Après les incendies, des inondations meurtrières en Turquie
Le pays compte pour l’instant au moins 40 morts dans le nord
On nous a seulement dit de mettre nos véhicules à l’abri, car la rivière risquait de déborder. On ne nous a pas dit » de sauver nos vies ou celles de nos enfants. ARZU YÜCEL
Des inondations d’une ampleur inédite depuis des décennies en Turquie ont fait au moins 38 morts dans le nord, où le président, Recep Tayyip Erdoğan, s’est rendu vendredi pour promettre le soutien nécessaire aux sinistrés.
Selon un bilan provisoire de l’agence gouvernementale responsable des catastrophes naturelles (AFAD), 32 personnes sont mortes dans la province de Kastamonu, située au bord de la mer Noire, et 2 dans celle, voisine, de Sinop. Un nombre indéterminé de personnes étaient par ailleurs portées disparues.
Ces inondations, causées par d’intenses précipitations dans la nuit de mardi à mercredi, se sont produites à un moment où la Turquie se remettait à peine de vastes incendies qui ont fait huit morts et ravagé des régions touristiques du sud.
Pour nombre d’experts, les catastrophes naturelles comme celles qui se succèdent dans ce pays risquent de devenir plus fréquentes et plus violentes en raison du réchauffement climatique causé par l’activité humaine.
Signe de la gravité de la situation, le président Erdoğan est allé vendredi dans une des zones les plus durement touchées par les inondations, le district de Bozkurt, dans la province de Kastamonu où, notamment, un immeuble d’habitation de huit étages s’est effondré.
« Jamais vu ça »
Choqués, certains rescapés commençaient à exprimer leur colère à l’encontre des autorités locales, les accusant de n’avoir pas réagi assez vite pour mettre la population en sûreté.
« On nous a seulement dit de mettre nos véhicules à l’abri, car la rivière risquait de déborder. On ne nous a pas dit de sauver nos vies ou celles de nos enfants », a ainsi déploré Arzu Yücel, dont les deux filles jumelles et les beauxparents ont disparu après l’effondrement de leur immeuble. « Si on nous avait prévenus, nous serions partis en moins de cinq minutes […] On ne nous a pas demandé d’évacuer », a-t-elle ajouté en sanglotant, citée par l’agence de presse DHA.
À la suite de précipitations nourries, dans certaines villes, l’eau a atteint jusqu’à quatre mètres de hauteur, selon les autorités, et les rues de cités entières se sont transformées en torrents charriant des voitures et toutes sortes de débris.
Adem Senol, âgé de 75 ans, a vu l’eau cerner en quelques minutes sa maison dans la province de Bartin. « Jamais de ma vie je n’avais vu une telle chose », a-t-il déclaré à l’agence de presse étatique Anadolu. « L’eau est montée plus haut que nos fenêtres, a brisé notre porte et même le muret de notre jardin », a-t-il ajouté.
« Il s’agit de la pire inondation qu’il m’a été donné de voir », a déclaré jeudi le ministre de l’Intérieur, Süleyman Soylu, à l’occasion d’un déplacement dans les zones sinistrées.
La pluie continue
À cause de la montée des eaux, les secours ont dû évacuer les 45 patients d’un hôpital de la région côtière de Sinop. Les images diffusées par les télévisions et sur les réseaux sociaux montraient des villageois réfugiés sur les toits de leur maison en train d’être évacués par hélicoptère. Plusieurs ponts routiers se sont par ailleurs effondrés après des glissements de terrain. Près de 200 villages étaient toujours privés d’électricité vendredi, selon les autorités.
Les services météorologiques prévoient une poursuite des précipitations sur les zones touchées pour le reste de la semaine. Les régions turques bordant la mer Noire sont fréquemment la proie d’inondations. Le mois dernier, six personnes étaient ainsi mortes à Rize, dans le nord-est.
Après les catastrophes naturelles à répétition qui ont frappé la Turquie, plusieurs responsables politiques et associations ont accentué la pression sur M. Erdoğan pour qu’il prenne des mesures radicales en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. La Turquie fait partie des rares pays qui n’ont pas adopté l’Accord de Paris sur le climat de 2015. À deux ans d’élections qui s’annoncent déjà difficiles pour M. Erdogan sur fond de problèmes économiques, ces catastrophes naturelles constituent un enjeu politique.