Disparités vaccinales au secondaire
Des campagnes de vaccination devront être menées dans de nombreuses écoles secondaires à la rentrée. En date du 30 juillet, les deux tiers des établissements québécois avaient atteint un taux de vaccination de plus de 75 % pour la première dose, mais à peine 16,5 % des écoles comptent une majorité d’élèves adéquatement vaccinés, révèlent des données obtenues par Le Devoir.
En vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, le journal a demandé au ministère de la Santé et des Services sociaux les plus récents taux de vaccination de toutes les écoles secondaires de toutes les régions du Québec. Des données ont été fournies pour 765 établissements. Les données sur les couvertures vaccinales — calculées à partir du croisement des listes d’inscription d’élèves et du Registre de vaccination du Québec — datent du 30 juillet.
Le constat est clair : la couverture vaccinale varie grandement d’une région à l’autre. La Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine fait figure de première de classe. La proportion d’élèves ayant reçu au moins une dose y était déjà de 87,6 % il y a deux semaines. Environ 65 % des élèves étaient adéquatement vaccinés (deux doses reçues ou une dose après avoir contracté la COVID-19). Aux Îles-de-la-Madeleine, une école atteint même un taux de 100 % pour la couverture vaccinale complète.
Les régions de Montréal et de Laval ainsi que le Nunavik ont les moins bonnes notes. Dans la métropole, le taux de vaccination pour la première dose s’élevait à 74,1 % au 30 juillet et seulement 36,6 % des élèves des écoles secondaires étaient adéquatement vaccinés. À Laval, 76,2 % des élèves ont reçu une première dose et 31,4 % sont adéquatement vaccinés. Le Nunavik fait pire avec des taux de 36,3 % (première dose) et de 16,3 % (adéquatement vaccinés).
Campagne intensive ciblée
Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, s’inquiète de ces faibles couvertures vaccinales à la veille de la rentrée scolaire. « On le sait qu’en contexte de variant [Delta] hypercontagieux, pour minimiser l’impact sur les jeunes, il faut absolument qu’on atteigne des taux en haut de 80 ou 85 %, et peut-être 90 et 95 %, comme le disait le Dr Arruda, chez les jeunes du secondaire. »
Le président de la Fédération autonome de l’enseignement, Sylvain Mallette, est aussi préoccupé par la situation. « Le taux de vaccination pour la deuxième dose est clairement en deçà des cibles fixées par le gouvernement, dit-il. On le sait que, quand les écoles vont rouvrir, ça va servir d’incubateur. Même doublement vaccinés, ça ne t’empêche pas de contracter la COVID. »
Roxane Borgès Da Silva trouve néanmoins « très encourageant » que les deux tiers des écoles aient plus de 75 % de leurs élèves vaccinés au moins une fois.
Le président de la Fédération québécoise des directions d’enseignement, Nicolas Prévost, estime aussi que cette couverture, pour la première dose, est une « bonne nouvelle ». « On voit quand même que les jeunes ont super bien répondu à l’appel qui a été fait par le ministère et par M. Legault sur la vaccination », dit-il. L’annonce d’un passeport vaccinal, nécessaire pour participer à certaines activités parascolaires, incitera d’autres jeunes à prendre rendez-vous, pense-t-il.
D’après Nicolas Prévost, des opérations de vaccination seront menées dans toutes les écoles secondaires du Québec à la rentrée. Les directions sont prêtes à mettre la main à la pâte. « On sait que le ministère de l’Éducation va cibler des endroits où le taux de vaccination est beaucoup plus faible, poursuit-il. Ils vont vraiment faire une campagne [de publicité] plus [intensive] dans ces coins ou ces régions-là où le taux de vaccination est très bas. »
Ajustements nécessaires
Les établissements scolaires ayant un très faible taux de vaccination sont marginaux. Environ 6 % des 765 écoles détiennent une couverture vaccinale inférieure à 50 % pour la première dose.
L’école Notre-Dame-du-PerpétuelSecours (Cité écologique), à HamNord, dans le Centre-du-Québec, et l’école Sainte-Famille (Fraternité St-Pie X), à Lévis, dans ChaudièreAppalaches, obtiennent le pire score : aucun élève n’a obtenu une seule dose (voir tableau). Le Devoir a tenté de contacter leur direction, en vain.
À l’école communautaire Belz (campus Jeanne-Mance, section anglaise), 8,16 % des élèves ont reçu une première injection en date du 30 juillet dernier. Onze jours plus tôt, le taux de cet établissement juif ultraorthodoxe, situé à Montréal, s’élevait à 6,6 %, selon un document obtenu par Le Devoir.
Au Nunavik, cinq écoles ont un taux de vaccination pour la première dose de 20 % ou moins.
L’Alliance des professeurs et professeures de Montréal se dit préoccupée par la faible couverture vaccinale de certains établissements de la métropole. « C’est inquiétant que le gouvernement nous expose un plan [de retour en classe] qui est le même peu importe qu’on soit dans une région où peutêtre 90 % des élèves sont vaccinés, alors que nous, on voit que, dans certaines de nos écoles, ce sont peut-être 30 % qui sont vaccinés », dit sa présidente, Catherine Beauvais-St-Pierre.
En point de presse mardi, le premier ministre François Legault a laissé entendre que ce plan, qui ne prévoit pas le port du masque obligatoire en classe au primaire et au secondaire, pourrait être mis à jour avant le début des classes. « On n’exclut pas que des recommandations soient différentes d’une région à l’autre, sauf pour les cégeps puis les universités », a-t-il dit.
La Fédération québécoise des directions d’enseignement s’attend à des « ajustements, entre autres sur le masque à temps plein », dans les établissements primaires et secondaires. « C’est vraiment cette mesure qu’on prioriserait », dit Nicolas Prévost.
En cas de nécessité, la scolarisation en alternance (présentiel et virtuel) pourrait être réinstaurée pour les élèves de 4e et de 5e secondaire, pense Nicolas Prévost. « Mais on ne toucherait pas aux élèves de 3e secondaire, précise-t-il. On les garderait en présentiel. C’est un niveau qui est plus difficile et c’est une clientèle qui est plus fragile. »
La Fédération ne souhaite toutefois pas que les « bulles-classes » soient de retour. « Sur le plan organisationnel, si on devait faire marche arrière, ce serait vraiment beaucoup d’organisation pour les directions d’établissement. Il faudrait refaire les horaires et enlever des options à des élèves. »