Le Devoir

Un automne de tous les dangers dans les université­s

Le retour à la vie universita­ire normale ne doit pas être précipité si on manque de connaissan­ces sur le taux de vaccinatio­n et de transmissi­on

- Samir Saul de Montréal

A-t-on jamais douté que le gouverneme­nt allait siffler le retour en présentiel ? L’intention était claire depuis la fin mai. Dès le mois de juin, à l’Université de Montréal, administra­teurs et cadres subalterne­s instauraie­nt l’horaire en présentiel, que les professeur­s le veuillent ou pas. Les objections pour des raisons de prudence sanitaire étaient exclues a priori. L’avis des professeur­s et leur santé n’avaient pas de place dans la planificat­ion. Le 22 juin, un conseil syndical extraordin­aire du syndicat des professeur­s a voté contre ce qui se passait.

Restait un obstacle : tout était conditionn­el à un taux de vaccinatio­n de 75 % à deux doses pour les 16-29 ans. Des experts avertissen­t qu’un taux de 85 %-90 % est nécessaire. De toute façon, la barre n’est qu’à 40 %. Alors, que faire pour procéder au retour programmé ? Changer les critères. On diffuse maintenant (28 juillet) une nouvelle reconnaiss­ant que le taux n’est pas atteint pour les 16-29 ans, mais

Le trimestre d’automne sera le plus délicat et le plus inquiétant depuis le début de la pandémie

qu’il devrait l’être pour les étudiants parmi eux. Comment sait-on cela puisque la profession n’est pas indiquée lors de la vaccinatio­n ? Astucieux pronostic publié au moment opportun !

Personne ne sait

On ne connaît personne qui ne veuille retourner à la vie normale, ne serait-ce que pour être soulagé de la tyrannie de l’écran, devenu à la fois notre carcan et notre prothèse. Encore faut-il que ce ne soit pas pour contracter le virus. La vérité est que nous ne savons pas combien de personnes sur les campus seront doublement vaccinées. Nous ne savons pas quelle sera la résistance des vaccins dans un contexte de concentrat­ion humaine. Nous savons cependant que, dans une université, il y a beaucoup de monde dans des lieux fermés et des espaces exigus, et que le côtoiement est prolongé. Ce n’est pas comme un saut rapide dans un magasin. Quiconque pense qu’il y aura distanciat­ion ne connaît pas le milieu universita­ire. Dans les classes, les couloirs, les escaliers et les ascenseurs, on sera collés les uns aux autres. Une serre chaude qui fera le bonheur du coronaviru­s et de son variant plus contagieux Delta, avec une 4e vague et des frontières qui s’ouvrent en arrière-fond. Le trimestre d’automne sera le plus délicat et le plus inquiétant depuis le début de la pandémie.

Les université­s s’autogèrent. Elles qui rappellent au gouverneme­nt leur autonomie quand cela leur convient plient l’échine quand il s’agit du retour en présentiel. Un peu de courage serait de mise, car la décision est, au bout du compte, la leur, et elles seront responsabl­es des conséquenc­es en cas de malheur.

Pourquoi ne pas attendre un trimestre pour obtenir véritablem­ent l’immunité collective et redémarrer dans des conditions moins risquées ? Pourquoi ne pas laisser à ceux qui le veulent la possibilit­é de rester à distance pendant le trimestre d’automne ? Cela permettrai­t d’effectuer un retour graduel, plutôt que de déclencher un mouvement de masse avec les dangers qu’il comporte.

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