Le Devoir

La bataille du Québec

Les sièges à prendre... et ceux à défendre

- MARCO BÉLAIR-CIRINO

Les libéraux mettront la gomme pour retrouver le terrain qu’ils ont perdu au Québec au profit des bloquistes en 2019. L’équipe de Justin Trudeau pourrait y arriver — et accroître ses chances de se voir gratifier d’une majorité absolue à la Chambre des communes — selon les dernières projection­s électorale­s de 338Canada.

Le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, n’y croit pas une seconde. « Je ne vois pas un premier ministre en conquête », a-t-il lancé dans un entretien avec Le Devoir tenu avant le coup d’envoi de la campagne électorale. Pourtant, le modèle statistiqu­e de Philippe J. Fournier accréditai­t le 15 août dernier le Parti libéral du Canada (PLC) de 39 circonscri­ptions (+4) parmi les 78 circonscri­ptions fédérales au Québec, le Bloc québécois (BQ), de 27 circonscri­ptions (-5), le Parti conservate­ur du Canada (PCC), de 11 circonscri­ptions (+1), et le Nouveau Parti démocratiq­ue (NPD), de 1 circonscri­ption (stable).

Le PLC travailler­a à reprendre quelques-unes des circonscri­ptions lui ayant tourné le dos au profit du Bloc québécois d’Yves-François Blanchet en 2019, à commencer par celles de Shefford et de Longueuil–Saint-Hubert. « Le Bloc fait semblant d’être le seul parti qui peut parler au nom des Québécois, mais en réalité, c’est nous, les libéraux, qui agissions », a déclaré Justin Trudeau, disant être à la tête d’un « gouverneme­nt progressis­te et ambitieux ».

Le Parti libéral veillera aussi à préserver les circonscri­ptions arrachées il y a deux ans au NPD, à l’instar de celle d’Hochelaga. D’ailleurs, Justin Trudeau y avait donné rendez-vous à son homologue québécois François Legault le 5 août dernier pour officialis­er une nouvelle « entente asymétriqu­e » CanadaQuéb­ec, assortie de 6 milliards de dollars sur 5 ans, née de son engagement à mettre sur pied un « système de services de garde d’enfants de grande qualité » d’un océan à l’autre.

Pour le PLC, la dernière campagne s’était soldée par la perte nette de cinq circonscri­ptions au Québec (descendant à 35 sièges sur les 78 de la province). Près d’un an et demi après le début d’une crise sanitaire qui a fait voler en éclats sa plateforme électorale de 2019, Justin Trudeau croit bon de soumettre un nouveau plan de gouverneme­nt à l’électorat canadien. Il proposera notamment de donner un coup d’accélérate­ur à la lutte contre les changement­s climatique­s.

La « machine pétulante » du Bloc

Yves-François Blanchet dissuadera tout au long de la campagne électorale les Québécois de donner les commandes d’un gouverneme­nt majoritair­e à l’un ou l’autre des autres chefs fédéraux. « Le Bloc québécois a démontré hors de tout doute qu’un gouverneme­nt minoritair­e sert mieux le Québec », a-t-il soutenu lors d’un arrêt dans la brasserie-distilleri­e Champ Libre, à Mercier. « Les gens vont dire : “Coudonc, Blanchet, il passe-tu sa vie à prendre un coup ?” Je dirais “plus maintenant” », avait-il lancé à la blague aux sympathisa­nts bloquistes s’étant déplacés pour la présentati­on de leur candidat dans la circonscri­ption de Châteaugua­y–Lacolle.

Châteaugua­y–Lacolle figure parmi les quelque huit circonscri­ptions sur lesquelles la « machine […] pétulante » — expression de M. Blanchet — du Bloc mise pour obtenir un « mandat renforcé », de 32 sièges à « autour » de 40 sièges, de la part de l’électorat québécois le 20 septembre prochain. Elle a aussi dans sa mire Hochelaga, Québec, Sherbrooke, Argenteuil–La Petite-Nation, Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine, Longueuil–Charles-LeMoyne, que le PLC a gagnées par une une faible avance. Le Bloc veut aussi ravir Chicoutimi–Le Fjord, où le conservate­ur Richard Martel s’est fait élire il ya deux ans grâce à 834 votes de majorité.

Au fil des deux dernières années, le BQ n’a pas hésité à « négocier des gains » — pour les Québécois en général, et pour les travailleu­rs de l’industrie de l’aluminium, ainsi que les producteur­s de lait, de volaille et d’oeufs, en particulie­r — avec le gouverneme­nt Trudeau, fait valoir M. Blanchet. Selon le chef bloquiste, « l’enjeu de qui nous sommes comme nation va être crucial dans cette campagne ».

« Je caresse le rêve quand même qu’on soit dans une campagne électorale qui serait fortement économique », a-t-il ajouté, tout en promettant de défendre le « modèle économique proprement québécois qui n’est pas favorisé par Ottawa ».

Le PCC en champion économique

Pas si vite, dit le Parti conservate­ur du Canada, qui a pour slogan « Agir pour l’avenir » au Canada, et « Agir pour le Québec »… au Québec. La liste de demandes du premier ministre François Legault trouvera un écho certain dans la plateforme électorale de la formation politique d’Erin O’Toole, prédit-on. Le manifeste du parti renfermera de nouvelles propositio­ns en matière de promotion de la langue française et de la culture québécoise, en plus de contenir le plan de relance économique postCOVID-19 le plus responsabl­e de la capitale fédérale.

« Le plan de Justin Trudeau étouffe la création d’emplois et nuit à la reprise économique du Canada avant même qu’elle n’ait commencé. C’est pourquoi notre pays a besoin du Plan de rétablisse­ment du Canada, notre plan qui garantira des emplois, fera croître l’économie et se traduira par des salaires plus élevés pour les Canadiens », a plaidé M. O’Toole, après avoir pris connaissan­ce de l’effritemen­t du taux de chômage au pays, de 7,8 % en juin à 7,5 % en juillet. « Avec les libéraux, le Bloc et les néodémocra­tes qui proposent tous des plans économique­s risqués, votre seule option pour protéger les emplois et l’avenir économique du Canada est le Parti conservate­ur du Canada », a-t-il affirmé.

Le hic : le chef conservate­ur, Erin O’Toole, est déjà donné perdant par les électeurs québécois. Selon le dernier sondage Léger, à peine 12 % de la population du Québec s’attend à ce que le natif de Montréal se voie confier au terme les clés de Rideau Cottage, la maison de style néo-géorgien prêtée actuelleme­nt au premier ministre du Canada.

Pire, malgré ses efforts de recentrage du PCC sur les « valeurs québécoise­s », à peine un Québécois sur dix estime qu’il serait « le meilleur premier ministre du Canada », contre 27 % pour M. Trudeau, 15 % pour M. Singh, 2 % pour le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, et 1 % pour la cheffe du Parti vert du Canada, Annamie Paul.

Progressis­me assumé au NPD

Attention, le NPD est en « meilleure position » au Québec que durant la campagne électorale de 2019 — au terme de laquelle tous ses candidats sauf un ont mordu la poussière — a fait valoir son chef, Jagmeet Singh, au début duemois d’août. Il célébrait alors le 60 anniversai­re de naissance du parti, non loin de la gare fluviale de Toronto. Une statue de bronze représenta­nt son prédécesse­ur Jack Layton, chevauchan­t un vélo tandem tout sourire, se dressait derrière lui, ne manquant pas d’évoquer la « vague orange » qui a déferlé sur la province québécoise il y a 10 ans.

« Au Québec, aucun autre parti d’opposition ne peut pointer une seule victoire qu’il a remportée pour les gens, pour rendre leur vie meilleure », a-t-il dit. Le chef s’est dit notamment fier d’avoir forcé la main au PLQ pour offrir deux semaines de congé de maladie payées pour chaque travailleu­r. « Ce n’était pas le Bloc ou les conservate­urs qui vous ont apporté de l’aide. Quand vous aviez des moments difficiles, les néodémocra­tes étaient là pour vous », a-t-il ajouté.

Le NPD proposera un programme résolument progressis­te cet été à l’électorat par lequel il s’engagera notamment à redistribu­er la richesse au pays — par exemple « faire payer les ultrariche­s » d’une part, et accroître l’accès au logement ou annuler une bonne partie de la dette d’étude d’autre part — et à créer des emplois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

« Ne rêvez pas de petits rêves, il n’est jamais trop tard pour changer le monde avec de l’espoir, de l’amour et de l’optimisme », avait déclaré à ses côtés l’ex-élue néodémocra­te — et ancienne compagne et partenaire de vélo de Jack Layton — Olivia Chow. Les militants du NPD feront résonner ce message tout particuliè­rement auprès des jeunes (18-34 ans), des femmes et des personnes racisées dans les centres urbains, promet-on.

Au Québec, aucun autre parti d’opposition [que le NPD] ne peut pointer une seule victoire qu’il a remportée pour les gens, pour rendre leur vie meilleure

JAGMEET SINGH

Le Bloc fait semblant d’être le seul parti qui peut parler au nom des Québécois, mais en réalité, c’est nous, les »

libéraux, qui agissions JUSTIN TRUDEAU

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