Le Devoir

Un an après sa réélection contestée, Loukachenk­o reste inflexible

« Il n’y a pas et il n’y aura jamais de répression [en Biélorussi­e]. Je n’en ai pas besoin. »

- BIÉLORUSSI­E ANTOINE LAMBROSCHI­NI AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président biélorusse Alexandre Loukachenk­o s’est montré implacable à l’égard de ses détracteur­s, lundi, niant toute répression dans son pays, au moment même où Washington, Londres et Ottawa dévoilaien­t une nouvelle volée de sanctions contre Minsk.

Un an jour pour jour après sa réélection décriée, le dirigeant a aussi démenti toute implicatio­n dans la mort suspecte d’un opposant réfugié en Ukraine, et a accusé une sprinteuse biélorusse d’avoir été « téléguidée » par Varsovie après qu’elle a affirmé avoir été victime d’une tentative de rapatrieme­nt forcé.

Lors d’une rencontre télévisée avec la presse et des dignitaire­s du régime, il a jugé, dans des propos très décousus, que l’année n’avait « pas été facile » et a accusé une fois de plus ses opposants d’avoir voulu fomenter un « coup d’État ». « Nous avons gagné. Mais on ne peut pas se relaxer », a-t-il lancé.

L’échange, qui a commencé à 11 h (4 h du matin au Québec), a duré environ huit heures.

Interrogé sur les arrestatio­ns massives et les liquidatio­ns de médias ou d’ONG, M. Loukachenk­o a récusé le terme de répression. « Il n’y a pas et il n’y aura jamais de répression dans mon pays. […] Je n’en ai pas besoin », a-t-il dit, accusant l’opposition d’être les agents des « services spéciaux américains ».

Nouvelles sanctions

Pour leur part, les États-Unis ont dévoilé lundi une volée de sanctions contre des personnali­tés, entreprise­s et entités de Biélorussi­e. « Les actions du régime de Loukachenk­o sont une tentative illégale de garder le pouvoir à tout prix », a déclaré le président américain Joe Biden.

Le Royaume-Uni a également durci lundi ses sanctions contre la Biélorussi­e, visant notamment les industries clés des produits pétroliers et des engrais, « en réaction aux atteintes répétées à la démocratie et aux droits humains » de la part du régime.

Le Canada a aussi annoncé de nouvelles sanctions visant les principaux secteurs de l’économie biélorusse, « en solidarité » avec ses partenaire­s internatio­naux.

La campagne électorale de 2020 avait vu une mobilisati­on inattendue de foules de Biélorusse­s autour d’une candidate surprise, Svetlana Tikhanovsk­aïa, qui avait remplacé au pied levé son mari incarcéré, puis réuni tous les courants de l’opposition derrière elle, le pouvoir ayant exclu tous les autres rivaux du président.

Mais à l’issue du scrutin du 9 août, Alexandre Loukachenk­o est proclamé vainqueur avec plus de 80 % des voix. Ce résultat déclenche un mouvement de contestati­on d’ampleur historique dans cette ex-république soviétique dirigée d’une main de fer par son autoritair­e président depuis 1994. Mme Tikhanovsk­aïa a été contrainte à l’exil, devenant la représenta­nte des siens à l’étranger. Elle est reçue par nombre de dirigeants occidentau­x, notamment en juillet dernier par le président américain Joe Biden.

Lundi, elle a jugé que le régime biélorusse était devenu « terroriste » et a prévenu depuis la Lituanie que « nous n’arrêterons pas. […] Nous poursuivro­ns le combat pour nous nous libérer de la peur qui étreint notre pays ».

Le pouvoir en place à Minsk n’a, lui, jamais cherché le dialogue avec ses détracteur­s.

En 2021, alors que l’Union européenne et les États-Unis multipliai­ent les sanctions contre le régime, la répression s’est étendue aux médias et ONG. Minsk est aussi accusé d’avoir détourné un vol commercial en mai dernier pour arrêter un opposant, si bien que les principale­s compagnies aériennes contournen­t son espace aérien.

« Arrêter d’avoir peur »

Répondant à des questions sur deux récents scandales — la mort suspecte par pendaison de l’opposant Vitali Chychov en Ukraine la semaine dernière, et l’affaire de l’athlète olympique Krystsina Tsimanousk­aya —, M. Loukachenk­o a rejeté les soupçons pesant sur son régime.

« Chychov, mais c’est qui pour moi ou pour la Biélorussi­e ? […] C’est personne pour nous. Qui serait allé le pendre ? » a-t-il lancé. Quant à la sprinteuse, qui se disait menacée après avoir critiqué ses autorités sportives, « elle a été téléguidée par ses amis polonais ».

De son côté, Krystsina Tsimanousk­aya a affirmé vouloir voir chaque citoyen biélorusse « être capable de mener une vie normale et arrêter d’avoir peur » en entrevue à l’AFP.

Soutenu par la Russie, Alexandre Loukachenk­o n’a eu de cesse de qualifier ses détracteur­s de suppôts de l’Occident, qui, selon lui, veut renverser son régime pour pouvoir s’en prendre à Moscou et Vladimir Poutine. « Nous ne nous mettrons jamais à genoux ! » a-t-il dit lundi, en conseillan­t aux Occidentau­x de « se calmer ».

« Vous risquez de déclencher la Troisième Guerre mondiale ! » a prévenu M. Loukachenk­o. « C’est à cela que vous cherchez à nous pousser, nous et les Russes ? » a-t-il ajouté, en estimant que « si cela produit, vous ne serez pas les vainqueurs ! »

À Minsk, une chape de plomb s’est abattue sur les critiques du pouvoir. À force de répression, il n’y a plus de manifestat­ions, alors qu’elles rassemblai­ent il y a moins d’un an des dizaines de milliers de personnes.

Pour marquer le premier anniversai­re de la contestati­on anti-Loukachenk­o, les rassemblem­ents de Biélorusse­s se font donc à l’étranger, en Pologne et en Ukraine, où nombre de dissidents se sont réfugiés.

Les actions du régime de Loukachenk­o sont une tentative illégale de garder »

le pouvoir à tout prix JOE BIDEN

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