Le Devoir

Vers la vaccinatio­n obligatoir­e du personnel de la santé

Contrairem­ent à l’imposition du passeport vaccinal, la mesure fera l’objet d’une commission parlementa­ire à l’Assemblée nationale

- ISABELLE PORTER À QUÉBEC Avec Marco Fortier

Le gouverneme­nt Legault souhaite imposer la vaccinatio­n à l’ensemble des travailleu­rs de la santé, mais cette fois-ci la question sera d’abord débattue au Parlement.

« Ce n’est pas banal [comme décision], a dit le premier ministre François Legault mardi après-midi. Et c’est pour ça qu’on a parlé avec les partis d’opposition. »

Une commission parlementa­ire sur le sujet aura donc lieu à l’Assemblée nationale afin que les élus puissent entendre les groupes concernés, notamment les syndicats.

À l’heure actuelle, 91 % du personnel de la santé est vacciné contre la COVID-19, mais le gouverneme­nt estime que les autres, quoique peu nombreux, pourraient contaminer des patients, même en portant le masque. « On ne peut pas se permettre de laisser du personnel être en contact avec les patients si [ces employés] ne sont pas vaccinés », a soutenu M. Legault.

Avec 500 000 travailleu­rs dans le système public de santé, c’est environ 50 000 personnes qui sont ciblées par cette mesure du côté du réseau public. Sont également concernés les employés non vaccinés des résidences privées pour aînés (RPA) et des ressources intermédia­ires (RI), où les taux de vaccinatio­n sont encore moins élevés.

« Ça s’applique à toute personne qui est en contact avec des personnes malades 15 minutes ou plus », a précisé mardi le directeur national de santé publique, Horacio Arruda. En plus des infirmière­s, des préposés et des médecins, cela touche, par exemple, les ambulancie­rs ou encore le personnel d’hygiène et salubrité qui désinfecte les chambres quand les patients sont présents.

Au sein des partis d’opposition, on a salué la décision de tenir une commission parlementa­ire sur le sujet. Le député solidaire Vincent Marissal juge d’emblée que l’imposition du vaccin dans le réseau de la santé est « légitime », mais s’inquiète de ses effets sur la pénurie de main-d’oeuvre et souligne qu’il faudra tenir compte des « contreindi­cations médicales de certains ».

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) invite, quant à elle, le gouverneme­nt à procéder autrement, craignant qu’une telle mesure ne « génère de l’opposition et de la méfiance au sein du personnel ». « La réalité, c’est que le milieu de la santé est confronté depuis longtemps à la précarité du personnel et ne peut absolument pas se permettre de perdre du monde. »

Question plus délicate

Cette annonce survient une semaine après les propos critiqués du premier ministre sur l’imposition du passeport vaccinal. Questionné à propos de l’absence de consultati­on publique sur cette décision, il avait déclaré la semaine dernière ne pas vouloir tenir de commission parlementa­ire par crainte que certains n’y propagent de fausses informatio­ns.

Or s’il annonce maintenant la tenue d’une commission parlementa­ire sur le vaccin, il devrait faire la même chose à propos du passeport vaccinal, affirment le Parti libéral et Québec solidaire. « Ce serait l’occasion pour le gouverneme­nt de répondre à toutes les questions sans réponse », a fait valoir la porte-parole libérale en matière de santé, Marie Montpetit.

Ces deux dossiers n’ont pas les mêmes implicatio­ns, a dit François Legault mardi. « Il y a une grande différence entre le passeport vaccinal, où on parle d’activités non essentiell­es, puis la vaccinatio­n obligatoir­e, où on dit à quelqu’un : “Tu es obligé de te faire vacciner, puis, en plus, sinon, tu ne peux pas travailler.” »

Le gouverneme­nt souhaite que la consultati­on parlementa­ire puisse se tenir la semaine prochaine, mais il n’a pas précisé à compter de quand la mesure deviendrai­t obligatoir­e.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a néanmoins indiqué que les travailleu­rs de la santé non immunisés auraient jusqu’au 1er septembre pour recevoir une première dose et jusqu’au 1er octobre pour la seconde.

Qu’adviendrai­t-il de ceux qui s’y refuseraie­nt ? Pourraient-ils être congédiés ou sanctionné­s ? Ces questions seront discutées en commission, a-ton répondu.

Décision à venir sur les écoles

Pendant ce temps, dans le milieu de l’éducation, plusieurs questions sont restées sans réponse mardi. Pour l’heure, il n’est pas question d’imposer la vaccinatio­n aux enseignant­s et au personnel de la fonction publique. Ce sera toutefois le cas aux niveaux collégial et universita­ire.

L’Union étudiante du Québec a qualifié cette décision de « nécessaire », tandis que la Fédération étudiante collégiale du Québec a dit souhaiter que cela permette « d’éviter un va-et-vient entre l’enseigneme­nt en présence et l’enseigneme­nt à distance ».

Par ailleurs, une décision reste à prendre sur un possible retour du masque dans les services de garde, les écoles primaires et les écoles secondaire­s.

Avec la montée du variant Delta, certains médecins se demandent s’il ne faudrait pas rétablir le système des « bulles-classes » dans les écoles en plus d’imposer le port du masque aux enfants dans les classes.

Le plan de la rentrée scolaire dévoilé par le ministre de l’Éducation la semaine dernière n’allait pas du tout dans ce sens et n’imposait le masque que dans les corridors.

Mardi, on recensait 323 nouveaux cas au Québec et six nouvelles hospitalis­ations liées à la COVID-19. Quelque 85 % de la population admissible à être vaccinée avait reçu au moins une dose du vaccin, mais il restait encore 600 000 Québécois à vacciner pour que 80 % de la population soit pleinement immunisée.

Quant à savoir quel taux vaccinal sera suffisant pour lever les diverses mesures de distanciat­ion en vigueur, le Dr Arruda a dit viser une immunisati­on complète, entre 90 et 95 %.

On ne peut pas se permettre de laisser du personnel être en contact avec les patients si [ces employés] ne sont pas vaccinés

FRANÇOIS LEGAULT

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR C’est environ 50 000 personnes qui sont ciblées par cette mesure du côté du réseau public. Sont également concernés les employés non vaccinés des résidences privées pour aînés et des ressources intermédia­ires, où les taux de vaccinatio­n sont moins élevés.

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