Le Devoir

Le merveilleu­x monde des communicat­ions et la santé publique

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Ah, les merveilleu­x moyens de communicat­ion modernes ! Quand j’étais petite, une coupure d’eau était signalée par une personne, oui, une vraie personne, qui passait dans la rue en faisant du bruit (mégaphone, sirène, etc.), parfois même à pied. Oui, à pied. Puis, il y a eu la version « fin de siècle », où une personne, elle aussi à pied, accrochait des avis aux portes des maisons. Quelle inacceptab­le lenteur !

Aujourd’hui, c’est tellement mieux !

Mardi 20 juillet, il a fallu beaucoup de temps pour qu’une manipulati­on susceptibl­e de corrompre la qualité de l’eau soit signalée aux habitants d’un très vaste périmètre. L’avis, émis à 15 h 33, stipulait qu’il fallait faire bouillir l’eau à partir de 14 h (!). Or, la coupure d’eau initiale avait été bien antérieure, entre 8 h et 9 h du matin. Aucune annonce publique n’a été faite outre l’avis publié sur le site de la Ville de Montréal (sous la rubrique « Avis et alertes »). Ainsi, aucun avertissem­ent n’était visible à côté de la fontaine publique du parc Jean-Jacques-Olier. Les parents qui fréquenten­t le parc l’ont appris d’une maman ! De nombreux citoyens, dont plusieurs sont affectés depuis par des problèmes de santé mineurs, l’ont appris trop tard pour pouvoir se prémunir, et plusieurs ne l’ont sans doute pas appris du tout. Au temps de la communicat­ion directemen­t apportée aux citoyens, l’informatio­n arrivait nettement plus rapidement, où que l’on se trouvât, d’autant qu’elle était multipliée par la rumeur publique.

Certes, nous sommes dans une société si moderne ! Une vraie société des loisirs ! Tout le monde a le temps et surtout le désir d’aller consulter, au cas où, les sites qui offrent des informatio­ns cruciales plusieurs fois par jour ou encore d’en subir les innombrabl­es alertes.

Il apparaît de cet exemple, dont il faut espérer qu’il n’aura pas de conséquenc­es tragiques, que les merveilleu­ses promesses de l’intelligen­ce artificiel­le semblent conduire plutôt à un renoncemen­t aux règles les plus élémentair­es du gros bon sens et qu’à force de spinner sur des infos insignifia­ntes et la diffusion de pubs en boucles, les médias ont vendu leur âme aux algorithme­s et à leur gestion aléatoire de l’informatio­n.

Nous serions dans une société de l’informatio­n ? Laissez-moi rire…

Micheline Cambron, Université de Montréal

Le 22 juillet 2021

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