Des craintes et des attentes au sujet de l’ancien hôpital Royal Victoria
Le caractère patrimonial du site, son verdissement et la protection du mont Royal devraient aviver les débats lors d’une consultation publique à venir en septembre
Le milieu communautaire et les organismes de défense du patrimoine naviguent entre attentes et appréhensions à l’approche d’une consultation publique concernant le réaménagement du site de l’ancien hôpital Royal Victoria, dont une partie est convoitée par l’Université McGill.
Une première séance d’information virtuelle aura lieu le 8 septembre, indique une récente mise à jour du site Web de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), qui fera une annonce officielle à cet effet la semaine prochaine. La consultation s’échelonnera ensuite jusqu’en novembre et comprendra notamment des séances virtuelles d’audition des opinions des citoyens et des organismes, de même que des visites guidées de l’immense site de l’ancien hôpital.
« Un bien collectif »
Fondé en 1893, l’hôpital Royal Victoria a longtemps occupé une place importante dans le réseau de la santé montréalais. De nombreuses ailes se sont d’ailleurs ajoutées au complexe hospitalier au fil des décennies. La majeure partie des bâtiments sur ce site d’environ 100 000 m2 sont toutefois vacants depuis le déménagement des activités du Centre universitaire de santé McGill au site Glen, en 2015. Ainsi, plusieurs ailes de l’ancien complexe laissées à l’abandon sont aujourd’hui dans un état de dégradation avancée.
« Les immeubles sont vacants, donc ils se dégradent. Il y a aussi beaucoup d’espaces minéralisés qui ne peuvent bénéficier à personne actuellement, alors que c’est un site qui a un grand potentiel », évoque au Devoir la directrice des affaires publiques des Amis de la montagne, Maryline Charbonneau, qui suivra avec intérêt cette consultation publique. « Il faut avoir une mainmise sur ce bien collectif pour le redonner aux Montréalais », estime-t-elle.
Ce site stratégique, situé au pied du mont Royal et à proximité du centreville, fait toutefois l’objet d’un vaste plan directeur d’aménagement de la Société québécoise des infrastructures qui inclut notamment un projet d’environ 700 millions de dollars piloté par l’Université McGill. L’établissement souhaite ajouter plus de 25 000 m2 à son campus actuel en aménageant un pôle d’innovation en développement durable et en politiques publiques destiné à ses professeurs et étudiants sur une partie du site de l’ancien complexe hospitalier. Sur les six bâtiments que McGill compte acquérir, plusieurs seraient démolis pour laisser place à ce projet. Les bâtiments les plus anciens, qui ont un important cachet patrimonial, seront restaurés.
Le gouvernement du Québec a d’ailleurs approuvé le mois dernier le dossier d’opportunité de ce projet, baptisé le « Nouveau Vic ». Celui-ci est ainsi passé à l’étape du dossier d’affaires. La Ville de Montréal a pour sa part adopté un avis favorable le mois dernier concernant notamment les démolitions et les constructions prévues sur ce site, avant d’envoyer ce dossier devant l’OCPM.
Des inquiétudes
L’ensemble de la requalification du site soulève toutefois de nombreux défis sur lesquels l’OCPM, un organisme indépendant, sera appelé à se pencher. Le caractère patrimonial du site, son verdissement et la protection du mont Royal devraient notamment aviver les débats à venir pendant cette consultation.
Le plan directeur d’aménagement prévoit entre autres de faire passer de 1200 à 200 le nombre de cases de stationnement sur ce site — largement minéralisé — afin d’augmenter le nombre d’espaces verts. Des trajets piétonniers sont aussi prévus pour relier de façon plus formelle l’ancien hôpital au parc du MontRoyal, afin d’éviter que des sentiers sauvages continuent de prendre forme aléatoirement dans ce secteur, nuisant à la biodiversité de ce milieu naturel.
« Actuellement, les gens se créent eux-mêmes des chemins d’accès à partir du milieu naturel et ça entraîne une multiplication de chemins d’accès informels, confirme d’ailleurs Maryline Charbonneau. On veut que les gens puissent accéder au mont Royal de façon sécuritaire et paisible. »
L’organisme Les Amis de la montagne se préoccupe d’ailleurs de l’avenir de l’importante portion du site de l’ancien complexe hospitalier qui ne sera pas occupée par l’Université McGill. Dans un avis préliminaire réalisé en juin 2020, le Conseil du patrimoine de Montréal et le Comité Jacques-Viger soulignaient d’ailleurs l’importance d’avoir, de la part des différentes parties impliquées dans le développement de ce site, « un engagement formel » quant au maintien du « caractère public » de ce site.
« Il faut s’assurer qu’il y ait une vue d’ensemble, une vision commune » pour ce site pour éviter que celui-ci soit géré de façon distincte par « plusieurs promoteurs », estime également la directrice adjointe des politiques chez Héritage Montréal, Taïka Baillargeon.
« C’est un site exceptionnel qui est vraiment important pour [le mont Royal] et le centre-ville », rappelle-t-elle. Il faut donc que la planification de celuici « soit à la hauteur » des attentes de la population.
Pour ce faire, « il faut qu’une partie du site serve au développement de logement social », affirme la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, Véronique Laflamme. Actuellement, les seuls logements envisagés sur ce site sont des résidences étudiantes.
« Il faut veiller au grain pour s’assurer que les sites publics demeurent d’utilité publique, dans un contexte où le foncier devient hors de prix, insiste Mme Laflamme. Ça n’a aucun sens de laisser au privé des sites qui nous appartiennent collectivement. »
Un enjeu électoral ?
Cette consultation aura ainsi lieu en même temps que la campagne électorale municipale, ce qui laisse présager que le réaménagement de l’ancien hôpital Royal Victoria pourrait s’inviter dans les débats à venir entre les différents partis politiques montréalais.
« En 2017, ce n’était pas un enjeu qui a l’importance qu’il a aujourd’hui. Aujourd’hui, il a tout le potentiel pour que ça devienne un enjeu important », estime la professeure à l’UQAM et experte en gestion municipale, Danielle Pilette. Cette dernière constate notamment que la préservation des points de vue sur le mont Royal préoccupe de plus en plus la population, tout comme des enjeux en matière d’habitation.
L’OCPM pourrait déposer son rapport d’ici la fin de l’année ou encore au début de 2022.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Les immeubles sont vacants, donc ils se dégradent. Il y a aussi beaucoup d’espaces minéralisés qui ne peuvent bénéficier à personne actuellement, alors que
c’est un site qui a un grand potentiel.
MARYLINE CHARBONNEAU