Tom McCarthy de retour avec un drame social poignant
Sous le couvert d’une captivante intrigue criminelle, le réalisateur de Spotlight raconte un grand choc culturel dans Stillwater
On découvre Bill Baker sur la terre qui l’a vu naître et grandir, celle de Stillwater en Oklahoma, un territoire de beauté et de désolation, un paysage meurtri par les puits de pétrole et ravagé par les tornades. Lorsque le veuf, cinquantenaire renfrogné, quitte son quotidien monotone pour se rendre à Marseille retrouver sa fille emprisonnée pour meurtre, on comprend qu’on passera les deux prochaines heures dans un univers qui a plus à voir avec Les misérables de Ladj Ly qu’avec There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson.
En 2016, Tom McCarthy apparaissait sur le radar de plusieurs cinéphiles au moment où son cinquième long métrage récoltait l’Oscar du meilleur scénario original et celui du meilleur film. Inspiré de faits réels, mettant notamment en vedette Mark Ruffalo et Rachel McAdams, Spotlight recréait de manière palpitante l’enquête menée en 2001 par une équipe de journalistes du Boston Globe déterminés à dévoiler un scandale impliquant des prêtres pédophiles couverts par l’Église catholique depuis les années 1970. Le réalisateur américain est de retour ces jours-ci avec Stillwater, un film qu’il a coscénarisé avec Marcus Hinchey, Thomas Bidegain et Noé Debré.
Alors qu’elle étudie pour un an dans la cité phocéenne, Allison (Abigail Breslin, révélée il y a 15 ans par Little Miss Sunshine, continue de confirmer son talent) est arrêtée et accusée d’un meurtre qu’elle jure n’avoir pas commis, celui de sa conjointe Lina. Dans les rues de la ville et les dédales de la justice, son père Bill (Matt Damon), sans parler un seul mot de français, en plein choc culturel, mène courageusement l’enquête, s’emparant avec détermination d’une piste que la police refuse de poursuivre.
Le jour où l’Américain fait la rencontre de Virginie (Camille Cottin), une femme lumineuse, comédienne de théâtre, mère de famille monoparentale d’une adorable fillette métisse de huit ans, sa quête prend une toute nouvelle tournure.
Sous le soleil de Marseille
Bien que la formule soit usée, il faut reconnaître que le personnage principal de Stillwater est la ville de Marseille. Le soleil et la mer, l’architecture et l’art de vivre, bien entendu, mais plus certainement encore la fibre riche et tendue de cette collectivité aux cultures diverses et aux inégalités sociales cruellement systémiques. Sans tirer de conclusions, sans souligner l’indécence, la réalisation de McCarthy se contente de juxtaposer les quartiers défavorisés à ceux des nantis.
Ainsi, sous la captivante intrigue criminelle qui lui sert de moteur, le film n’est autre qu’un poignant drame social, une adroite et fort émouvante mise en scène des injustices qui tenaillent notre époque.
Ce que Stillwater risque d’inscrire le plus durablement en vous, c’est le souvenir d’une rencontre pas banale, celle de deux personnes que rien ne prédestinait à un pareil échange de réalités et de coutumes, de références et de sensibilités, de croyances et de convictions.
Serait-il possible de réconcilier deux visions du monde en apparence si diamétralement opposées ? Le tandem formé par Matt Damon, mutique, tout en retenue, et Camille Cottin, verbomotrice, débordante de joie de vivre, crève l’écran. Quant à Lilou Siauvaud, irrésistible dans le rôle de Maya, la fillette de Camille, on ose déjà prédire à la jeune actrice une belle carrière.