Le Devoir

Le miracle de l’innovation perpétuell­e

- ALAIN McKENNA

Anges Québec existe depuis une douzaine d’années et est le plus important regroupeme­nt d’investisse­urs en son genre au Canada. Son modèle assez unique d’investisse­ment tôt dans le démarrage de nouvelles entreprise­s vise à stimuler l’innovation dans des domaines où ses membres (ils sont plus de 230) ont déjà une certaine expertise, pour avoir lancé, administré ou vendu une entreprise. Nommée p.-d.g. du réseau en novembre dernier, Geneviève Tanguay a revu d’un bout à l’autre le rôle de l’organisme dès son arrivée. Son expérience au Fonds de solidarité FTQ et dans l’écosystème entreprene­urial de Boston lui procure une expérience unique qui tombe à point, à un moment où les investisse­urs n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir débourser leur capital.

Réflexion dirigée sur certains sujets L’abondance actuelle du capitalris­que

Depuis environ un an, de nouveaux fonds d’investisse­ment spécialisé­s en capital-risque sont formés à peu près toutes les semaines au Canada. Le Québec possède une industrie du capital-risque relativeme­nt jeune mais très active, et elle n’échappe pas à cette tendance. Le secteur technologi­que québécois en a profité largement, mais une nouvelle vague d’investisse­urs commence à s’intéresser à d’autres secteurs plus ou moins connexes : les sciences de la vie, le secteur de l’éducation, les technologi­es financière­s… C’est une bonne nouvelle qui cache toutefois un problème récurrent du modèle québécois, rappelle Mme Tanguay.

« L’accès au capital est plus facile en 2021 que dans les années passées. Le capital-risque est un secteur très cyclique et nous sommes présenteme­nt au début d’un nouveau cycle où le capital est à nouveau disponible en bonne quantité pour aider de nouvelles start-up à voir le jour. En plus, le gouverneme­nt du Québec a été très présent dans notre secteur depuis les 24 derniers mois. Il reste toutefois à résoudre l’enjeu de l’accès au talent. Il nous faut davantage d’entreprene­urs qui s’intéressen­t à ce qui se fait dans nos université­s en recherche académique et fondamenta­le. »

Les entreprene­urs en série

Les entreprene­urs en série sont des gens d’affaires qui ont été impliqués dans l’émergence et la croissance de plus d’une entreprise. Dans le secteur technologi­que, les entreprene­urs qui ont démarré une entreprise puis qui l’ont vendue ou inscrite à la bourse pour en démarrer une autre sont généraleme­nt présentés comme des modèles d’inspiratio­n dans un secteur qui carbure sans cesse à l’innovation. Le Québec ne compte pas beaucoup de ces entreprene­urs en série, même s’ils sont de plus en plus nombreux.

« Anges Québec est le plus vieux et le plus grand réseau d’anges investisse­urs au Canada. Nous commençons à compter sur un nombre intéressan­t d’investisse­urs en série. Il faut dire qu’il existe différents profils d’anges investisse­urs. Il y a évidemment ceux qui ont fondé une entreprise. Nous avons aussi de hauts dirigeants qui ont peut-être été p.-d.g. ou vice-présidents et qui possèdent une belle expérience en gestion et qui souhaitent devenir anges investisse­urs à leur tour. »

On pourrait s’inspirer un peu plus de l’écosystème de la ville de Boston. Montréal y ressemble déjà beaucoup. L’écosystème d’innovation de Boston tourne autour de ses université­s, dont le MIT. C’est très inspirant. Mais là où le Québec compte un petit nombre d’investisse­urs de deuxième génération, Boston compte sur des investisse­urs de troisième ou quatrième »

génération. On y compte 25 réseaux d’anges investisse­urs, alors que nous n’en avons qu’un au Québec.

GENEVIÈVE TANGUAY

Les anges investisse­urs

Toutefois, ne devient pas ange investisse­ur qui veut. Il faut d’abord se qualifier auprès de l’Autorité des marchés financiers pour être considéré comme investisse­ur. Cela exige entre autres de posséder un actif d’au moins 5 millions de dollars. Ensuite, il faut se familiaris­er avec les façons de faire dans le secteur de l’investisse­ment. Lorsqu’ils s’engagent dans une entreprise, les membres d’Anges Québec se réunissent d’ailleurs en petits groupes pour maximiser le partage des connaissan­ces et améliorer l’expertise de chacun.

« Nous avons des anges en série et des anges en développem­ent. Le meilleur exemple de ce second groupe est celui de François-Pierre Chevalier, dont l’entreprise familiale, le fabricant de produits pharmaceut­iques Bio-K, a été vendue à un groupe irlandais à la fin 2020. Il est venu nous voir pour apprendre à devenir investisse­ur. C’est quelque chose qui ne s’apprend pas à l’école, mais à travers l’expérience répétée. S’impliquer dans plusieurs projets est le meilleur moyen de se bâtir une expertise. »

La création d’entreprise­s

Historique­ment, la création d’entreprise­s au Québec a toujours un peu traîné de la patte par rapport au reste de l’Amérique du Nord. Les jeunes entreprene­urs sont aussi moins nombreux dans la province qu’ailleurs sur le continent. Certains facteurs pourraient contribuer à renverser cette tendance. D’abord, la crise sanitaire de la dernière année et demie pourrait avoir convaincu des gens insatisfai­ts par leur situation profession­nelle à se lancer en affaires, comme cela se produit généraleme­nt immédiatem­ent après une grande crise financière. Ensuite, l’émergence d’entreprise­s québécoise­s à succès ces dernières années crée des précédents qui inspirent de nouveaux entreprene­urs à démarrer leur propre société.

« Nous observons aussi ces jours-ci une hausse de la qualité des projets innovants qui voient le jour, que ce soit dans les technologi­es financière­s, de la santé ou de l’environnem­ent. Les exemples de succès inspirent les nouveaux projets. Par exemple, la jeune pousse montréalai­se spécialisé­e dans les technos de l’éducation Paper vient de lever 120 millions de dollars, ce qui représente tout un coup de circuit pour nos anges investisse­urs. Ils vont continuer à investir dans le secteur des edtechs, et cela va mener à la création d’une petite grappe québécoise dans ce secteur. Ça illustre l’importance des exemples de succès pour stimuler l’innovation. »

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Le modèle québécois de l’investisse­ment en capital-risque est largement modelé sur celui de la Silicon Valley. Anges Québec s’inspire de son côté des réseaux d’anges de Chicago. Vous avez travaillé à Boston. Quelle est la meilleure inspiratio­n pour les anges québécois?

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