Le Devoir

Les femmes avant tout

Nancy Pinette, copropriét­aire d’Atikuss

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À première vue, Atikuss peut avoir l’air d’un simple atelier d’artisanat autochtone. Capteurs de rêves, chapeaux de fourrure et bijoux se côtoient dans le commerce aux murs décorés de tableaux colorés, situé à Uashat, près de Sept-Îles. Mais derrière le perlage multicolor­e ornant les bottes, les mitaines et les mocassins se cachent des femmes autochtone­s qui combattent des situations précaires en perpétuant des traditions millénaire­s.

« Les bottes sont assemblées ici. On les envoie ensuite à toutes les femmes qui le désirent, que ce soit à Essipit, à La Romaine, à Mingan ou à Montréal. Elles font le perlage et on les rémunère aussitôt qu’elles nous renvoient les bottes », explique Nancy Pinette, la dynamique copropriét­aire de l’entreprise, qui entretient notamment un partenaria­t avec le refuge pour femmes Chez Doris, à Montréal.

Plusieurs de ces femmes ont appris cet art de leur mère ou de leur grand-mère, alors que d’autres renouent avec cet héritage par le biais de petites formations. Dans l’atelier de confection au demi-sous-sol de la boutique, Dorothée Leblanc raconte que sa grand-mère n’a jamais voulu montrer ses coutumes ni sa langue à ses enfants, de peur que ces derniers soient stigmatisé­s par la société québécoise. Elle a appris les techniques nécessaire­s lorsqu’elle a aidé sa soeur Josée à fonder l’entreprise.

De l’autre côté de l’atelier, Nelly Dominique prépare des élastiques à poser sur des bottes, en suivant un manuel. Elle est employée d’Atikuss depuis février dernier. « Je voulais faire quelque chose de nouveau, surtout que c’est dans ma culture », dit-elle.

Mme Pinette observe cette année beaucoup de curiosité pour ses produits et pour leurs histoires. « On a eu beaucoup de visites. Beaucoup de gens posent des questions. Ce qui se passe avec les pensionnat­s, on dirait que ça crée de l’engouement auprès des Premières Nations. On dirait que tout le monde vient de se rendre compte qu’on était là », constate celle qui se dit toujours franche.

Toutefois, ce n’est pas la jeune Innue de Maliotenam qui va s’en plaindre. L’entreprise est en voie de prendre de l’expansion. Elle a obtenu du financemen­t du gouverneme­nt provincial pour construire l’économusée Kapishakan­assinitshe­shiht à côté de la boutique. « On va avoir un parcours qui va expliquer le processus de confection du mocassin. Les visiteurs pourront voir des employés travailler à travers une vitre », précise Mme Pinette, qui a d’abord travaillé comme gérante avant d’accepter un partenaria­t d’affaires avec la fondatrice d’Atikuss.

Mme Pinette est contente de voir une clientèle allochtone porter les créations de sa grande équipe. Beaucoup d’allochtone­s craignent toutefois de faire de l’appropriat­ion culturelle. « Je me fais souvent poser la question. Mais il faut partager nos cultures. Il faut être fier d’encourager les entreprise­s des nations autochtone­s, chinoises, italiennes. Plus il y a de gens qui achètent nos produits, plus ça aide les femmes, l’économie locale, les trappeurs », dit la souriante jeune femme.

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