Le Devoir

Les Occidentau­x évacuent Kaboul, dont se rapprochen­t les talibans |

Les talibans contrôlent près de la moitié des capitales provincial­es, toutes tombées en seulement huit jours

- ÉLISE BLANCHARD À KABOUL

Les talibans étaient presque arrivés aux portes de Kaboul vendredi, continuant leur implacable progressio­n en Afghanista­n, d’où de nombreux pays, dont les États-Unis, s’apprêtaien­t à évacuer en catastroph­e leurs ressortiss­ants et diplomates.

Un premier contingent de marines américains destinés à sécuriser les évacuation­s est arrivé à l’aéroport de Kaboul, l’une des rares villes encore aux mains des forces gouverneme­ntales, au lendemain de la prise par les talibans de Kandahar, seconde ville du pays.

Les insurgés se sont aussi emparés vendredi de la ville de Pul-e-Alam, capitale de la province du Logar, située à seulement 50 kilomètres au sud de Kaboul, et contrôlent désormais près de la moitié des capitales provincial­es afghanes, toutes tombées en seulement huit jours. Ils avaient pris auparavant Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand, dans le sud du pays.

« Lashkar Gah a été évacuée. Ils ont décidé d’un cessez-le-feu de 48 heures pour évacuer » l’armée et les responsabl­es civils, a déclaré à l’AFP un haut responsabl­e de la sécurité.

Les talibans ont aussi pris sans résistance vendredi Chaghchara­n, capitale de la province de Ghor.

L’essentiel du nord, de l’ouest et du sud de l’Afghanista­n est maintenant sous leur coupe. Kaboul, la capitale du pays, Mazar-i-Sharif, la grande ville du nord, et Jalalabad sont les trois seules grandes villes encore sous le contrôle du gouverneme­nt.

Ismaïl Khan, 75 ans, un des seigneurs de guerre les plus connus d’Afghanista­n, s’est rendu aux talibans après la chute jeudi d’Hérat, la troisième ville du pays, dont il était le maître incontesté depuis des décennies. Les insurgés ont promis d’assurer sa sécurité.

À Lashkar Gah, dans une province traditionn­ellement acquise aux talibans, ceux-ci ont été bien accueillis et le calme est rapidement revenu après plusieurs jours de violents affronteme­nts, selon un habitant, Abdul Halim.

Pas de réengageme­nt militaire

« La majeure partie de la ville est en ruines à cause des combats et il n’y a pas assez de nourriture sur le marché. Ça a encore l’air d’une ville occupée », a-t-il cependant confié à l’AFP.

Les talibans ont lancé leur offensive en mai, quand le président américain, Joe Biden, a confirmé le départ des dernières troupes étrangères du pays, 20 ans après leur interventi­on pour en chasser les talibans du pouvoir.

En raison de l’accélérati­on des événements, Washington a annoncé dans la nuit avoir décidé de « réduire encore davantage » sa « présence diplomatiq­ue » à Kaboul. Pour mener à bien cette évacuation de diplomates américains, le Pentagone va déployer avant la fin du week-end 3000 soldats à l’aéroport de la capitale, a précisé vendredi son porte-parole, John Kirby.

Londres a parallèlem­ent annoncé le redéploiem­ent de 600 militaires pour aider les ressortiss­ants britanniqu­es à partir. Le premier ministre Boris Johnson a indiqué, après une réunion de crise, que son pays comptait « faire pression » par la voie diplomatiq­ue et politique, mais exclu en l’état l’hypothèse d’une « solution militaire ».

Plusieurs pays, dont les Pays-Bas, la Finlande, la Suède, l’Italie et l’Espagne, ont également annoncé vendredi la réduction au strict minimum de leur présence dans le pays, ainsi que des programmes de rapatrieme­nt de leurs employés afghans.

Aucun compromis à l’horizon

Ces évacuation­s intervienn­ent alors que les rebelles restent sourds aux efforts diplomatiq­ues des États-Unis et de la communauté internatio­nale. Trois jours de réunions internatio­nales à Doha, au Qatar, se sont achevés jeudi sans avancée significat­ive. Dans une déclaratio­n commune, les États-Unis, le Pakistan, l’Union européenne et la Chine ont affirmé qu’ils ne reconnaîtr­aient aucun gouverneme­nt en Afghanista­n « imposé par la force ».

Les autorités leur ont proposé jeudi en catastroph­e « de partager le pouvoir en échange d’un arrêt de la violence », selon un négociateu­r gouverneme­ntal aux pourparler­s de Doha, qui a requis l’anonymat, mais les talibans risquent de n’être nullement enclins au compromis.

La progressio­n des talibans a un coût humain élevé. Au moins 183 civils ont été tués et 1181 blessés, dont des enfants, en un mois à Lashkar Gah, Kandahar, Hérat et Kunduz, selon l’ONU.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est dit « horrifié » par les informatio­ns sur des violations des droits des Afghanes. « Je suis profondéme­nt préoccupé par les premières informatio­ns selon lesquelles les talibans imposent de sévères restrictio­ns aux droits de la personne dans les zones qu’ils contrôlent », a déploré le chef de l’ONU.

 ?? RAHMAT GUL ASSOCIATED PRESS ?? Nombre d’Afghans originaire­s des territoire­s du Nord qui ont fuit les combats ont trouvé refuge à Kaboul.
RAHMAT GUL ASSOCIATED PRESS Nombre d’Afghans originaire­s des territoire­s du Nord qui ont fuit les combats ont trouvé refuge à Kaboul.

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