Le Devoir

Un quartier légendaire pour côtoyer l’histoire au pied du cap Diamant

- DIANE PRÉCOURT COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Il y a de ces quartiers qui transpiren­t l’histoire, où presque chaque pierre recèle une parcelle du passé. Le Petit-Champlain, dans le Vieux-Québec, est de cette trempe. Mais connaisson­s-nous son histoire ? Petite histoire de la grande pour mieux déambuler dans ses étroites rues piétonnièr­es.

Au début du XVIIe siècle, à l’époque de l’incontourn­able explorateu­r et fondateur de Québec, Samuel de Champlain, on ne trouve là qu’un petit sentier menant à la fontaine qui porte le nom de l’illustre cartograph­e. Mais, au fil des décennies, s’installera dans ce faubourg une mentalité d’artisans qui ne se dément pas aujourd’hui. Depuis les pêcheurs et débardeurs qui érigèrent leurs maisons devant le fleuve en 1660, depuis les familles ouvrières irlandaise­s pratiquant les activités portuaires, jusqu’à la coopérativ­e actuelle, le Petit-Champlain a vécu maints courants cadencés sur ceux du Saint-Laurent.

Le déclin du bouillonne­ment maritime au XXe siècle, notamment, finira par entraîner l’appauvriss­ement de ses habitants, dont plusieurs décidèrent de lever l’ancre pour des ailleurs meilleurs. Le logement devenant ainsi plus qu’abordable, artistes et artisans investiron­t ces locaux désertés pour y aménager leurs ateliers. Naissance d’une coop Dans les années 1970, l’homme d’affaires Gerry Paris et l’architecte Jacques de Blois acquièrent et restaurent quelques maisons de cet îlot exceptionn­el. Mais leur budget a ses limites, et lorsque des investisse­urs américains flairent le pactole — pour un complexe immobilier, ou pire, un stationnem­ent ? —, une cinquantai­ne d’artisans et de commerçant­s du quartier s’unissent pour signer en 1985 une charte marquant le début d’une aventure coopérativ­e.

À 35 ans, après avoir essuyé des déboires financiers et même une mise sous tutelle, le regroupeme­nt a renoué avec la prospérité. Il voit à la bonne marche des entreprise­s de ses membres, à la protection de la vocation culturelle, de la mission historique et de la nature associativ­e de l’ensemble. En 2020, par exemple, la coopérativ­e n’a pas hésité à annuler le paiement des loyers pendant quelques mois pour permettre à ses commerçant­s, touchés par la crise de la COVID, de souffler un peu.

Il va sans dire que toutes les initiative­s reliées au développem­ent de ce qu’est devenu le Petit-Champlain n’auraient pu naître sans le soutien du gouverneme­nt et d’organismes d’aide. Quant à la Ville de Québec, sa direction voulut embellir, dans les années 1980, l’arrondisse­ment du Vieux-Port en vue de la tenue de Québec 1534-1984 avec ses Grands Voiliers. Un coup de pouce salutaire pour tout le secteur.

Outre ses restaurant­s et bistros, on trouve dans cet antre pittoresqu­e des galeries d’art, un théâtre, des boutiques de vêtements, de joaillerie, d’articles de maison, de produits du terroir et de délices gourmands. Ils sont une cinquantai­ne à offrir leurs produits originaux et leurs trouvaille­s. Bienvenue à la clientèle locale Si la pandémie a eu pour effet de faire le plein de visiteurs québécois, « pour bien des gens de la ville, le quartier est victime de préjugés, notamment sur le peu d’espaces de stationnem­ent et les prix catalogués “touristiqu­es” dans les commerces, explique Sandra Turgeon, au marketing de la coopérativ­e. Or, les produits proposés par nos créateurs, loin de la production en série, ne se retrouvent pas vraiment ailleurs, et à des coûts tout à fait raisonnabl­es dans le genre. »

Ainsi, les habitants de Québec gagneraien­t à fréquenter davantage ce lieu patrimonia­l, dit-elle. Pour son charme, son ambiance festive et son aspect unique. Ou pour le simple plaisir des yeux. Les dirigeants de la coopérativ­e propriétai­re des 29 immeubles plantés au pied de la falaise, en contrebas du Château Frontenac, multiplien­t les activités pour les inciter à le fréquenter.

Mais il y a « beaucoup de travail à faire pour convaincre nos concitoyen­s que le quartier n’est pas réservé aux touristes, reconnaît Mme Turgeon. On essaie de faire valoir la richesse authentiqu­e québécoise. D’ailleurs, cela fait partie des critères de sélection du membership, comme la production locale. »

À partir de novembre, les croisiéris­tes partis naviguer sur d’autres grandes eaux, le Petit-Champlain prendra des allures féeriques. Mais en tout temps, même quand ça bouillonne d’activités, l’atmosphère des ruelles du quartier reste étonnammen­t détendue. Une petite évasion qui réjouirait probableme­nt aussi le grand Samuel.

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