Un vote houleux cristallise la perte d’appuis du gouvernement
L’adoption d’une loi controversée sur les médias, au lendemain de l’éclatement de la coalition au pouvoir, montre la fragilité de la majorité
Le Parlement polonais a adopté mercredi soir une loi controversée sur les médias qui menace la liberté de la presse et qui va nuire aux relations avec les États-Unis, selon l’opposition. Un succès pour la coalition au pouvoir, gâché par l’échec d’autres votes qui fragilisent sa majorité parlementaire.
La loi, dont le projet a déjà été critiqué par Washington, pourrait notamment forcer le groupe américain Discovery à vendre la majeure partie de sa participation dans le réseau de télévision privé polonais TVN, souvent critique envers le gouvernement conservateur.
Le texte a été adopté par 228 voix pour par rapport à 216 contre. Dix députés se sont abstenus. La décision du Parlement constitue « une attaque sans précédent contre la liberté d’expression et l’indépendance des médias », a déclaré mercredi soir la direction de TVN dans un communiqué.
« Le résultat du vote d’aujourd’hui porte atteinte aux droits de propriété, ce qui inquiète les investisseurs étrangers en Pologne. Elle sape aussi sans aucun doute les fondements de l’alliance polono-américaine construite au cours des 30 dernières années », a encore déclaré la direction de la télévision, qui a également appelé le Sénat et le président à rejeter la loi.
Quatre votes perdus
Le vote sur cette loi a eu lieu lors d’une session houleuse du Parlement qui s’est déroulée au lendemain de l’éclatement de la coalition au pouvoir. La scission a été provoquée par la démission, ordonnée par le premier ministre, Mateusz Morawiecki, de son adjoint, Jarosław Gowin, chef d’un des trois partis de la coalition qui disposait de 10 voix au Parlement. Mercredi, la droite au pouvoir a perdu au total quatre votes, une baisse de soutien sans précédent depuis son arrivée au pouvoir en 2015.
Dans un premier temps, l’opposition a réussi à ajourner la session du Parlement jusqu’au 2 septembre. Cependant, la présidente de la Chambre basse, Elżbieta Witek, a décidé de reprendre le vote, sous les cris de protestation de l’opposition.
Le vote a finalement été remporté par les conservateurs au pouvoir, soutenus par quelques députés du groupe antisystème Kukiz’15 qui, lors du premier vote, avaient soutenu l’ajournement.
Les résultats ont été accueillis par les cris « Escrocs, escrocs ! » lancés par l’opposition. Les députés de l’opposition, qui remettaient sa légalité en cause, se sont abstenus lors de ce vote.
La droite a poursuivi les débats procédant au vote sur la loi sur les médias. Il s’agit d’une loi importante pour le parti populiste Droit et justice (PiS) et son président, Jarosław Kaczyński, qui contrôle déjà la télévision publique TVP, devenue un média de propagande gouvernementale, et une grande partie de la presse régionale.
La coalition « La Droite unie », dirigée par PiS, est régulièrement accusée par l’Union européenne de faire reculer les libertés démocratiques dans le pays.
Mardi soir, des milliers de personnes à travers la Pologne ont manifesté contre la loi sur les médias.
Critiques de corruption
L’éclatement de la coalition et la perte d’appuis lors du vote sur la loi médiatique ne signifient pas que le gouvernement chute automatiquement, car il faudrait pour ce faire un vote formel de défiance du Parlement.
Ainsi, le gouvernement pourrait se maintenir au pouvoir en étant minoritaire.
Selon les observateurs, le résultat des votes de mercredi montre que PiS dispose d’une majorité très incertaine et qu’il devra négocier avec les députés d’autres partis, et notamment de l’extrême droite, avant chaque vote.
« La majorité parlementaire, collée par la boue de la corruption et du chantage, s’effondre sous nos yeux », a écrit sur Twitter l’ancien chef de l’UE, Donald Tusk, qui dirige le principal parti d’opposition, Plateforme civique (PO).
« Elle peut durer encore un certain temps, mais elle n’est plus en mesure de gouverner », a-t-il déclaré.
La loi menace la liberté de la presse et va nuire aux relations avec les États-Unis, selon l’opposition