Le Devoir

« Nous ne pouvons pas attendre »

Le rapport du GIEC a provoqué une avalanche de réactions, entre espoirs de ralentir le désastre et appels à la mobilisati­on

- ALEXANDRE SHIELDS

Près de six ans après la signature de l’Accord de Paris sur le climat, le nouveau rapport du Groupe intergouve­rnemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) vient mettre en lumière l’urgence incontesta­ble d’agir pour éviter le pire, selon ce qui se dégage des nombreuses réactions publiques formulées lundi.

« Nous ne pouvons pas attendre », a ainsi insisté l’envoyé spécial américain pour le climat, John Kerry, appelant les gouverneme­nts à prendre des « décisions courageuse­s », à quelques mois de la prochaine conférence de l’ONU sur le climat, la COP26, qui se tiendra cet automne à Glasgow, en Écosse.

Même son de cloche du côté du président français Emmanuel Macron, qui a appelé à « un accord à la hauteur de l’urgence » lors de cette COP, qui doit permettre de faire le point sur les engagement­s pris par les États pour lutter contre la crise climatique. Pour le moment, ceux-ci menacent de conduire la planète vers un réchauffem­ent de +3 °C, par rapport à l’ère préindustr­ielle, soit le double de l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris.

Dans ce contexte, « stabiliser le climat va nécessiter une réduction forte, rapide et durable des émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre la neutralité carbone » au plus tard en 2050, a insisté Panmao Zhai, coprésiden­t du groupe d’experts ayant élaboré ce nouveau rapport du GIEC. Plus d’une centaine de pays, dont le Canada, se sont engagés à atteindre cet objectif de « carboneutr­alité », et ce, même si les mesures à mettre en place pour y parvenir restent à préciser pour l’essentiel de ces pays.

Réagissant au rapport du GIEC lundi, le ministre canadien de l’Environnem­ent et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, a toutefois assuré que « le Canada prend des mesures climatique­s agressives pour éviter les pires répercussi­ons causées par les changement­s climatique­s » et que le gouverneme­nt cherche toujours à se fixer des cibles plus ambitieuse­s.

Est-ce que le gouverneme­nt Trudeau compte aussi mettre un terme aux nouveaux projets d’exploitati­on d’énergies fossiles, comme le réclamait lundi le secrétaire général des Nations unies, António Guterres ? Le cabinet du ministre Wilkinson n’a pas répondu à cette question du Devoir. « Notre plan climatique cible les réductions d’émissions de tous les secteurs de l’économie, y compris le secteur de l’énergie, tout en maintenant les travailleu­rs au coeur de la transition vers les énergies propres », a-t-on d’abord indiqué.

« Les Canadiens, l’industrie, les marchés internatio­naux et les sociétés pétrolière­s et gazières savent que la carboneutr­alité est à la fois bonne pour notre économie et pour l’environnem­ent. De nombreuses entreprise­s le reconnaiss­ent et s’efforcent déjà de relever le défi, d’innover et de réduire la pollution », a également précisé le cabinet du ministre. Ottawa a aussi pris l’engagement d’éliminer les « subvention­s inefficace­s » aux combustibl­es fossiles d’ici 2025.

Ras-le-bol

Exaspérées par l’inaction climatique de plusieurs, des personnali­tés publiques ont profité de la publicatio­n du rapport lundi pour exprimer leur ras-le-bol. « Vous nous parlez depuis plus de trente ans des dangers de laisser la planète se réchauffer. Le monde a écouté, mais n’a pas entendu. Le monde a écouté, mais n’a pas agi assez vigoureuse­ment. Résultat : le problème que représente le changement climatique est là, maintenant. Personne n’est en sécurité. Et c’est de pire en pire, de plus en plus vite », a déclaré Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnem­ent.

« C’est à nous d’être courageux et de prendre des décisions basées sur les preuves scientifiq­ues », a plaidé quant à elle la jeune militante Greta Thunberg, sur Twitter. « Nous pouvons encore éviter les pires conséquenc­es, mais pas si nous continuons comme aujourd’hui, et pas sans traiter la crise comme une crise. »

Pour plusieurs États insulaires menacés par la montée du niveau des océans, ce nouveau rapport démontre que la lenteur à agir pourrait carrément faire disparaîtr­e leur territoire. « Ce rapport est dévastateu­r pour les pays les plus vulnérable­s au changement climatique comme les Maldives, parce qu’il confirme que nous sommes au bord de l’extinction », a ainsi déploré l’ancien président des Maldives, Mohamed Nasheed, au nom du Climate Vulnerable Forum, qui représente un milliard de personnes de 48 pays.

Nous pouvons encore éviter les pires conséquenc­es, mais pas si nous continuons »

comme aujourd’hui GRETA THUNBERG

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