Québecor sort grand gagnant des enchères dans le sans-fil
La moitié des licences ont été accordées à des fournisseurs régionaux et indépendants
Les analystes sont à la fois déçus et encouragés par les résultats des enchères de fréquences de télécommunication sans fil publiés jeudi soir par le ministère fédéral de l’Innovation. Ils semblent surtout s’accorder sur le fait que Québecor s’est bien placé pour devenir le nouveau quatrième acteur national dans ce marché.
Au total, la moitié des 1495 licences accordées par le gouvernement fédéral l’ont été à des fournisseurs régionaux et indépendants. Le ministre FrançoisPhilippe Champagne s’est d’ailleurs félicité de voir au moins une compagnie régionale présente dans chacune des 172 régions du pays ciblées par ces enchères, ce qui pourrait mener à la création de nouveaux petits concurrents pour les grands réseaux nationaux.
Le prix payé — une somme totale de 8,9 milliards de dollars — est sensiblement plus élevé que ce que prévoyaient les analystes. Il pourrait représenter un frein au déploiement des prochaines mises à niveau des réseaux sans fil et faire augmenter les prix, craignent des analystes.
Cela dit, Québecor pourrait faire mentir ces prévisions. Il est le fournisseur indépendant qui a allongé la plus importante somme d’argent. L’entreprise montréalaise propriétaire de Vidéotron a récolté 294 licences, dont plusieurs situées en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, ce qui lui a coûté 830 millions de dollars. Un réseau sans fil fonctionnant sur ces fréquences couvrirait une population totale de 30 millions de personnes. « C’est la plus grande surprise de ces enchères », écrit l’analyste Robert Bek, de CIBC Marché des capitaux. Selon lui, Québecor se prépare à devenir le quatrième grand fournisseur national de services sans fil.
Un quatrième réseau national ?
Aux yeux des autorités, cette quatrième place était jusqu’ici occupée par Freedom Mobile. Elle sera laissée vacante par le rachat de Shaw par Rogers, puisque Shaw est propriétaire de Freedom, qui est présent dans plusieurs régions de l’ouest du Canada.
Les fréquences acquises par Québecor laissent d’ailleurs croire que la société dirigée par Pierre Karl Péladeau pourrait carrément racheter Freedom Mobile, une possibilité évoquée par le p.-d.g. lui-même après l’annonce de la transaction entre Rogers et Shaw.
Québecor qui rachèterait Freedom et se doterait ainsi d’une infrastructure de réseau sans fil nationale répondrait aux critères imposés plus tôt cette année par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) pour être autorisé à devenir un exploitant national de réseau virtuel. En vertu de la définition du CRTC, un exploitant virtuel doit détenir sa propre infrastructure dans certaines régions du pays pour pouvoir ensuite emprunter l’infrastructure nationale des plus grands exploitants.
Dans une note aux investisseurs publiée vendredi matin, l’analyste de Valeurs mobilières Desjardins Jérome
Les fréquences acquises laissent croire que la société dirigée par Pierre Karl Péladeau pourrait carrément racheter Freedom Mobile
Dubreuil voit Québecor et Cogeco, un autre fournisseur montréalais qui a mis la main sur des fréquences, se positionner pour être considérés comme de tels exploitants virtuels. « La propriété de fréquences est une considération importante pour avoir accès aux réseaux virtuels et aussi, potentiellement, pour l’éventuelle acquisition des actifs mobiles de Shaw s’ils sont mis en vente », écrit l’analyste montréalais. Ce dernier souligne le fait que les licences acquises par Québecor lui permettraient de couvrir une plus grande partie de la population canadienne que celles acquises par Bell et Telus.
La direction de Cogeco a manifesté dans le passé son intérêt pour le marché du sans-fil, mais rien n’indique si ou comment cette volonté se concrétisera. L’achat par Cogeco plus tôt cette année d’un fournisseur de services Internet aux États-Unis laisse supposer que le fournisseur de services de télécommunications pourrait davantage vouloir se concentrer sur les services résidentiels et commerciaux.
Cela laisse donc le champ libre à Québecor pour s’imposer à l’échelle nationale. Cela dit, rien n’empêcherait ce dernier, ni Cogeco d’ailleurs, de revendre certaines licences acquises à un prix plus élevé pour générer un profit. Dans l’ensemble, toutefois, la somme élevée payée pour les nouvelles licences aura un impact sur la valeur en Bourse des principales sociétés de télécommunications du pays, quoique minime.
Valeurs mobilières Desjardins a revu légèrement à la baisse son cours cible pour Bell, Rogers, Québecor et Telus. Seul celui de Cogeco demeure inchangé.