Le Devoir

Corset et soutiengor­ge, même débat ?

- CAROLINE MONTPETIT

Perçu comme un symbole d’oppression des femmes, le corset, cette pièce vestimenta­ire qui a couvert durant quatre siècles le corps féminin, a bien mauvaise presse encore aujourd’hui. Pourtant, il n’est que l’ancêtre du soutien-gorge que la très grande majorité des femmes portent encore, bien que rien ne prouve qu’il ait le moindre effet bénéfique sur la santé de leur poitrine.

C’est ce que Marie-Hélaine Fallu, physiothér­apeute et passionnée d’histoire, démontre jeudi dans le cadre d’une conférence sur le corset aux Rendez-vous de l’histoire de Québec.

La jeune femme, qui tient le blogue Mlle Canadienne depuis 2016, connaît bien le sujet. Elle se confection­ne ellemême des corps à baleines, comme en portaient les femmes avant l’invention du corset, pour participer à différente­s reconstitu­tions historique­s de la Nouvelle-France. Mis à part quelques cas de suffocatio­n, liés notamment à la pratique du « tightlacin­g », une forme de fétichisme autrefois pratiquée par de rares individus, le corset est aussi inoffensif que les soutiens-gorge d’aujourd’hui lorsqu’il est bien adapté au corps, dit-elle. Et comme le soutiengor­ge d’aujourd’hui, il est davantage lié à un consensus social qu’à un quelconque bienfait physique.

« Au XVIIIe siècle, une femme qui ne porte pas de corset est une femme de petite vie ou qui fait de la prostituti­on. Toutes les femmes portent une forme de soutien, c’est leur réputation qui est en jeu », dit-elle.

Des anciens corps à baleines jusqu’aux soutiens-gorge d’aujourd’hui, toutes ces pièces vestimenta­ires demeurent en quelque sorte des orthèses, dit-elle, puisqu’il a déjà été démontré que la poitrine, même celle de femmes plus âgées, a plutôt tendance à se redresser de quelques millimètre­s après avoir été laissée libre de tout soutien pendant plusieurs mois. C’est du moins ce que laisse entendre une rare étude sur le sujet conduite par le médecin du sport français Jean-Denis Rouillon, dont les résultats n’ont toutefois jamais été officielle­ment publiés.

À l’époque du corps à baleines, l’ancêtre du corset, la quantité de baleines qu’une femme portait était plutôt un indicateur de son statut social, ajoute Marie-Hélaine Fallu, qui précise d’ailleurs qu’à la brève époque du dandysme, au XIXe siècle, les hommes du monde occidental ont eux aussi porté des corsets.

Par ailleurs, la lourdeur des jupes, avant l’avènement des tissus plus élastiques, faisait du corset une pièce majeure pour assurer une bonne répartitio­n du poids. Mais le type de corset que les femmes portaient dépendait plutôt des activités auxquelles elles vaquaient en le portant. « La façon dont c’était fait, c’était vraiment pour soutenir et tenir la forme », dit-elle.

Et peut-être pourrait-on dire la même chose des soutiens-gorge d’aujourd’hui, dont le prototype initial a été conçu par une femme, Mary Phelps Jacob, en 1913, avant d’être mis en marché par la compagnie Warner Brothers Corset, à Bridgeport, aux États-Unis.

« Le soutien-gorge d’aujourd’hui n’est tout simplement pas mieux que le corset d’autrefois », dit Marie-Hélaine Fallu, qui affirme pourtant le porter elle aussi pour répondre à une forme de convention sociale. « Savoir pourquoi, après avoir brûlé les soutiens-gorge dans les années 1960, les femmes ont souscrit à nouveau au contrat social de les reprendre, c’est une question à laquelle je ne pourrais pas répondre. Biologique­ment, le corps est fait pour se soutenir lui-même. Il n’a pas besoin d’orthèses, sauf si l’un de ses membres est déficient. C’est le cas de femmes qui ont certaines maladies et qui pourraient avoir besoin d’une aide qui se rapproche du corset. »

 ?? MUSÉE MCCORD ?? Corset baleiné, 1785-1790. Don de Mme Hamilton
MUSÉE MCCORD Corset baleiné, 1785-1790. Don de Mme Hamilton

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