Le Devoir

En Afghanista­n, les talibans toujours plus en avant

Les capitales provincial­es Hérat, Kandahar et Lashkar Gah subissent à leur tour les assauts des insurgés

- LUC MATHIEU À PARIS LIBÉRATION

La guerre afghane est entrée dans une nouvelle phase, plus violente et plus dangereuse. Les talibans, à l’offensive depuis la mi-avril, ne se contentent plus d’attaquer des districts reculés, à peine habités et encore moins gardés par des soldats à court de munitions qui s’empressent de fuir quand ils avancent. Ils se lancent à l’assaut de grandes villes, stratégiqu­es et peuplées. Samedi, ils sont entrés quasi simultaném­ent dans trois capitales provincial­es : Hérat (ouest), Kandahar et Lashkar Gah (sud). « S’ils venaient à prendre

Hérat ou Kandahar, plusieurs autres villes du sud et de l’ouest tomberaien­t, comme dans une vague. La guerre est aussi une question de propagande et de moral », dit un responsabl­e sécuritair­e afghan, joint à Kaboul.

Dans la nuit de samedi à dimanche, le ministère de la Défense a envoyé en catastroph­e plusieurs centaines de forces spéciales à Hérat pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Mais dimanche en début d’après-midi, après quelques heures de calme, les combats avaient repris à l’ouest de la ville, la troisième du pays avec environ 600 000 habitants. Les talibans tentaient toujours d’avancer vers les quartiers du centre.

Reconquéri­r Kandahar serait un coup de force, aussi symbolique que stratégiqu­e, et aboutirait à une partition de fait du pays

Seigneur de guerre

Leur offensive a en réalité démarré jeudi. Selon le responsabl­e sécuritair­e, le ministère de la Défense s’apprêtait à lancer une opération pour reprendre le poste-frontière de Torghundi, qui borde le Turkménist­an, pris par les talibans début juillet. « Ils ont précipité leur attaque pour bloquer cette opération. Ils ont commencé par couper la route qui mène au poste-frontière et ont avancé sur plusieurs fronts ensuite », explique-t-il.

En face, l’armée afghane n’a pas tenu. Ce sont les hommes d’Ismail Khan, seigneur de guerre de 75 ans, moudjahid lors de l’invasion russe et homme fort de la région, qui se sont interposés. Samedi, il s’est plaint de la lenteur des officiels de Kaboul à envoyer des renforts, malgré leurs promesses. Les talibans ont avancé jusqu’à la lisière du centre-ville et attaqué le bâtiment des Nations unies, tuant un de ses gardes. Ils ont fini par reculer dans la nuit, lorsque les commandos afghans sont arrivés.

La situation est au moins aussi volatile à Kandahar, deuxième ville du pays et fief historique des talibans. C’est là-bas qu’ils se sont formés au début des années 1990 et que vivait la plupart du temps leur fondateur, le mollah Omar. La reconquéri­r serait un coup de force, aussi symbolique que stratégiqu­e, et aboutirait à une partition de fait du pays. Dimanche, ils ont visé à coups de roquettes l’aéroport, provoquant sa fermeture.

Ils enserrent en réalité la ville depuis plusieurs semaines et s’y infiltrent régulièrem­ent. L’aviation américaine est intervenue à plusieurs reprises avec des bombardier­s B52, les empêchant de masser des renforts, comme ils ont tenté de le faire il y a une dizaine de jours, et visant des stocks d’armes et de véhicules dont ils s’étaient emparés.

Le 26 juillet, le général américain Kenneth McKenzie a affirmé que son armée et ses avions, dont le retrait total est prévu pour le 31 août, continuera­ient à appuyer les forces afghanes. « Les talibans tentent de faire croire que leur victoire est inévitable. Ils ont tort », a-t-il déclaré depuis Kaboul. Interrogé sur la poursuite des frappes aériennes après le 31 août, il n’a en revanche pas voulu répondre.

Dans la province du Helmand (sudouest), autre place forte des talibans, la capitale Lashkar Gah, encerclée, est elle aussi sous le feu insurgé. Elle est régulièrem­ent attaquée depuis une dizaine d’années. Mais les talibans n’ont jamais paru aussi proches de pouvoir s’en emparer. Leurs assauts se succèdent depuis plusieurs jours. Ils ont fini par être repoussés samedi, après des frappes de l’aviation afghane. L’un des bombardeme­nts a touché un hôpital, tuant une personne. Dimanche, les combats avaient repris.

Exils en hausse

Autant à Hérat qu’à Kandahar et Lashkar Gah, les affronteme­nts ont tué ou blessé plusieurs centaines de civils. À lui seul, l’hôpital Mirwais, le plus grand de Kandahar, a dénombré 700 morts entre le 14 et le 28 juillet, selon le bureau de coordinati­on humanitair­e de l’ONU. À Hérat, plus de 2 000 habitants de la ville et du district adjacent à Injil ont, eux, dû fuir leur maison.

Même dans les villes épargnées par les combats, en tout cas pour l’instant, telle la capitale Kaboul, les habitants qui le peuvent cherchent à partir. « Tout le monde essaie de s’exiler, que ce soit avec un visa ou illégaleme­nt », explique un responsabl­e afghan d’une ONG. D’après l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations, les passages illégaux de frontières ont augmenté de 30 à 40 % ces dernières semaines. Entre 30 000 et 40 000 Afghans quittent désormais leur pays chaque semaine. « L’Afghanista­n est au bord d’une nouvelle crise humanitair­e, a averti le 13 juillet le porte-parole du HautCommis­sariat aux réfugiés de l’ONU. Sans accord de paix, les déplacemen­ts de population à l’intérieur du pays augmentero­nt, tout comme ceux vers les pays voisins et au-delà. »

 ?? HOSHANG HASHIMI AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le ministère de la Défense a envoyé en catastroph­e plusieurs centaines de forces spéciales à Hérat pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Mais dimanche en début d’après-midi, après quelques heures de calme, les combats avaient repris à l’ouest de la ville.
HOSHANG HASHIMI AGENCE FRANCE-PRESSE Le ministère de la Défense a envoyé en catastroph­e plusieurs centaines de forces spéciales à Hérat pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Mais dimanche en début d’après-midi, après quelques heures de calme, les combats avaient repris à l’ouest de la ville.

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