Le Devoir

La Baie d’Hudson propose un projet « intéressan­t », mais trop élevé

Une tour de 25 étages en retrait de l’iconique magasin sur Sainte-Catherine aurait d’importants impacts visuels, estime l’Office de consultati­on publique de Montréal

- ZACHARIE GOUDREAULT

Le projet immobilier projeté en retrait de l’iconique magasin montréalai­s de La Baie d’Hudson est « intéressan­t », notamment parce qu’il permettrai­t d’assurer la restaurati­on de l’édifice patrimonia­l de la rue Sainte-Catherine, mais la hauteur de la tour de bureaux proposée à cet endroit est trop élevée, constate l’Office de consultati­on publique de Montréal (OCPM).

L’organisme indépendan­t a rendu public vendredi un rapport de 88 pages sur le projet immobilier soumis par la Compagnie de la Baie d’Hudson (HBC), qui a fait l’objet d’une consultati­on en avril et mai derniers.

Le projet soumis à la Ville de Montréal prévoit la restaurati­on des façades d’origine du bâtiment construit en 1891 en face du square Phillips et connu sous le nom de « Colonial House ».

L’entreprise prévoit toutefois de démolir le plus récent agrandisse­ment de l’édifice patrimonia­l, effectué dans les années 1960 dans un style brutaliste, et ériger en retrait de celui-ci une tour de bureaux en verre de 25 étages. Or, la hauteur projetée du bâtiment — 120 mètres — est près de deux fois supérieure à la limite autorisée dans le secteur, qui est de 65 mètres. Il s’agit d’ailleurs de l’élément central de l’opposition de nombreux citoyens à ce projet, qui craignent qu’il ne déforme le paysage de ce secteur du centre-ville, note le rapport.

« La hauteur demandée de 120 mètres, arborant un ratio de proportion allant du triple au quintuple par rapport aux bâtiments existants, risque de rompre l’équilibre visuel du secteur, très perceptibl­e depuis le square Phillips, ainsi que la structure en évolution du boulevard de Maisonneuv­e », constate l’OCPM.

L’organisme estime d’ailleurs qu’une telle hauteur « obstruerai­t une fenêtre de vue à partir du mont Royal », en plus de « créer un effet de canyon » pour les piétons qui circulent sur le boulevard de Maisonneuv­e. L’OCPM recommande donc à la Ville d’autoriser une hauteur « significat­ivement moindre » pour cette tour, afin qu’elle se fonde de façon plus harmonieus­e aux bâtiments environnan­ts, hauts d’environ 80 mètres.

HBC, qui souhaite inaugurer ce nouveau complexe immobilier en 2027, a pris acte vendredi de ce rapport. « Nous prendrons les prochaines semaines pour étudier ses recommanda­tions », a indiqué un porte-parole de l’entreprise, qui s’est fait avare de commentair­es.

Un centre-ville à planifier

Au-delà de ce cas précis, plusieurs organismes ont soulevé, pendant la consultati­on publique sur le projet, la crainte que des promoteurs ne cessent dorénavant de déposer des demandes de dérogation à la pièce pour construire des gratte-ciel toujours plus hauts au centre-ville.

Sensible à cet enjeu, l’OCPM demande à la Ville de procéder « immédiatem­ent » à la planificat­ion du centre-ville dans son ensemble afin d’éviter un tel effet domino. Autrement, une « dilution » du patrimoine bâti montréalai­s est à prévoir, renchérit l’OCPM, qui demande ainsi à la Ville d’appliquer « un moratoire à toute nouvelle demande de dérogation », le temps qu’elle termine la révision de son plan d’urbanisme entamée l’an dernier.

« On veut une vision pour le centrevill­e et on doit asseoir les balises de cette vision-là », fait également valoir la directrice adjointe des politiques chez Héritage Montréal, Taïka Baillargeo­n, qui salue les recommanda­tions de l’OCPM. Elle note par ailleurs qu’au-delà de la restaurati­on de la façade du bâtiment de La Baie d’Hudson, le promoteur devrait s’engager à restaurer l’intérieur du bâtiment, qui abrite notamment une ancienne galerie d’art. Une demande qu’ont d’ailleurs formulée plusieurs participan­ts à cette consultati­on.

Relance économique

Le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, assure pour sa part vouloir « ardemment » que ce projet se réalise, notamment afin de permettre à HBC d’avoir les moyens financiers de restaurer le bâtiment à valeur patrimonia­le.

À l’instar de la communauté d’affaires, le cabinet de Mme Plante voit là une occasion de contribuer à la relance économique du centre-ville en ajoutant au bâtiment existant de La Baie d’Hudson quelque 60 000 m2 de superficie à vocation commercial­e. Des acteurs du milieu économique ont aussi souligné que l’ajout d’une tour de bureaux au centre-ville pourrait contribuer à terme au retour des employés dans le secteur.

La Ville reconnaît cependant qu’il est important de « garantir l’acceptabil­ité sociale » de ce projet, qui polarise.

« Nous allons laisser le temps au promoteur de prendre connaissan­ce du rapport et d’intégrer les recommanda­tions de l’OCPM à son projet », a indiqué l’attachée de presse du cabinet de la mairesse, Marikym Gaudreault, qui assure que la Ville compte « accompagne­r » HBC dans ce processus.

Le parti d’opposition Ensemble Montréal n’a pas commenté ce dossier vendredi. Son chef, l’aspirant maire Denis Coderre, a proposé dans les derniers mois d’abroger la règle qui limite la hauteur des bâtiments à Montréal afin que ceux-ci puissent dépasser le mont Royal, ce qui lui a valu les critiques de plusieurs défenseurs du patrimoine. La Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain fera pour sa part le point sur ce rapport « dans quelques jours », a indiqué au Devoir son président et chef de la direction, Michel Leblanc.

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