Le Devoir

Québecor déboutée devant le CRTC

La société réclamait la fin « immédiate » de Tou.tv Extra, le service tarifé de Radio-Canada

- JEAN-LOUIS BORDELEAU LE DEVOIR

Radio-Canada pourra conserver Tou.tv Extra. Le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s (CRTC) a rejeté mardi une plainte de Québecor qui exigeait la fin « immédiate » du service tarifé de télé de la société d’État.

« La Société Radio-Canada outrepasse son mandat en créant une télévision publique à deux vitesses : des contenus enrichis, exclusifs et offerts en primeur aux mieux nantis, et des contenus réguliers et des reprises à la masse », plaidait Québecor en octobre 2019 devant l’organisme de réglementa­tion.

De plus, en regroupant sur sa plateforme les émissions de plusieurs chaînes, comme V, TV5, VRAK et Canal Vie, Tou.tv Extra deviendrai­t un télédistri­buteur, « en contravent­ion avec la Loi sur la radiodiffu­sion, tout en ne contribuan­t pas au Fonds des médias du Canada, dont elle est par ailleurs largement bénéficiai­re », toujours selon Québecor.

Mais le CRTC ne l’a pas entendu ainsi. Tou.tv Extra « distribue une bibliothèq­ue d’émissions, et non le signal intégral des services ». Il s’agit d’une plateforme de vidéo sur demande, comme Netflix. Ainsi, Radio-Canada « n’a pas l’obligation d’offrir un forfait de base ni de contribuer à la programmat­ion canadienne » comme les autres télédistri­buteurs.

Quant à savoir si Radio-Canada outrepasse son « mandat » avec du contenu en ligne, le CRTC a décidé de ne pas répondre à la question. Le financemen­t et la présence sur Internet du diffuseur public seront mieux débattus lors du renouvelle­ment de sa licence, soutient le Conseil.

« Puisque le CRTC décide d’exempter Radio-Canada des obligation­s d’un service de distributi­on qui a toutes les apparences et les modalités d’une entreprise de distributi­on, nous nous attendons aussi à ce que le fardeau réglementa­ire des entreprise­s traditionn­elles soit allégé dans les plus brefs délais, afin que ces entreprise­s puissent demeurer pérennes », a déclaré Québecor par communiqué.

Le premier directeur des Relations publiques de Radio-Canada, Marc Pichette, a accueilli « favorablem­ent » cette décision par une brève déclaratio­n : « Nous sommes convaincus de la pertinence d’un service comme Tou.tv Extra et que ce dernier répond parfaiteme­nt à notre mandat de diffuseur public. »

Le Conseil estime que Tou.tv Extra ne nuit pas aux autres diffuseurs canadiens

Pas d’exclusivit­é

Dans un second volet de la plainte, Québecor reprochait à Radio-Canada de contreveni­r à la réglementa­tion en vigueur en proposant Tou.tv Extra gratuiteme­nt et surtout « exclusivem­ent » aux abonnés de Telus.

Cette exclusivit­é illégale n’en est une que par défaut, a répliqué RadioCanad­a. La société d’État a proposé un accord similaire aux autres télédiffus­eurs, dont Vidéotron, une propriété de Québecor. Le CRTC a retenu cet argument pour rejeter la plainte.

Chez Vidéotron, « on a refusé [ce genre d’entente] parce que l’on considérai­t que c’était illégal », expliquait au Devoir le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, au moment du dépôt de la plainte. « En plus, c’est au détriment de l’industrie ».

Québecor insistait dans sa requête pour que Radio-Canada évolue dans « une optique de complément­arité et de collaborat­ion avec le secteur privé et non pas dans une perspectiv­e de concurrenc­e ».

Le CRTC estime plutôt que Tou.tv Extra ne nuit pas aux autres diffuseurs canadiens, « le service étant plutôt une offre concurrent­ielle à l’avantage du système canadien de radiodiffu­sion et des Canadiens ».

Selon les statistiqu­es de 2020 de l’Académie de la transforma­tion numérique, 16 % des ménages québécois détenteurs d’une connexion Internet sont abonnés au Club Illico de Québecor, contre 9 % à Tou.tv Extra. Netflix (52 %), Amazon Prime (19 %), Disney+ (14 %) et Crave TV (9 %) complètent le portrait.

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