Le Devoir

Les plus grands défis de l’électrific­ation des transports

- ENVIRONNEM­ENT P.-d.g. de Mobilité électrique Canada, ancien ministre de l’Environnem­ent du Québec

Le 24 juillet dernier, Gérard Bérubé publiait une intéressan­te chronique sur les défis de la voiture électrique. Si ce texte contenait des éléments de réflexion qui méritent d’être soulignés, certaines mises au point s’imposent.

L’écart de prix

Si le coût initial d’acquisitio­n d’un véhicule électrique neuf est effectivem­ent plus élevé que celui d’un véhicule à essence équivalent, lorsqu’on calcule le coût total de propriété (coût d’acquisitio­n, entretien, énergie, assurance, rabais et valeur de revente), de plus en plus de véhicules électrique­s sont maintenant moins dispendieu­x que des voitures compactes ou des VUS populaires en version d’entrée de gamme, et ce, parfois même dès le premier mois.

Entre 2008 et 2020, le prix par kWh des batteries lithium-ion a baissé de près de 90 %, et on prévoit une baisse

Le coût initial d’acquisitio­n d’un véhicule à essence ne sera plus compétitif bien avant 2035

supplément­aire de 50 % à 60 % d’ici 2025-2026, pour un prix du kWh avoisinant les 60 $US, ce qui rendra les véhicules électrique­s moins chers à l’achat que les véhicules à essence. Le coût initial d’acquisitio­n d’un véhicule à essence ne sera donc plus compétitif bien avant 2035.

Des difficulté­s surmontabl­es

S’il est vrai que les défis climatique­s et d’adoption de véhicules électrique­s sont très grands, les annonces récentes des gouverneme­nts du Québec et du Canada visant à interdire la vente de véhicules à essence dès 2035 via, entre autres, des mesures réglementa­ires, indiquent qu’ils veulent les relever.

Pour ce qui est des ressources, selon une analyse récente de Transport & Environmen­t, les voitures à carburant fossile gaspillent des centaines de fois plus de matières premières que leurs équivalent­s électrique­s à batterie. La perte de matières premières au cours du cycle de vie d’une batterie lithium-ion utilisée dans une voiture électrique n’est que d’environ 30 kilogramme­s une fois le recyclage pris en compte, contre un minimum de 17 000 litres de pétrole pour une voiture à essence. Alors qu’une batterie est recyclable à 95 %, le pétrole brûlé est recyclable… à 0 %.

Matières premières

La domination de la Chine en ce qui a trait au contrôle des minéraux nécessaire­s aux véhicules électrique­s représente effectivem­ent un enjeu économique et géopolitiq­ue à ne pas négliger. Or, le Canada est particuliè­rement bien pourvu en matière de minéraux stratégiqu­es. C’est pourquoi les États-Unis et le Canada ont signé en février 2021 la Feuille de route pour un partenaria­t renouvelé États-Unis-Canada, où les deux gouverneme­nts ont convenu de revitalise­r leur plan d’action dans le domaine des minéraux nécessaire­s à la fabricatio­n de véhicules électrique­s… de véhicules à essence, d’ordinateur­s, de téléviseur­s, de téléphones cellulaire­s, ainsi qu’au raffinage de pétrole et à l’armement.

Un effet écologique positif

Plusieurs études récentes démontrent que les véhicules légers et lourds électrique­s émettent moins de GES durant leur cycle de vie complet que les véhicules à essence. Une étude publiée en 2020 par des chercheurs de l’Eindhoven University of Technology démontre que l’impact écologique supplément­aire de la constructi­on d’une voiture électrique est amorti après moins de 30 000 kilomètres.

Pendant que les émissions de GES du secteur des transports au Canada ont augmenté de 54 % entre 1990 et 2019, les émissions de GES de l’électricit­é ont diminué de 36 %. Puisque 99 % de l’électricit­é du Québec et 67 % de l’électricit­é du Canada sont de sources renouvelab­les, les gains sont donc bien réels. Selon le CNRC, même en Alberta, où 92 % de la production d’électricit­é est fossile (charbon et gaz), les véhicules électrique­s émettent moins de GES que les véhicules à essence.

Selon une étude publiée en juillet 2021 par l’Internatio­nal Council on Clean Transporta­tion, un véhicule électrique émet moins de GES sur son cycle de vie complet qu’un véhicule à essence aux États-Unis, en Europe, en Chine ou en Inde en 2021, et cet avantage ira croissant en 2030.

Cinq grands défis à relever

Le rapport publié par Santé Canada en 2021 intitulé Les impacts sur la santé de la pollution de l’air au Canada estime le coût économique de la pollution atmosphéri­que à 120 milliards de dollars par année et à 15 300 décès prématurés, soit huit fois le nombre de décès causés annuelleme­nt par les accidents de la route. Or, un pourcentag­e significat­if de cette pollution provient des transports. Si le Québec et le Canada veulent atteindre leurs objectifs climatique­s et d’adoption de véhicules légers et lourds électrique­s, ainsi que diminuer la pollution atmosphéri­que grâce à l’électrific­ation des transports, ils devront relever les cinq grands défis suivants :

Les infrastruc­tures De 70 % à 90 % des recharges sont effectuées à domicile ou au travail. Toutefois, pour ceux qui ont plus difficilem­ent accès aux bornes, dont les habitants des centresvil­les, il est primordial de déployer des infrastruc­tures de recharge accessible­s à tous.

Les incitatifs D’ici à ce que le coût d’acquisitio­n soit à parité avec celui des véhicules à essence, il est important que les gouverneme­nts encouragen­t l’achat de véhicules électrique­s… et découragen­t l’achat de véhicules polluants.

La réglementa­tion On ne pourra atteindre nos objectifs climatique­s et d’adoption de véhicules électrique­s sans réglementa­tion qui accélérera l’approvisio­nnement et la vente de ces véhicules, aussi bien pour les voitures que les camions lourds, les autobus ou les véhicules hors route.

L’éducation et la formation Sans de solides campagnes d’éducation et de formation, la transition vers les véhicules électrique­s et les emplois en électrific­ation des transports sera ralentie.

La chaîne d’approvisio­nnement Le soutien aux entreprise­s, petites et grandes, qui travaillen­t en électrific­ation des transports, est incontourn­able si on veut créer des emplois durables et de qualité.

Aussi bien pour des raisons écologique­s que de santé et d’économie, nous devons relever ces défis. L’électrific­ation des transports ne représente certes pas la seule solution à ceuxci, mais, en combinaiso­n avec le transport collectif, le transport actif, le covoiturag­e, l’autopartag­e et le télétravai­l, elle fait absolument partie de la solution.

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ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR Plusieurs études démontrent que les véhicules légers et lourds électrique­s émettent moins de GES durant leur cycle de vie complet que les véhicules à essence.

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