Le Devoir

Une quatrième vague avec plus de cas, mais moins de décès

Le fédéral exhorte les 18 à 39 ans, moins nombreux à être inoculés, à se faire vacciner

- BORIS PROULX ET MYLÈNE CRÊTE

La Santé publique fédérale prédit que le nombre de cas de COVID-19 pourrait exploser dès la fin de l’été si le pays poursuit son déconfinem­ent sans que la couverture vaccinale atteigne 80 % chez tous les groupes d’âge, en particulie­r chez les 18 à 39 ans, moins nombreux à être immunisés.

L’Agence de la santé publique du Canada a annoncé vendredi ses prédiction­s sur l’évolution de la pandémie de COVID-19 au pays, influencée par la propagatio­n du variant Delta. Selon le scénario pessimiste d’Ottawa, dans lequel tout le monde augmente chaque jour le nombre de ses contacts, la pire des vagues de COVID-19 pourrait être la quatrième, dès le mois d’août.

Si le nombre de cas risque de grimper de manière exponentie­lle, la Santé publique ne prévoit toutefois qu’une légère augmentati­on, constante, du nombre de morts dus à la COVID-19.

« On le sait maintenant, la situation est très différente par rapport à la première, la deuxième et la troisième vague, parce que maintenant, on a les vaccins, qui sont un outil très important et dont on sait qu’ils sont efficaces », a expliqué le Dr Howard Njoo, le sousadmini­strateur en chef de la santé publique du Canada.

La Santé publique fédérale insiste sur l’importance de la vaccinatio­n pour la tranche d’âge des jeunes adultes, les 18-39 ans. Avec la transmissi­on du variant Delta, plus contagieux, il est possible que ce soit les plus jeunes qui remplissen­t les hôpitaux cet hiver, et non pas la population plus âgée, mieux vaccinée. Il est à noter que le pire scénario évoqué lors de la dernière modélisati­on de la pandémie, en juin, ne s’est pas produit.

L’administra­trice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a qualifié la situation actuelle de « très précaire », puisque 6,3 millions de Canadiens ne sont pas encore vaccinés, particuliè­rement chez les moins de 40 ans, alors que les gouverneme­nts mettent en place des plans de réouvertur­e de l’économie.

Changement critiqué en Alberta

L’Alberta, par exemple, a annoncé mercredi qu’elle lèvera l’obligation de s’isoler à la suite de la réception d’un test positif de COVID-19 dès le 16 août. La province se contentera de « recommande­r fortement » l’isolation des personnes infectées, qui est actuelleme­nt obligatoir­e. Les responsabl­es fédéraux ont poliment critiqué cet important changement.

« Je vois que l’Alberta se dégage de l’approche obligatoir­e, et se dirige vers la prise de responsabi­lité individuel­le dans la gestion du risque. Bien sûr, je

Maintenant, on a les vaccins, qui sont un outil très important et dont on sait qu’ils sont efficaces

HOWARD NJOO

crois fermement que la quarantain­e et l’isolation peuvent aider à prévenir la propagatio­n de la COVID-19, spécialeme­nt à la lumière de la propagatio­n du variant Delta », a commenté la Dre Theresa Tam, précisant que c’est aux provinces de décider de suivre ou non les conseils de l’agence fédérale.

L’approche albertaine rappelle celle adoptée par Boris Johnson en GrandeBret­agne, selon Roxane Borgès Da Silva, professeur­e à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Le point en commun : il s’agit de deux gouverneme­nts conservate­urs.

« Chacun gère ses affaires, l’individu avant tout et l’individu se débrouille, a-t-elle expliqué. Donc, l’individu aura ce qu’il mérite, si je peux dire. »

Elle estime que cette stratégie revient à « offrir en pâture certaines personnes qui sont moins habilitées à comprendre tous les aspects liés à la COVID-19 », en plus d’alimenter la quatrième vague. « Il y a un gros risque de perdre le contrôle et de se retrouver, comme le projette l’Agence de santé publique du Canada, dans une situation qui soit plus dramatique », a-t-elle dit.

« Je serais très surpris que la nature ne s’occupe pas de ramener le ministère de la Santé albertain à la raison », a réagi à son tour le médecin épidémiolo­giste de l’Institut national de santé publique Gaston De Serres.

Vacciner les jeunes Québécois

Au Québec, le nombre de cas causés par ce variant est beaucoup moins élevé que les 2004 répertorié­s en Alberta. Il a toutefois fait un bond cette semaine, passant de 244 lundi à 350 vendredi.

Lors de l’annonce du concours « Gagner à être vacciné » il y a deux semaines, le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait espéré que plus de 82 % des Québécois obtiennent leurs deux doses afin d’être protégés contre le variant Delta. « Chaque pourcentag­e qu’on va aller chercher de la population cible, ça équivaut à 75 000 personnes », avait-il alors indiqué.

Le gouverneme­nt québécois s’était auparavant donné pour objectif de vacciner entièremen­t 75 % de la population admissible au 31 août. À ce jour, 83 % des personnes de 12 ans et plus avaient reçu leur première injection, et 64 % leur deuxième.

Plusieurs catégories d’âge sont toutefois en deçà de la couverture vaccinale préconisée par le ministre Dubé ou par le gouverneme­nt fédéral. Selon les dernières données du ministère québécois de la Santé, 71 % des 18 à 29 ans et 75 % des 30 à 39 ans ont reçu une dose à ce jour. En ce qui a trait à la deuxième dose, seuls les 60 ans et plus dépassent la nouvelle cible avec 86 % qui l’ont obtenue.

« Je pense que de viser à être en haut de 80 % est vraisembla­blement nécessaire pour bloquer le variant Delta », a indiqué le Dr De Serres, également membre du Comité sur l’immunisati­on du Québec. Il anticipe une prédominan­ce de ce variant plus contagieux au Québec en septembre.

Selon lui, la couverture vaccinale plus faible chez les jeunes est des plus préoccupan­te parce qu’ils sont nombreux et qu’ils ont beaucoup de contacts entre eux. « C’est un gros groupe de personnes qui peut être capable de supporter la transmissi­on », a-t-il expliqué.

Il note plusieurs facteurs qui risquent d’influencer la propagatio­n du virus à l’automne : des conditions environnem­entales plus favorables à la transmissi­on, la réouvertur­e des classes, l’augmentati­on des contacts entre les gens à l’intérieur à cause du temps frais, une proportion plus grande de gens infectés par le variant Delta et l’ouverture des frontières.

 ?? GRAHAM HUGHES LA PRESSE CANADIENNE ?? Le nombre de cas de COVID-19 liés au variant Delta a fait un bond cette semaine, passant de 244 lundi à 350 vendredi.
GRAHAM HUGHES LA PRESSE CANADIENNE Le nombre de cas de COVID-19 liés au variant Delta a fait un bond cette semaine, passant de 244 lundi à 350 vendredi.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada