Jean Dujardin renfile le costume d’OSS 117 dans Bons baisers d’Afrique
Jean Dujardin renfile le costume de l’espion OSS 117, cette fois dirigé par Nicolas Bedos, dans Bons baisers d’Afrique
Nous sommes en 1981. OSS 117, la légende du contre-espionnage français, est retenu prisonnier par les Soviétiques en Afghanistan. Avec son esbroufe habituelle, OSS 117 s’échappe pour rejoindre une France en pleine mutation. Les jeunes ne portent plus le costume, les ordinateurs font leur apparition et les rouges sont partout. Ils se présentent apparemment même à l’élection présidentielle en la personne de François Mitterrand (le candidat de la gauche, qui remportera l’élection face au président sortant, Valéry Giscard d’Estaing).
La France de René Coty est dépassée, et avec elle OSS 117, remplacé sur le terrain par OSS 1001. Jusqu’à ce que ce dernier disparaisse lors d’une mission en Afrique. OSS 117 est alors envoyé pour le retrouver et finir la mission.
C’est avec plaisir qu’on retrouve Jean Dujardin dans la peau de l’agent Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117. Dans Bons baisers d’Afrique, le comédien renfile le costume taillé sur mesure par Michel Hazanavicius et Jean-François Halin comme s’il ne l’avait jamais quitté. Avec l’aisance qui a fait la réussite des deux premiers opus, il offre une fois encore un numéro d’équilibriste en donnant la juste dose de caricature à son jeu, pour faire d’OSS 117 une parodie jubilatoire de James Bond à travers laquelle la France contemporaine se purifie des travers de son passé raciste et misogyne en s’en moquant.
Juste mesure
Si Halin se cache toujours derrière le scénario et les dialogues de cette troisième aventure d’Hubert Bonnisseur de La Bath, le réalisateur et coscénariste Hazanavicius, lui, a cédé sa place à Nicolas Bedos, qui signe ici sa troisième réalisation. Malgré un César du meilleur scénario et une nomination pour le meilleur film avec La belle époque, ce ne fut pas une mince affaire pour Bedos de reprendre le flambeau d’OSS 117. Il s’en sort toutefois plutôt bien. Il réussit à donner au film une juste mesure entre sérieux et comique, qui lui évite de sombrer dans le potache à la manière d’un Austin Power.
De la même manière, il fait perdurer le charme suranné de la franchise. Grâce à l’utilisation de la pellicule, mais aussi grâce à certains cadrages et mouvements de caméra kitch à souhait et judicieusement placés. La photographie y apporte une contribution majeure. Laurent Tanguy, dont la justesse du travail lui avait valu une nomination aux César pour Le grand bain, réussit à merveille à reconstituer une facture rétro qui sublime la peinture d’époque qui nous est offerte et le jeu de Dujardin.
En revanche, à la trappe, la blanquette. Le réalisateur avait-il besoin de casser le mythe pour se le réapproprier ? C’est bien possible. Bedos, qui a laissé l’écriture du scénario à Halin, mais qui en a fait avec lui l’adaptation, s’acharne à montrer un OSS 117 inadapté à ce monde moderne qu’il ne comprend pas. Et plus le film avance, plus il se révèle dépassé. La démonstration de ce décalage prend le pas sur l’avancée de l’histoire, au point, parfois, de créer des longueurs et de rendre le film plus mou par rapport aux deux premiers opus. On perd aussi, au passage, une partie de la cinéphilie chère à Hazanavicius, qui faisait aussi la substantifique moelle d’OSS 117.
L’humour au second degré, lui, est heureusement toujours là. Le titre original, Alerte rouge en Afrique noire, annonce bien, c’est le cas de le dire, la couleur. Bedos et Halin prennent un malin plaisir à jouer sur les blagues racistes et à épingler nos propres impairs du quotidien. Comme lorsque le personnage
OSS 117 : Bons baisers d’Afrique
1/2 Comédie de Nicolas Bedos. Avec Jean Dujardin, Pierre Niney, Fatou N’Diaye, France, 2021, 116 minutes. En salle.
de Zéphyrine Bamba réplique à OSS 117 : « Vous, vous allez bientôt me dire que vous avez un ami noir. » Mais le soufflé retombe quelque peu. On espérait plus irrévérencieux de la part du fils de l’humoriste Guy Bedos.
Si Hazanavicius usait d’un second degré décomplexé et sans concessions, c’est bien parce que le talent de Jean Dujardin suffisait à railler le discours paternaliste, raciste et misogyne du personnage.
Il suffit toujours, mais Nicolas Bedos y accole un discours moralisateur plus superflu qu’autre chose par le truchement des personnages secondaires. Il réussit beaucoup mieux l’exercice cathartique lorsqu’il critique les ingérences françaises dans la politique et les affaires du continent africain.
Acerbe et drôle, mais plus tout à fait comme avant, cette version eighties d’un prototype des années 1950 tient beaucoup de ses promesses. Mais pas toutes, malheureusement.