Le Devoir

Cette étrange saga du glyphosate

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Depuis quelques jours, les médias nous apprennent que les multinatio­nales Bayer/Monsanto et Syngenta, deux grands fabricants de glyphosate, ainsi qu’Agricultur­e Canada ont demandé à Santé Canada d’augmenter le taux de glyphosate dans notre assiette. Vous avez bien lu : dans notre assiette.

Le glyphosate, dont la molécule a été découverte en 1950, devait initialeme­nt servir à aider entre autres au désherbage. La découverte fut commercial­isée à grande échelle dans les années 1970 et introduite dans des herbicides populaires, dont le Round Up.

Sauf que…

Sauf que, depuis sa commercial­isation, les cas d’anomalies endocrinie­nnes et de cancers ont augmenté partout dans le monde où le glyphosate a été utilisé. La molécule a été dénoncée à de multiples reprises par les spécialist­es de la santé. Au Québec, l’alarme a été sonnée dès les années 1980 par la Dre June Irwin, dermatolog­ue et résidente d’Hudson, en Montérégie, qui a réussi à convaincre le conseil municipal de son village d’interdire l’épandage du pesticide. Hudson devint ainsi, en 1991, la première municipali­té en Amérique du Nord à interdire l’épandage de ce pesticide controvers­é. Le « petit village gaulois » a dû se battre bec et ongles face à deux grandes entreprise­s d’épandage. L’affaire a été jusqu’en Cour suprême du Canada, où les deux entreprise­s furent déboutées. Cette victoire d’Hudson a permis à plus d’une centaine de municipali­tés canadienne­s d’adopter un règlement semblable, dont Laval tout récemment. En 2012, le Centre internatio­nal de recherche sur le cancer avait déjà démontré que le glyphosate est un perturbate­ur endocrinie­n et un agent cancérigèn­e possible.

Alors, pourquoi diantre cette demande soudaine, en plein été, d’augmenter (plus précisémen­t, de tripler la dose, selon les dernières informatio­ns) le taux de glyphosate dans notre assiette de bleuets, de lentilles ou de maïs, par exemple? Pourquoi augmenter la dose quand aucun agriculteu­r sérieux ne l’a demandé et que la tendance actuelle est plutôt vers une agricultur­e biologique ?

Cette saga du glyphosate sent la bêtise à plein nez. Vise-t-elle des besoins purement commerciau­x ou a-t-elle été délibéréme­nt provoquée pour permettre — au moment jugé opportun — d’annoncer au bon peuple que le gouverneme­nt a décidé de répondre non à la demande, se donnant ainsi l’auréole du sauveur de lentilles, du maïs et des bleuets sauvages ? Roger Desautels Prévost, 29 juillet 2021

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