient à peine respirer, même entre les points, sauf quand le jeu était trop beau et qu’une exclamatio­n d’admiration leur échappait. La légende a battu sèchement la vedette montante 11-4 à la première partie, plaçant des accélérati­ons imparables et retournant la moindre attaque. Fan n’a pas tardé à retrouver son aplomb et a gagné la deuxième partie 12-10, alternant le petit jeu court en finesse et les explosions offensives. Pas ébranlé pour un sou, Ma a remporté les deux autres parties (11-8 et 11-9), avant de céder la victoire de nouveau à la cinquième partie (11-3). L’affaire s’est finalement réglée à la partie suivante (11-7) dans un grand cri triomphal du dragon.

Domination écrasante

Dans le cas du tennis de table, parler d’une domination de la Chine aux Jeux olympiques est presque un euphémisme.

Chez les hommes, le pays a désormais remporté six des sept dernières médailles d’or décernées en compétitio­n individuel­le et six des sept dernières médailles d’argent. La souveraine­té chinoise sur le sport est encore plus écrasante du côté féminin depuis que le sport a fait son entrée dans la famille olympique, en 1988 à Séoul. Les 10 médailles d’or individuel­les décernées à des femmes sont allées à des Chinoises, comme 8 des 10 médailles d’argent.

Les explicatio­ns que l’on donne à cette suprématie sur les sites spécialisé­s sont toujours un peu les mêmes. Le tennis de table, « ping pang qiu » en chinois, est l’un des sports les plus pratiqués dans le pays de 1,4 milliard d’habitants, au moins depuis que le Grand Timonier de la révolution communiste chinoise, Mao Zedong, en a fait le sport national. Tous les enfants le pratiquent à l’école et les plus doués sont rapidement dirigés vers des systèmes de développem­ent. Plus on monte les échelons, plus la compétitio­n devient féroce. Les meilleurs peuvent aspirer à la célébrité, mais peuvent aussi être rapidement remplacés à la moindre faiblesse.

De rares failles, parfois

Le pays pourrait accaparer les trois places du podium olympique si on n’avait pas changé à Rio les règles pour limiter le nombre de représenta­nts par pays à deux par épreuve, afin de laisser au moins une chance aux autres. Jusque-là, la Chine avait remporté 28 des 32 médailles qui avaient été en jeu depuis 1988, toutes couleurs confondues.

Mais cette « Grande Muraille » peut malgré tout être percée. C’est ce qu’a montré la paire japonaise composée de Jun Mizutani et de Mima Ito lundi, lors de la première finale de la nouvelle épreuve de double mixte. Dans un match qui est allé à la limite des sept parties, les Japonais ont défait les Chinois Xu Xin et Liu Shiwen, deux anciens champions du monde. « Un miracle s’est produit », a alors constaté Jun Mizutani, qui avait encore du mal à le croire.

Ah oui ! Et à la finale pour le reste du monde, vendredi, c’est à un pongiste allemand d’origine ukrainienn­e, Dimitrij Ovtcharov, qu’est allée la médaille de bronze après sa victoire sur le Taïwanais Lin Yun-ju.

Le pays pourrait accaparer les trois places du podium olympique si on n’avait pas changé à Rio les règles pour limiter le nombre de représenta­nts par pays à deux par épreuve, afin de laisser au moins une chance aux autres

 ?? ANNE-CHRISTINE POUJOULAT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La légende du tennis de table Ma Long sert une balle à la finale de simple pour homme vendredi à Tokyo. Il a remporté la médaille d’or face au numéro un mondial et étoile montante de la discipline, Fan Zhendong, qui représenta­it lui aussi la Chine.
ANNE-CHRISTINE POUJOULAT AGENCE FRANCE-PRESSE La légende du tennis de table Ma Long sert une balle à la finale de simple pour homme vendredi à Tokyo. Il a remporté la médaille d’or face au numéro un mondial et étoile montante de la discipline, Fan Zhendong, qui représenta­it lui aussi la Chine.
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Devoir. Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalism­e internatio­nal Transat-Le
 ?? PHOTOS ANNE-CHRISTINE POUJOULAT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? En haut, le médaillé d’or au tennis de table Ma Long (à droite) et le médaillé d’argent Fan Zhendong célèbrent leur arrivée au haut du podium vendredi. En bas, la Chinoise Sun Yingsha, médaillée d’or chez les femmes aux Jeux olympiques de Tokyo jeudi.
PHOTOS ANNE-CHRISTINE POUJOULAT AGENCE FRANCE-PRESSE En haut, le médaillé d’or au tennis de table Ma Long (à droite) et le médaillé d’argent Fan Zhendong célèbrent leur arrivée au haut du podium vendredi. En bas, la Chinoise Sun Yingsha, médaillée d’or chez les femmes aux Jeux olympiques de Tokyo jeudi.

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