Le calvaire sans fin des Haïtiens
La crise politique, le séisme, la tempête et maintenant les inondations : les conditions délétères dans la « Perle des Antilles » accentuent la précarité d’une population éprouvée
Hier soir, nous avons passé un mauvais moment. Beaucoup de vent, puis la pluie. Je suis restée assise : chaque fois, les rafales nous envoyaient de l’eau.
NATACHA LORMIRA »
Ma maison est détruite, je n’ai nulle part où dormir. On a besoin d’une bâche en plastique pour juste faire un petit somme au sec, mais l’État ne règle rien. VLADIMIR GILLES »
Des habitants trempés, épuisés, sans autre choix que d’uriner et de déféquer dans des rues menacées d’inondations : le chaos se poursuivait dans le sud-ouest d’Haïti, mardi, les sinistrés de son récent séisme étant démunis face aux violentes intempéries d’une nouvelle tempête tropicale.
Dans la ville des Cayes, plus de 200 personnes commencent à bâtir, sous un vent et une pluie persistants, des abris précaires sur un terrain de soccer inondé. Tous sont sinistrés du tremblement de terre de magnitude 7,2 survenu samedi et qui, en quelques secondes, a réduit en poussière des dizaines de milliers d’habitations. Au moins 1941 personnes ont été tuées, selon un bilan encore « très partiel » annoncé mardi par la protection civile haïtienne.
Avec seulement un bonnet de douche pour se protéger des gouttes, Magalie Cadet est épuisée par les trois jours d’épreuves qu’elle vient de subir.
« Même pour faire nos besoins, on n’a aucun endroit, donc on doit chercher dans les rues pour se soulager », déplore cette femme de 41 ans, les nerfs usés par les incessantes répliques du tremblement de terre.
« Hier soir, je m’étais mise à l’abri près de l’église, mais quand on a senti la terre trembler à nouveau, j’ai couru pour revenir ici », soupire-t-elle.
Quelque 9900 personnes ont été blessées par les secousses et leurs répliques. Dans les décombres, les secouristes ont extrait 34 personnes vivantes au cours des dernières 48 heures, ont indiqué les autorités.
Plutôt « mouillée que morte »
Au calvaire des sinistrés qui dorment dehors se sont ajoutées mardi les averses charriées par la tempête tropicale Grace. Les précipitations risquaient par endroits de provoquer « des inondations majeures », selon le Centre américain des ouragans, basé à Miami.
Dans ces conditions, les autorités haïtiennes ont appelé à une « extrême vigilance » à l’égard des maisons fissurées, qui pourraient s’effondrer sous le poids de la pluie.
Les États-Unis, qui ont évacué une quarantaine de personnes pour des soins urgents, ont affrété huit hélicoptères pour mesurer l’ampleur de la catastrophe par des images aériennes.
Bricolant à la hâte des abris de fortune, les habitants étaient dépités mardi. « Hier soir, nous avons passé un mauvais moment. Beaucoup de vent, puis la pluie. Je suis restée assise : chaque fois, les rafales nous envoyaient de l’eau », confie Natacha Lormira tout en tenant d’une main le maigre morceau de bois auquel est attachée une bâche déchirée.
« Je ne veux pas aller sous une galerie ou un coin de mur, car on a tous vu des gens mourir sous des pans de mur. Donc on se résigne : mieux vaut être mouillée que morte », déplore-t-elle.
L’État ne règle rien
Trempé par la pluie qui perdure, Vladimir Gilles tente de planter suffisamment profond quelques morceaux de bambou dans la pelouse pour protéger sa femme et son enfant.
« Ma maison est détruite, je n’ai nulle part où dormir. On a besoin d’une bâche en plastique pour juste faire un petit somme au sec, mais l’État ne règle rien », peste le jeune homme de 28 ans.
Le premier ministre, Ariel Henry, a bien décrété l’état d’urgence pour un mois dans les quatre départements affectés par la catastrophe. Mais le pays le plus pauvre du continent américain est aux prises avec un chaos politique, un mois après l’assassinat de son président Jovenel Moïse, compliquant encore sa gouvernance. L’UNICEF a estimé mardi que 1,2 million de personnes, dont 540 000 enfants, étaient affectées par la crise.
L’accès à l’eau reste aussi très restreint par endroits, comme dans la commune de Pestel, où plus de 1800 citernes sont fissurées ou écrasées, faisant craindre une dégradation des conditions sanitaires. Quelques mois après le terrible séisme de 2010, qui avait coûté la vie à 200 000 personnes, une mauvaise gestion des eaux usées dans une base onusienne avait facilité la propagation du choléra dans le pays.
Quelque 9900 personnes ont été blessées par les secousses et leurs répliques. Dans les décombres, les secouristes ont déjà extrait 34 vivants, selon les autorités.