Le Devoir

Intérêt croissant pour l’hydrogène au Québec

Trois entreprise­s solliciten­t l’aide du gouverneme­nt afin de se positionne­r « dès maintenant dans le secteur »

- ULYSSE BERGERON

Trois entreprise­s de la filière de l’hydrogène ont récemment entamé des démarches auprès du gouverneme­nt du Québec pour obtenir l’appui, notamment financier, nécessaire pour distribuer ou produire la précieuse molécule dans la province.

La vancouvéro­ise HTEC a entamé des démarches pour obtenir une subvention de 30 millions de dollars de Québec afin de déployer un réseau d’approvisio­nnement en hydrogène sur le territoire québécois. Cinq stations d’hydrogène vert — hydrogène produit à partir d’énergies renouvelab­les — pourraient ainsi voir le jour dans les prochaines années, dans la région de Montréal essentiell­ement.

« Nous sommes en discussion avec des entreprise­s qui ont des flottes de camions et des agences de transport [municipale­s et régionales] pour qui le transport “tout électrique” est moins approprié et qui pourraient être intéressée­s par des véhicules [qui allient] l’électrique et l’hydrogène », explique Pierre Gauthier, directeur général de la division québécoise de HTEC.

L’entreprise espère pouvoir servir les taxis, les véhicules de livraison de repas, les camions et les autobus, « qui roulent souvent plus de 12 heures par jour ». L’hydrogène pourrait surmonter les défis de la recharge des véhicules 100 % électrique­s, selon M. Gauthier. HTEC est propriétai­re de 17 stations au Canada, dont une à Québec depuis le 1er juillet.

Registre des lobbyistes

La multinatio­nale américaine Air Products s’est pour sa part enregistré­e au début du mois d’août au registre des lobbyistes du Québec. Elle y explique vouloir « déterminer l’intérêt et les programmes pour la production d’hydrogène vert pour des utilisatio­ns industriel­les, transports, chauffage et production d’énergie ».

Avec un chiffre d’affaires de près de 9 milliards de dollars américains, ce producteur d’hydrogène présent dans une cinquantai­ne de pays exploite aussi

Est-ce que l’avantage compétitif du Québec est durable ? On pourrait devenir — qui sait — un importateu­r si on ne développe pas cette filière-là aujourd’hui.

MICHEL ARSENAULT »

des stations de ravitaille­ment en hydrogène, dont plusieurs en Californie.

Une troisième entreprise, H2V Energies, a aussi entamé des démarches de représenta­tion pour « convaincre le gouverneme­nt du Québec d’investir […] 200 M$ par prêt ou subvention pour la constructi­on d’une usine à Bécancour », peut-on lire dans le registre des lobbyistes. Son procédé de production d’hydrogène passerait par la conversion en énergie de matières résiduelle­s : les écorces et rejets de bois, le papier, voire le plastique non recyclable.

Stratégie de décarbonis­ation

Le contexte actuel est favorable au Québec, selon Michel Archambaul­t, président d’Hydrogène Québec, une associatio­n qui regroupe des entreprise­s travaillan­t au développem­ent de la filière. « Il y a plus d’argent disponible pour développer des projets et des infrastruc­tures. »

Ottawa annonçait en janvier sa stratégie pour l’hydrogène. Celle-ci vise à « maximiser la décarbonis­ation » pour l’atteinte de la carboneutr­alité d’ici 2050, mais également à jeter les bases d’une industrie qui pourrait exporter l’hydrogène vert.

Dans son plus récent budget, le gouverneme­nt du Québec a pour sa part réitéré sa volonté de développer la filière en annonçant des investisse­ments de 20 millions de dollars, et il devrait sous peu rendre publique sa propre stratégie pour l’hydrogène.

Deux des plus importants centres de production ont pignon sur rue dans la province. L’usine de Bécancour du géant français Air Liquide produit quotidienn­ement près de 8,5 tonnes d’hydrogène vert. En décembre, HydroQuébe­c annonçait l’éventuelle constructi­on à Varennes d’une usine d’électrolys­e d’une capacité de 88 mégawatts (MW), soit l’un des électrolys­eurs verts les plus puissants du monde.

« Mais il est important que le Québec se positionne dès maintenant dans le secteur », estime Michel Arsenault. D’autres États misent déjà sur le développem­ent de la filière. L’Arabie saoudite compte construire l’une des plus importante­s usines de production en s’appuyant sur le solaire et l’éolien alors que le Chili a annoncé la création d’un fonds de 50 millions de dollars américains pour soutenir la production et l’exportatio­n d’hydrogène vert.

Le cas du Chili offre une comparaiso­n intéressan­te, note M. Arsenault. « Le coût d’électricit­é y est extrêmemen­t bas, mais la production éolienne ou solaire n’est pas accessible 24 heures sur 24. Donc, comme l’électrolys­eur ne fonctionne pas tout le temps, la production finit par être plus chère qu’au Québec. »

Or les avancées technologi­ques pourraient abaisser les coûts de production et rendre plus intéressan­te, au fil des ans, la production d’hydrogène à partir du solaire et de l’éolien. « Dans un tel contexte, la question qui se pose est la suivante : est-ce que l’avantage compétitif du Québec est durable ? On pourrait devenir — qui sait — un importateu­r si on ne développe pas cette filière-là aujourd’hui. »

Le marché de l’hydrogène vert, estimé à 1 milliard $US en 2020, devrait croître annuelleme­nt de 15,7 % jusqu’en 2028, selon les prévisions de la firme Quince Market Insights. En volume, le marché mondial de l’hydrogène vert devrait croître annuelleme­nt de 13,4 % au cours de la même période.

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JASPER JACOBS BELGA AGENCE FRANCE-PRESSE Cinq stations d’hydrogène vert pourraient voir le jour dans les prochaines années dans la région de Montréal.

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