Le Devoir

Guy Lamarche, « incorrupti­ble » journalist­e

Le reporter, louangé pour sa grande rigueur, est décédé à l’âge de 86 ans

- ANNABELLE CAILLOU

Le journalist­e Guy Lamarche, qui a fait ses premiers pas dans la profession en écrivant dans les pages du Devoir, est décédé la semaine dernière à l’âge de 86 ans. Ce grand passionné aura marqué son milieu par sa rigueur et son dévouement.

Il s’est éteint le 4 août au CHSLD Villa Val des Arbres, à Laval, où il résidait depuis sept ans. Il y était entré à la suite d’un sévère AVC en avril 2014, survenu quelques mois à peine après le décès de sa conjointe, Francine Lalonde, ex-députée du Bloc québécois.

« Il a contracté la COVID-19 et en a guéri, mais son état s’est ensuite dégradé doucement », a expliqué Pierre Lamarche, son fils né d’une première union.

Il se souvient d’un père très occupé par son travail, toujours parti sur le terrain pour rapporter des histoires ou en voyage à l’autre bout du monde pour raconter les guerres et les difficulté­s d’autres pays. « Ça va avec l’esprit de l’époque, les pères travaillai­ent beaucoup. Guy était dévoué à son travail, il était passionné par le journalism­e et il a eu une carrière remarquabl­e. »

Le plus grand des hasards

C’est en 1955, alors âgé de 20 ans, que Guy Lamarche est devenu journalist­e « par le plus grand des hasards », expliquait-il dans nos pages en 2010, lors d’une édition spéciale pour le 100e anniversai­re du quotidien.

« Après une année de grand séminaire, je quittai cette fausse vocation sans hésiter, mais sans savoir ce que je voulais faire dans la vie. Il me fallait un travail pour prendre le temps de m’orienter. Je croisai alors dans mon quartier un journalist­e du Devoir qui me dit en passant que le journal avait besoin de reporters. »

Il a été engagé un soir de septembre, sans rien connaître de ce métier. « Six mois plus tard, je ne voulais plus faire rien d’autre dans la vie ! Quelle époque, et quel milieu ! »

Il a ainsi travaillé au Devoir jusqu’en 1959, avec un bref retour en 1961. Ses articles lui ont valu un prix aux National Newspaper Awards et il a été le premier journalist­e canadien de langue française à décrocher la bourse Nieman pour étudier à l’Université Harvard en 1963-1964. L’année suivante, Radio-Canada lui a offert un poste de correspond­ant à Washington. Il a ensuite intégré l’équipe du magazine Le

de 1969 à 1975. Il a finalement fait un passage à la radio en 1980, avant de prendre sa retraite en 1995 à l’âge de 60 ans.

Nouvelle école

« Guy avait une grande ouverture sur le monde et sur les nouvelles idées. […] Il faisait partie de cette génération de journalist­es qui ont cassé les moules du métier, qui voulaient donner les faits, les vérifiaien­t et les contre-vérifiaien­t avant de les rapporter, plutôt que de tomber dans le journalism­e d’opinion », se souvient son ami et journalist­e à la retraite Gilles Gougeon.

Il a rencontré Guy Lamarche lors du bref passage de ce dernier à Radio-Québec (désormais Télé-Québec) comme directeur des communicat­ions, en 1968. Ils se sont ensuite retrouvés à Radio-Canada, où ils ont travaillé ensemble.

« Guy, c’était comme un grand frère dans le métier, raconte M. Gougeon. À l’époque, on apprenait sur le terrain, pas à l’université. On croisait dans les salles de rédaction ou sur le terrain des gens plus vieux, comme Guy, qui nous prenaient en charge, même si on ne travaillai­t pas ensemble. On apprenait le métier avec eux. »

C’est grâce à Guy Lamarche, dit-il, qu’il a appris la base du journalism­e : « douter intelligem­ment de tout ». « Pourquoi untel me dit ça à moi maintenant ? Guy m’a appris à toujours avoir cette question en tête pour bien faire mon métier. »

Gilles Gougeon le décrit comme un homme d’une « immense rigueur », « un homme incorrupti­ble ». À tel point qu’il en a surpris plus d’un lorsqu’à sa retraite, en 1995, il a annoncé vouloir travailler pour l’indépendan­ce du Québec. Il a notamment accompagné sa conjointe, l’ex-députée Francine Lalonde, dans ses différente­s campagnes électorale­s dans les rangs du Bloc québécois.

Guy Lamarche laisse dans le deuil sa première épouse, trois enfants, six petits-enfants et deux arrière-petitsenfa­nts.

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