Le Devoir

« J’ai appelé pour de l’aide, et ils ont tué mon fils »

Les proches d’un homme noir abattu par la police de Repentigny dénoncent l’interventi­on

- ANNE-MARIE PROVOST

Des proches de l’homme noir abattu par des policiers de Repentigny dimanche matin dénoncent vivement une interventi­on policière qu’ils qualifient d’injustifié­e et affirment que les personnes racisées ne sont pas en sécurité dans la ville.

« Il faut que ça change, ça ne peut pas continuer comme ça. Mon fils est une victime », a lancé sa mère, Marie-Mireille Bence, devant les journalist­es réunis lundi devant chez elle à Repentigny.

Son fils de 38 ans, Jean René Junior Olivier, était en détresse psychologi­que et croyait voir des gens qui voulaient lui faire du mal, a-t-elle raconté.

Elle a appelé les policiers, car elle était inquiète et elle avait peur qu’il se blesse. « Je suis en colère. J’ai appelé pour de l’aide, et ils ont tué mon fils », a-t-elle dit.

Selon les informatio­ns préliminai­res transmises au Bureau des enquêtes indépendan­tes (BEI), qui a ouvert une enquête sur le travail des policiers de Repentigny, les agents ont répondu vers 7 h 30 dimanche à un appel au 911 concernant une personne confuse armée d’un couteau.

Les policiers auraient d’abord tenté de raisonner M. Olivier, puis auraient utilisé du gaz poivré pour le maîtriser, toujours sans succès, selon les informatio­ns transmises au BEI. Ils auraient ensuite tiré plusieurs coups de feu en sa direction et l’auraient atteint mortelleme­nt.

Mais selon Marie-Mireille Bence, son fils n’était pas menaçant. « Il a jeté le couteau par terre et c’est là qu’ils l’ont abattu, ils ont tiré trois fois dans son estomac, a-t-elle dit. Je trouve ça absurde, il y avait d’autres moyens pour le maîtriser. »

Dolmine Laguerre, la cousine de M. Olivier, a montré aux journalist­es un petit couteau de cuisine identique à celui qu’il aurait eu en sa possession et a demandé pourquoi six agents et trois balles ont été nécessaire­s pour le maîtriser. « La famille veut des réponses, la famille veut la justice et la famille veut savoir ce qui s’est passé, a-t-elle déclaré. Si vous venez à Repentigny, est-ce que vous sentez que nous sommes en sécurité ? Avez-vous l’impression que nous devons nous cacher ? La couleur de notre peau parle pour nous ».

« Ça fait longtemps que la confiance n’était plus là »

Pour Pierre-Richard Thomas, coordonnat­eur chez Lakay Média et président de l’Associatio­n des personnes racisées de Repentigny, les événements de dimanche marquent un point de rupture.

« Ça fait longtemps que la confiance n’était plus là, mais avec ce qui s’est passé, c’est la rupture totale, a-t-il déclaré en entrevue avec Le Devoir. Quand les gens auront un problème, est-ce qu’ils vont appeler le 911 ? Aurontils confiance envers le service de police de Repentigny ? » Il ajoute que cela fait plusieurs années que des interpella­tions problémati­ques sont dénoncées par des personnes racisées. « En cinq ans, il n’y a pas eu de changement », estime-t-il.

La situation aurait pu être gérée autrement, estime de son côté Fo Niemi, directeur général du Centre de recherchea­ction sur les relations raciales (CRARR). « Si les policiers avaient eu un pistolet à impulsion électrique, est-ce qu’ils auraient pu l’utiliser ? » se demande-t-il. Il estime que l’approche devrait être différente lorsque les policiers font face à quelqu’un qui souffre de problèmes de santé mentale.

Une vigie aura lieu mercredi en soirée devant l’hôtel de ville de Repentigny. « Les gens vont continuer à demander justice et respect », souligne Pierre-Richard Thomas.

Il a jeté le couteau par terre et c’est là qu’ils l’ont abattu, ils ont tiré trois fois dans son »

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La police de Repentigny réagit

Le Service de police de la Ville de Repentigny a tenu une conférence de presse lundi après-midi.

Sa directrice, Helen Dion, s’est engagée à « prendre contact » avec la mère de M. Olivier et a dit comprendre comment la communauté noire peut être ébranlée par les événements de dimanche. Les policiers le sont aussi, a-t-elle ajouté, en précisant que les agents impliqués sont sous « suivi psychologi­que ».

Elle a reconnu que « la sensibilit­é n’était pas aussi présente qu’on l’aurait souhaité » au sein de son organisati­on, dont la réputation a été mise à mal par plusieurs histoires de profilage ces dernières années. Le service de police est en train de développer un programme pour améliorer ses façons de faire afin de réaliser des interventi­ons « sans biais et sans discrimina­tion ».

Jean René Junior Olivier a déjà eu des démêlés avec la justice.

En 2020, il a fait face à des accusation­s d’agression armée et de harcèlemen­t criminel dans un contexte de violence conjugale ; les accusation­s ont été retirées en janvier dernier.

En mars 2017, quatre accusation­s liées à l’usage d’armes à feu ont été enregistré­es contre lui. Trois d’entre elles ont été retirées après qu’il eut plaidé coupable à possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisati­on restreinte avec des munitions. Il avait alors écopé de 30 mois de détention. Il avait également plaidé coupable à des accusation­s de possession de substance illicite en vertu de la Loi sur les drogues.

En 2002, il a plaidé coupable à des accusation­s d’introducti­on par effraction et de méfait. Il a écopé de 150 heures de travaux communauta­ires et d’une probation de deux ans. L’année suivante, il était de retour devant le tribunal puisqu’il n’a pas respecté ses conditions.

Avec Améli Pineda et La Presse canadienne

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le fils de Marie-Mireille Bence, Jean René Junior Olivier, 38 ans, était en détresse psychologi­que, selon sa mère.

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