Cracher sur les prix, une chose du passé ?
Il fut un temps pas si lointain où les prix littéraires faisaient plus souvent la nouvelle, parfois pour de drôles de raisons. Les auteurs refusaient des prix, avec plus ou moins de fracas, comme Hubert Aquin, Fernand Ouellette, Roland Giguère et Michel Garneau, aux Prix du GG à l’époque où les querelles sur l’indépendance du Québec étaient monnaie courante. D’autres les acceptaient, tout en descendant en flammes l’institution donatrice (Victor Lévy-Beaulieu, aussi aux Prix du GG).
Les éditeurs et les chroniqueurs Jean Basile, Gilles Marcotte (Le Devoir) et Réginald Martel (La Presse) critiquaient dans les journaux les lauréats des prix, les livres selon eux oubliés, le fonctionnement.
Mais depuis la colère de voir Nancy Huston (une anglophone pour certains) remporter le Prix du GG Romans français en 1993, les critiques se font rares, constate-t-on à la lecture d’À tout prix, de Robert Yergeau (Triptyque, 1994).
Il y a bien eu un tollé en 2018 quand le Prix des collégiens a voulu être commandité par Amazon. Mais des jurys qui démissionnent, insatisfaits du lauréat ? Ça ne se voit pas.
Pour la sociologue de la littérature Marie-Pier Luneau, c’est qu’il y a maintenant « beaucoup de parefeu pour éviter » les débordements, et que les prix, comprend-on, se sont professionnalisés et ont défini leur éthique.
Le fait que les bourses aient augmenté au fil du temps et que « les prix induisent des ventes », indique la professeure à l’Université de Sherbrooke, fait aussi en sorte que « c’est difficile de critiquer et de mordre la main qui nous nourrit »…