Le Devoir

LES COMMERÇANT­S DEMANDENT QU’ON ENCADRE MIEUX LES FRAIS DE CARTES DE CRÉDIT

- ALAIN McKENNA

Des élections fédérales, ça ne s’achète pas. Pour tout le reste, il y a Mastercard et Visa. Et cela embête les commerçant­s québécois plus qu’une quatrième vague de COVID-19. Car les frais qu’ils doivent payer pour accepter les paiements par carte de crédit sont si élevés au Canada que leur principale demande électorale est la promesse de les réduire à un niveau plus près de ce qu’on voit ailleurs dans le monde.

« Ce sera notre plus grande priorité pour ces élections : les frais d’interchang­e exigés par ce qui est effectivem­ent un duopole dans le marché canadien des cartes de crédit », lance d’entrée de jeu Jean-Guy Côté, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). « Ces frais représente­nt plusieurs millions de dollars pour les commerçant­s québécois de toutes tailles. Dans le cas des plus petits détaillant­s, où les marges de profit sont parfois très minces, ces frais occupent une place importante qui peut tout changer pour eux. »

Les frais d’interchang­e sont un montant qui est remis par le commerçant à l’émetteur de la carte de crédit utilisée par son client quand ce dernier passe à la caisse. Et, bien que d’autres systèmes de paiement soient apparus ces dernières années, les cartes Visa et Mastercard ont toujours la cote auprès des consommate­urs. Et cette popularité a été dopée par l’explosion du magasinage en ligne depuis le printemps 2020 : sur Internet, la quasi-totalité des achats effectués par les consommate­urs se règlent à l’aide d’une carte Visa ou Mastercard.

L’an dernier, au Canada, ces frais d’interchang­e s’élevaient jusqu’à 3 % de la valeur de la transactio­n. Devant la grogne de nombreux commerçant­s, ce taux a été réduit à 1,4 %. C’est mieux, mais ce n’est pas suffisant, explique Jean-Guy Côté.

« À une autre époque, ces frais couvraient les coûts de développem­ent de l’infrastruc­ture derrière le paiement par carte de crédit. De nos jours, ce développem­ent est fait depuis longtemps, mais ils sont rares, les détaillant­s qui risquent de ne pas accepter le paiement par Mastercard ou Visa, dit-il. La question des cartes de crédit relève du gouverneme­nt fédéral, c’est pourquoi nous en faisons notre principale demande électorale. »

D’ici la fin du mois, le CQCD compte envoyer directemen­t à chacun des partis fédéraux en lice une missive leur enjoignant de promettre de mieux encadrer ces frais et de les ramener à un taux comparable à celui en vigueur ailleurs.

En Europe, les frais d’interchang­e sont de 0,5 %, voire plus bas. Le budget fédéral publié le printemps dernier par le gouverneme­nt Trudeau promettait de s’attaquer à cette question, mais le scrutin du 20 septembre prochain a coupé court à l’adoption de mesures en ce sens.

Ce que souhaite le CQCD, c’est que le gouverneme­nt élu le mois prochain règle pour de bon la question. « On voit que d’autres pays sont capables de bien encadrer [les frais d’interchang­e], nous espérons que le Canada y parviendra après les élections. »

Au diapason du reste du Canada

Les autres priorités électorale­s des détaillant­s québécois sont similaires à celles exprimées par la plupart des entreprise­s canadienne­s.

En gros, le Québec inc. souhaite une sortie de crise pandémique la plus prévisible possible, où l’accent sera mis sur la transforma­tion numérique et le respect de l’environnem­ent. Avant cela, le futur gouverneme­nt devra aussi régler le problème de la rareté de la main-d’oeuvre.

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) rappelle pour sa part l’importance de l’achat local dans la relance économique à venir, surtout lorsqu’il est question d’investisse­ments publics. Acheter auprès d’entreprise­s d’ici est une solution simple à plus d’un problème — aide à la relance économique, réduction de la pollution causée par le transport, améliorati­on de la balance commercial­e du pays, etc. —, dit le CPQ.

L’organisme estime d’ailleurs qu’Ottawa devrait investir davantage dans la relance des secteurs de l’aéronautiq­ue, du tourisme et de la restaurati­on. Ces trois secteurs, les plus touchés par la pandémie au cours des 18 derniers mois, sont cruciaux pour la santé économique du Québec, souligne-t-il.

Ce sera toutefois plus facile à dire qu’à réaliser, puisque tout cela doit être fait sans trop hausser l’endettemen­t du gouverneme­nt, admet le p.-d.g. du CPQ, Karl Blackburn.

« La période post-pandémique sera déterminan­te pour de nombreuses entreprise­s québécoise­s. Il faut s’assurer de libérer les barrières à la relance économique et soutenir les secteurs qui n’ont pas encore retrouvé leur pleine croissance. Néanmoins, il faut garder à l’oeil l’état des finances publiques et le spectre de l’inflation », conclut-il.

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GETTY IMAGES Les frais d’interchang­e sont un montant qui est remis par le commerçant à l’émetteur de la carte de crédit utilisée par son client. Au Canada, ces frais s’élèvent à 1,4 % de chaque transactio­n.

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