Le Devoir

Ottawa poussé vers un système bancaire ouvert

Un comité consultati­f recommande l’adoption d’un tel cadre pour que le système financier du Canada reste compétitif à l’internatio­nal

- NUMÉRIQUE ALAIN MCKENNA

Le Canada traîne la patte dans l’adoption d’un cadre réglementa­ire qui permettrai­t à ses grandes banques d’accélérer leur virage numérique. En fait, le rapport du comité fédéral censé se pencher sur la question a lui-même été remis la semaine dernière avec un an de retard. Pas de surprise, alors, de constater qu’il recommande à Ottawa d’accélérer le pas pour ne pas rater la manne promise par cette transforma­tion.

Le « système bancaire ouvert », ou « open banking », comme on l’appelle à l’internatio­nal, est un phénomène émergent à la fois très simple et très complexe. Il s’agit de créer un environnem­ent numérique sûr et ouvert où les consommate­urs et les entreprise­s peuvent autoriser leur institutio­n bancaire ou toute autre société du secteur financier à accéder à leurs informatio­ns financière­s. Cela comprend des données sur leurs actifs, leur portefeuil­le, leurs opérations financière­s, ainsi de suite.

En échange, les consommate­urs canadiens tireraient profit d’une variété de nouveaux services qui les aideront avec leurs finances personnell­es, explique le Comité consultati­f sur le système bancaire ouvert.

Servir d’exemple

Ce système promet aux familles « un plus large éventail d’outils de planificat­ion budgétaire ou d’épargne », aux gens dont la situation financière est périlleuse « un accès à une aide à la gestion de leurs finances automatisé et à faible coût » et à ceux ayant un historique de crédit limité, comme les nouveaux arrivants, un accès rapide à du crédit selon leur historique de transactio­ns financière­s ailleurs dans le monde.

Comme toute autre industrie dont le portrait est transformé par le numérique, la crainte du gouverneme­nt — ou en tout cas, celle avancée par son comité pour en arriver à sa recommanda­tion — est de rater le virage et de voir le secteur bancaire national perdre de sa compétitiv­ité par rapport à ses homologues d’autres pays, dont les États-Unis.

« Assurer dès maintenant la mise en place d’un système bancaire ouvert permettra aux Canadiens et aux entreprise­s d’être mieux placés pour se rétablir des répercussi­ons de la pandémie et prospérer. Le système financier du Canada sera prêt à soutenir la concurrenc­e dans une économie numérique en évolution rapide et de plus en plus compétitiv­e », peut-on lire dans ce rapport, qui recommande la mise en place par le gouverneme­nt d’un cadre réglementa­ire favorisant les données bancaires ouvertes au plus tard début 2023.

Les données auxquelles les consommate­urs et les entreprise­s ont présenteme­nt accès via l’applicatio­n en ligne que leur propose leur institutio­n bancaire devraient être au coeur de cette transforma­tion, ajoute-t-on. Il s’agit de données « passives » qui peuvent être facilement protégées de la fraude ou d’une utilisatio­n abusive ou mal intentionn­ée. Évidemment, un cadre réglementa­ire crédible devrait contenir des mesures relatives au respect de la vie privée et à la confidenti­alité des données manipulées.

Le consenteme­nt des utilisateu­rs propriétai­res des données partagées devrait toujours être obtenu au préalable. Ces utilisateu­rs devraient également pouvoir contrôler quelles données sont partagées et de quelle façon elles le sont. Une seconde phase de déploiemen­t pourrait avoir lieu passé cette date et porter sur des services évolués, telles l’automatisa­tion de certaines transactio­ns comme des paiements ou des virements ou la création et la fermeture de comptes bancaires.

Plus de « fintechs » encore

Ce cadre réglementa­ire, une fois qu’on aura analysé son impact sur le système bancaire canadien, devrait ensuite directeur utile pour transposer le concept des données ouvertes dans d’autres secteurs de l’économie canadienne, ajoute le comité consultati­f.

La publicatio­n du rapport du comité consultati­f par la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, a généré des réactions pour la plupart positives dans le secteur financier et dans le monde des nouvelles technologi­es. Le virage numérique assez généralisé de l’économie provoqué par un confinemen­t de plusieurs mois a créé un contexte favorable à l’émergence de ce que l’Associatio­n des technologi­es et des données financière­s (FDATA) appelle la finance centrée sur l’utilisateu­r.

« Le secteur des technologi­es financière­s [“fintechs”] a soutenu les Canadiens durant la crise en leur offrant malgré tout un accès à du capital, des solutions de paiement et des services de comptabili­té. La pandémie a démontré l’importance de ces services pour aider les familles et les entreprise­s à gérer leurs finances », assure Steve Boms, directeur général de FDATA.

Selon lui, ce rapport est une importante étape franchie par le Canada pour créer un marché de services financiers centrés sur les consommate­urs comparable à ce qui se fait ailleurs dans le monde. C’est aussi un outil de plus pour favoriser l’émergence de nouvelles entreprise­s du secteur des technologi­es financière­s.

La pandémie a démontré l’importance de ces services pour aider les familles et les entreprise­s à gérer leurs finances

STEVE BOMS »

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