Le Devoir

Combattre, mais pas à tout prix

Le Regroupeme­nt des événements majeurs internatio­naux refuse un financemen­t conditionn­el à la mise en place de mesures

- ULYSSE BERGERON

Le Regroupeme­nt des événements majeurs internatio­naux (RÉMI) refuse d’appliquer les recommanda­tions de la Commission spéciale sur l’exploitati­on sexuelle des mineurs, dont une propositio­n qui vise à rendre les subvention­s gouverneme­ntales aux festivals conditionn­elles à la mise en place de mesures pour lutter contre l’exploitati­on.

« Même si nous ne nions pas qu’il puisse y avoir marginalem­ent des cas d’exploitati­on sexuelle en marge de certains festivals québécois, nous ne sommes pas d’avis que, de façon générale, ce problème est exacerbé ou différent chez eux qu’il peut l’être dans la société en général », peut-on lire dans une lettre datée du 21 juin que le RÉMI a fait parvenir à la Commission.

Les cosignatai­res — la présidente du CA, Louise Beaudoin, et le p.-d.g., Martin Roy — affirment ne pas être « d’avis qu’il y a un problème particulie­r au sein des membres que nous représento­ns qui requiert qu’on les cible de façon précise ».

Le RÉMI se dit « particuliè­rement déçu » de la recommanda­tion 27 qui cible l’organisati­on. Cette recommanda­tion propose que le gouverneme­nt du Québec rende les subvention­s ou autres incitatifs fiscaux des grands événements conditionn­els à la mise en place de mesures de sensibilis­ation, de formation et de prévention pour lutter contre l’exploitati­on sexuelle des mineurs.

Au Devoir, le p.-d.g de l’organisati­on, Martin Roy, explique la position de l’organisati­on : « Le financemen­t des festivals, c’est déjà très compliqué, très complexe. On est plus dans une ère où on souhaitera­it simplifier les choses plutôt que de les complexifi­er en rendant le financemen­t conditionn­el à ceci ou à cela. »

En 2018, une étude de KPMG sur les retombées économique­s des activités de 17 importants membres du RÉMI constatait que les subvention­s des différents paliers gouverneme­ntaux

Le financemen­t des festivals, c’est déjà très compliqué, très complexe. On est plus dans une ère où on souhaitera­it simplifier les choses plutôt que de les complexifi­er en rendant » le financemen­t conditionn­el à ceci ou à cela. MARTIN ROY

comptaient pour près de 17 % de leurs revenus totaux : 15,1 millions de dollars provenant du provincial et 9,7 millions de dollars du fédéral.

Le RÉMI représente 28 des plus grands rendez-vous culturels au Québec dans de nombreuses régions. À Montréal seulement, on dénombre parmi ses membres 15 événements, dont les Francos, le Festival internatio­nal de jazz, Osheaga, Fantasia, Igloofest et le Festival Juste pour rire.

Un financemen­t conditionn­el n’est « pas une voie qui nous semble prometteus­e », dit Martin Roy. Il s’agirait « d’un précédent qui ne nous apparaît pas porteur », voire inapplicab­le, selon lui.

D’autant plus que l’exploitati­on sexuelle n’est pas une caractéris­tique du « FestiVoix de Trois-Rivières, du Carnaval de Québec et de différents événements à caractère familial » qui sont membres RÉMI, ajoute-t-il.

Dans cette lettre, le RÉMI — qui a par ailleurs décliné l’invitation de participer à la Commission — invite plutôt cette dernière à s’adresser à « l’événement qui est souvent cité et presque exclusivem­ent interpellé lorsqu’il est question de l’exploitati­on sexuelle dans un cadre événementi­el » : le Grand Prix du Canada de Formule 1. Celui-ci n’est pas membre du RÉMI.

« Drames humains »

Déposé en décembre 2020, le rapport contenant 58 recommanda­tions n’avait pas pour but de « faire peser la responsabi­lité [de l’exploitati­on] sur les épaules de qui que ce soit », assure Christine Saint-Pierre, députée libérale et ex-vice-présidente de la Commission.

« L’appel au RÉMI est avant tout un appel à la collaborat­ion pour endiguer le plus possible ce phénomène », ditelle, ajoutant que le rapport a su démontrer que Montréal est une plaque tournante en raison, entre autres choses, de la vigueur du secteur touristiqu­e et des milliers de touristes qui participen­t à ces événements.

Alors que les grands festivals vont reprendre leurs activités, « ce serait tout à leur crédit de mettre en place des mesures », estime-t-elle. Le milieu touristiqu­e a un rôle certain à jouer dans cette lutte : « Ce sont des drames humains qui se vivent et des gens qui en portent les séquelles par la suite ».

Pour sa part, Martin Roy, du RÉMI, indique qu’au cours des derniers mois, « il y a eu des discussion­s avec des représenta­nts des ministères du Tourisme et de la Culture et on leur a dit qu’on était prêt à collaborer », précisant que l’organisme est en train « d’évoquer quelques pistes de solution » qui ne passeraien­t pas par un financemen­t conditionn­el à la mise en place de mesures de lutte à l’exploitati­on.

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