Le Devoir

Se souvenir de Minamata

- Éric Desrosiers à Tokyo

Les autorités de la petite ville côtière de Minamata au Japon ne savent pas trop quoi penser de ce nouveau film qui met en vedette l’acteur américain Johnny Depp. Réalisé par Andrew Levitas, Minamata raconte une histoire, largement oubliée aujourd’hui, de pollution industriel­le à travers les yeux de l’un des plus célèbres photojourn­alistes, l’Américain W. Eugene Smith.

Dans les années 1950, Minamata a eu la chance, qui s’est rapidement transformé­e en catastroph­e, de voir s’installer chez elle l’une des plus importante­s usines de produits chimiques du Japon. Comme la Chisso déversait ses rejets dans la baie dont dépendaien­t de nombreuses familles, de multiples cas d’empoisonne­ment au mercure ont commencé à apparaître chez les animaux, puis chez les humains, causant notamment des troubles neurologiq­ues, des malformati­ons à la naissance et même la mort. Compris et nommé par des experts en santé dès 1959, le problème des rejets toxiques n’allait pas être reconnu et réglé par leurs responsabl­es avant le début des années 1970.

W. Eugene Smith allait contribuer à révéler ce drame au monde entier avec un reportage photo où il est allé au plus près des victimes.

Des citoyens de Minamata organisero­nt ce mois-ci une projection du film d’Andrew Levitas quelques semaines avant sa sortie en salle dans le pays. Ils auraient voulu que la Ville s’associe officielle­ment à l’événement, mais elle a refusé, rapportait cette semaine le quotidien japonais Asahi Shimbun.

Quelques mois auparavant, la presse nipponne avait déploré qu’une partie des quelque 2300 personnes rendues malades par la contaminat­ion à Minamata et plus de 70 000 personnes affectées à différents niveaux attendaien­t toujours d’être reconnues comme victimes par les programmes d’aide mis en place par les gouverneme­nts, en dépit d’appels répétés des tribunaux en ce sens.

Le hasard veut qu’on ait aussi appris, cette semaine, que le gouverneme­nt ne portera pas en appel une autre décision des tribunaux qui le presse cette fois de ne pas être si restrictif dans sa définition des victimes de la pluie noire radioactiv­e qui s’est abattue sur la population après l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki en 1945.

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