Le Devoir

Des doutes sur les cibles fédérales d’électrific­ation des transports

Le programme d’aide à l’achat d’Ottawa ne s’étend toujours pas aux camionnett­es électrique­s, ni aux modèles usagés

- ALAIN McKENNA

Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, se félicite du succès de son programme d’aide à l’achat de véhicules électrique­s. Mais il ne l’étend pas pour autant aux camionnett­es ni aux véhicules électrique­s usagés, comme le demande l’industrie.

En fait, Transport Canada dit vouloir se coller aux cibles d’électrific­ation du président américain, Joe Biden, pourtant jugées trop modestes pour respecter l’objectif canadien de ne voir que des véhicules zéro émission arriver sur les routes à compter de 2035.

Omar Alghabra s’est présenté aux médias jeudi matin devant le centre technique de General Motors (GM), à Markham, en Ontario. Étant donné l’endroit, les gens de l’industrie et les analystes s’attendaien­t à le voir annoncer l’élargissem­ent des mesures actuelles d’aide à l’achat de véhicules électrique­s, qui peuvent atteindre jusqu’à 5000 $, aux VUS et aux camionnett­es zéro émission.

GM est l’un des quelques grands constructe­urs ayant déjà annoncé la mise en marché de telles camionnett­es. Plus lourdes et plus coûteuses que les voitures traditionn­elles, les camionnett­es comptent parmi les véhicules les plus populaires sur le marché canadien ; elles sont aussi beaucoup plus énergivore­s. Les premiers modèles électrique­s, attendus au pays d’ici la fin de 2022, aideront sans doute à régler une partie du problème, mais leur prix de détail plus élevé risque de ralentir leur adoption.

Vu le succès du programme d’aide actuel, inclure ces véhicules semble être l’étape suivante, explique Daniel

Breton, p.-d.g. de Mobilité électrique Canada, un organisme représenta­nt les entreprise­s du secteur. « Nous plaidons pour l’élargissem­ent des modalités d’aide afin d’inclure ces nouveaux modèles, dit-il. Pas pour des véhicules hors de prix, mais pour des camionnett­es électrique­s d’entrée de gamme, par exemple. Le ministre avait déjà laissé entendre qu’il annoncerai­t de nouvelles mesures élargies d’aide à l’achat. Beaucoup de gens s’attendaien­t à ça [jeudi] matin. »

En fait, puisqu’une campagne électorale fédérale pointe à l’horizon,

M. Breton ne serait pas étonné qu’un tel élargissem­ent soit annoncé lors des prochaines semaines.

Trop peu

Jeudi matin, le ministre Alghabra s’est surtout félicité d’avoir aidé 100 000 automobili­stes canadiens à se procurer un véhicule zéro émission. Ces véhicules évitent d’émettre l’équivalent de 352 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par an, soit un volume annuel comparable à celui de 991 000 foyers.

Le ministre des Transports a également dit « appuyer fermement » le gouverneme­nt des États-Unis dans le renforceme­nt de sa réglementa­tion sur les émissions polluantes des véhicules légers. Washington souhaite que 50 % des véhicules vendus aux États-Unis en 2030 soient zéro émission. Transports Canada a d’ailleurs indiqué qu’il adopterait ces mesures « afin de maintenir l’harmonisat­ion entre nos deux pays ».

Cette affirmatio­n contredit en quelque sorte ce qu’affirmait son collègue à l’Environnem­ent le mois dernier. Jonathan Wilkinson réitérait alors ce qui est indiqué dans le plan climat de 2020 du gouverneme­nt Trudeau, soit que le Canada « travaille à aligner la réglementa­tion canadienne sur les véhicules légers avec les normes de performanc­e les plus strictes en Amérique du Nord après 2025, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des États ».

À l’heure actuelle, la réglementa­tion la plus contraigna­nte sur le continent se trouve en Californie. Les cibles formulées par Washington le sont moins et, selon l’Agence environnem­entale américaine (EPA), elles seraient insuffisan­tes pour assurer la transition énergétiqu­e espérée d’ici 2035.

Autrement dit, le Canada risque lui aussi de rater sa cible de 2035 s’il se colle aux normes fédérales américaine­s, craint Daniel Breton, de Mobilité électrique Canada. « Bien qu’il s’agisse d’un important pas en avant, la norme américaine sur les émissions de GES des véhicules légers est insuffisan­te pour atteindre l’objectif de 100 % de ventes de véhicules zéro émission d’ici 2035. Il est essentiel que le Canada donne suite à son engagement d’établir une réglementa­tion plus stricte », conclut-il.

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JOHN WOODS LA PRESSE CANADIENNE Le Canada vise 100 % de ventes de véhicules zéro émission d’ici 2035.
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