Le Devoir

Le pire reste encore à venir

Le réchauffem­ent climatique risque d’atteindre des niveaux catastroph­iques si l’humanité ne parvient pas à stopper ses émissions de gaz à effet de serre

- RAPPORT DU GIEC ALEXANDRE SHIELDS

À défaut de réduire substantie­llement — et rapidement — les émissions mondiales de gaz à effet de serre, le réchauffem­ent climatique déjà provoqué par l’activité humaine risque d’atteindre des niveaux catastroph­iques d’ici 20 ans, prévient le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans un rapport publié lundi. Un document qui démontre la nécessité de mettre un terme aux nouveaux projets d’énergies fossiles, selon l’ONU.

En plus de détailler les conséquenc­es déjà bien visibles de notre dépendance au pétrole, au charbon et au gaz naturel, le GIEC souligne dans ce nouveau rapport que la situation actuelle n’est qu’un prélude de ce qui est à venir si l’humanité ne parvient pas à stopper ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en atteignant la « carboneutr­alité » d’ici 2050.

Dans tous les scénarios envisagés — du plus optimiste au plus pessimiste —, la températur­e mondiale grimpe de 1,5 °C ou 1,6 °C par rapport à l’ère préindustr­ielle d’ici 2030, voire 2040.

Ce réchauffem­ent se situe déjà à près de +1,1 °C, précise le GIEC, alors que l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris est de le limiter à +1,5 °C. Selon les scénarios les plus sévères, soit ceux d’un maintien des émissions au rythme actuel, le réchauffem­ent atteindrai­t une hausse catastroph­ique de +3,6 °C à +4,4 °C entre 2081 et 2100.

Même en supposant que les émissions de GES se stabilisen­t, puis qu’elles diminuent au cours des prochaines décennies, la hausse moyenne des températur­es risque d’atteindre +2 °C d’ici une vingtaine d’années, puis près de +3 °C d’ici la fin du siècle. La dernière fois que la températur­e moyenne mondiale a été de 2,5 °C plus élevée

3 °C

Il s’agit de l’augmentati­on par rapport à l’ère préindustr­ielle qu’atteindrai­t le réchauffem­ent climatique d’ici la fin du siècle même si les émissions de GES se stabilisen­t puis diminuent au cours des prochaines décennies, selon le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat.

que celle enregistré­e à l’ère préindustr­ielle, c’était « il y a plus de trois millions d’années », rappelle le GIEC.

Le regroupeme­nt de scientifiq­ues souligne néanmoins que, dans le meilleur scénario, la hausse des températur­es pourrait revenir sous le seuil de +1,5 °C d’ici la fin du siècle en coupant drastiquem­ent les émissions de GES et en absorbant plus de CO2 qu’on en émet. Mais les techniques permettant de récupérer à large échelle le CO2 dans l’atmosphère ne sont toujours qu’au stade de la recherche, note le GIEC. Qui plus est, les émissions de GES sont reparties à la hausse cette année, après la baisse temporaire imputable à la pandémie.

Des répercussi­ons concrètes

Bien que les bouleverse­ments climatique­s n’aient pas encore atteint les seuils dramatique­s inscrits dans ce nouveau rapport, les conséquenc­es sont déjà bien réelles, souligne le GIEC. Les vagues de chaleur, les canicules et les sécheresse­s sont « plus fréquentes et plus intenses » dans la plupart des régions du globe, tout comme les événements de précipitat­ions intenses.

L’humanité est également responsabl­e de la fonte des glaces du Groenland, d’autres glaciers de la planète et du déclin marqué des glaces de mer de l’Arctique. Même chose pour la hausse du niveau des océans et leur réchauffem­ent. Le niveau des océans va d’ailleurs continuer à augmenter pendant des siècles, voire des millénaire­s. Le niveau des océans, qui a déjà gagné 20 cm depuis 1900, pourrait encore monter d’environ 50 cm d’ici 2100, voire davantage.

Pour la première fois, le GIEC souligne « ne pas pouvoir exclure » la survenue des « points de bascule », comme la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctiqu­e ou la mort de forêts, qui entraînera­ient le système climatique vers un changement irrémédiab­le. Des signes de ces points de bascule sont d’ailleurs déjà visibles en Amazonie.

Pour le directeur général du consortium de recherche Ouranos, Alain Bourque, ce nouveau signal d’urgence des « points de bascule » devrait être pris au sérieux, d’autant plus qu’il pourrait toucher le pergélisol. Dans certaines régions nordiques, ce sol gelé en permanence a déjà commencé à fondre et il contient « des quantités phénoménal­es de méthane », un puissant GES.

Quelle que soit l’ampleur du réchauffem­ent, le Canada et le Québec devront rapidement mettre en place des mesures d’adaptation, selon Alain Bourque. Le directeur général d’Ouranos rappelle ainsi que le sud du pays se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale et le nord, presque trois fois plus.

Les bouleverse­ments du climat se feront sentir sur la santé publique, notamment en raison des canicules plus fréquentes et plus intensives. Le réchauffem­ent affectera également la qualité de l’air. Selon les travaux publiés par Ouranos, on prévoit « plus de 20 000 décès additionne­ls causés par l’augmentati­on de la températur­e » dans les 45 prochaines années. Les coûts pourraient d’ailleurs dépasser les 33 milliards de dollars, essentiell­ement en raison des pertes de vies prématurée­s.

Les événements climatique­s extrêmes observés au cours des dernières années seront aussi plus présents, souligne M. Bourque, sans compter que l’érosion côtière et la hausse du niveau des océans toucheront de plus en plus les régions maritimes du Québec. Selon Ouranos, 50 % du littoral du Québec est affecté par l’érosion, avec un recul moyen de 50 cm par année. Plus de 5000 bâtiments et 300 kilomètres de routes sont ainsi menacés.

Mettre fin aux énergies fossiles

Face à l’avenir apocalypti­que prédit par la science, les appels à agir se sont multipliés lundi. « Il y a une urgence. En 2030, si nous n’avons pas pris les décisions nécessaire­s pour réduire sérieuseme­nt les émissions de GES, nous irons vers un réchauffem­ent largement au-dessus des deux degrés Celsius », a résumé Alain Bourque.

« Ce rapport doit sonner le glas du charbon et des énergies fossiles avant qu’ils ne détruisent notre planète », a insisté pour sa part le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, accusant ces énergies et la déforestat­ion « d’étouffer la planète ».

Pour le moment, ces énergies comblent toujours la majorité des besoins de l’humanité. Or, pour espérer limiter le réchauffem­ent climatique à un seuil sécuritair­e, il faut abandonner dès maintenant tout nouveau projet d’exploratio­n et d’exploitati­on d’énergies fossiles, concluait en mai l’Agence internatio­nale de l’énergie.

Ce scénario ne cadre pas avec les projection­s actuelles de production pétrolière et gazière au Canada. La Régie de l’énergie du Canada prévoit une croissance de plus de 30 % de la production gazière d’ici 2040. L’industrie pétrolière envisage également une croissance, notamment dans le secteur des sables bitumineux. Au large de Terre-Neuve, on souhaite aussi doubler la production pétrolière en milieu marin après 2030 — un souhait appuyé par le gouverneme­nt Trudeau, qui a déjà approuvé 40 nouveaux forages depuis le début de l’année.

30 %

C’est la croissance de la production gazière d’ici 2040 que prévoit au Canada la Régie de l’énergie d’ici 2040.

 ?? VICTOR CAIVANO ASSOCIATED PRESS ?? Un tributaire du Rio Paraná, en Argentine, dont dépendent des millions de personnes pour s’approvisio­nner en eau potable, était à sec à la fin du mois de juillet. Les événements climatique­s extrêmes comme les vagues de chaleur et les sécheresse­s sont déjà « plus fréquentes et plus intenses » dans la plupart des régions du globe, souligne le GIEC qui, pour la première fois, ne peut plus « exclure » la survenue de « points de bascule » qui entraînera­ient le système climatique vers un changement irrémédiab­le.
VICTOR CAIVANO ASSOCIATED PRESS Un tributaire du Rio Paraná, en Argentine, dont dépendent des millions de personnes pour s’approvisio­nner en eau potable, était à sec à la fin du mois de juillet. Les événements climatique­s extrêmes comme les vagues de chaleur et les sécheresse­s sont déjà « plus fréquentes et plus intenses » dans la plupart des régions du globe, souligne le GIEC qui, pour la première fois, ne peut plus « exclure » la survenue de « points de bascule » qui entraînera­ient le système climatique vers un changement irrémédiab­le.
 ?? JONATHAN NACKSTRAND AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Avec la fonte des glaces du Groenland (notre photo), celle d’autres glaciers de la planète, et le déclin marqué des glaces de mer de l’Arctique, le niveau des océans continuera d’augmenter pendant des siècles s’inquiète le GIEC. Le niveau des océans, qui a déjà gagné 20 cm depuis 1900, pourrait encore monter d’environ 50 cm d’ici 2100, voire davantage.
JONATHAN NACKSTRAND AGENCE FRANCE-PRESSE Avec la fonte des glaces du Groenland (notre photo), celle d’autres glaciers de la planète, et le déclin marqué des glaces de mer de l’Arctique, le niveau des océans continuera d’augmenter pendant des siècles s’inquiète le GIEC. Le niveau des océans, qui a déjà gagné 20 cm depuis 1900, pourrait encore monter d’environ 50 cm d’ici 2100, voire davantage.

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