Travaux lancés sur le site d’un projet industriel, malgré l’opposition
Ray-Mont Logistiques dit mettre en oeuvre un plan de réhabilitation autorisé par Québec
Le promoteur du projet industriel Ray-Mont Logistiques, dans l’est de Montréal, mène présentement des travaux sur son site. Cette première étape dite de « réhabilitation », approuvée par le gouvernement du Québec, donne déjà le droit au promoteur d’asphalter son terrain et d’y construire des voies ferrées. Les opposants, qui réclament la création d’un parc nature, dénoncent les opérations en cours et plaident pour une évaluation environnementale de ce projet situé aux limites d’un quartier résidentiel.
Les promoteurs du projet de transbordement quotidien d’une centaine de conteneurs, près du port de Montréal, sont formels : « aucun travail de construction majeur relié aux opérations de Ray-Mont Logistiques n’a débuté sur le terrain. Toutes les opérations présentement en cours sur le site sont liées à la mise en oeuvre efficace du plan de réhabilitation » du site, qui a été approuvé en 2018 par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).
Le MELCC précise que ce plan permet à Ray-Mont Logistiques de recouvrir des sols contaminés présents sur ce site de plus de 230 000 mètres carrés. Celui-ci contient environ 75 000 m3 de sols contaminés, « à des concentrations excédant des valeurs limites établies pour un usage industriel ». Ils peuvent être utilisés sur place, notamment pour construire un « mur-écran » situé du côté du secteur résidentiel, à condition d’être recouverts d’un mètre de « sols propres ».
Les autorisations obtenues du gouvernement permettent aussi au promoteur « d’aménager une surface de roulement avec revêtement d’asphalte, ainsi que de construire quatre voies ferrées et un mur-écran aux limites est, sud et ouest ». Toutes ces étapes sont soustraites à la procédure d’évaluation environnementale.
Malgré les craintes de résidents de ce secteur d’Hochelaga-Maisonneuve, qui redoutent les répercussions sur leur qualité de vie, Ray-Mont Logistiques peut donc déjà réaliser plusieurs étapes du projet de construction de la future plateforme intermodale (qui permettrait de faire passer les conteneurs des camions aux wagons). En activité tous les jours de la semaine, 24 heures sur 24, la plateforme comprendrait l’empilement d’un maximum de 10 000 conteneurs et un millier de passages de camions chaque jour.
Pas de « travaux majeurs »
La machinerie, les camions et les travailleurs aperçus cette semaine par Le Devoir sur le site, situé au nord de la rue Notre-Dame et à l’est de la rue Viau, ont seulement amorcé des travaux de « recouvrement de sols contaminés », assure le promoteur. Ces sols seront scellés par asphaltage, « une étape obligatoire pour couper les sols contaminés de leur exposition avec la faune et la flore », précise Ray-Mont Logistiques.
Le Devoir a obtenu copie d’un message envoyé récemment aux membres de « l’instance de concertation », qui comprend la Ville de Montréal, le promoteur et des citoyens, par le présidentdirecteur général de Ray-Mont Logistiques, Charles Raymond. Il y est précisé que des « structures préliminaires pour lampadaires, bornes-fontaines et des bollards, qui se trouveront dans la couche de matériaux, sont déjà sur le site. Précisons que ces structures ne seront pas opérationnelles à court terme et sont installées de façon préliminaire sous le pavage ».
L’entreprise promet cependant que les « travaux majeurs » ne seront pas lancés avant la fin des travaux de l’instance de concertation. L’échéancier a été fixé à l’automne 2021, une saison qui commence dans un peu plus d’un mois. Le MELCC indique par ailleurs qu’une inspection a été menée le 12 août sur le site, à la suite d’une plainte. « Des vérifications supplémentaires sont toujours en cours » à ce sujet.
En ce qui a trait au projet de plateforme intermodale, Ray-Mont Logistiques n’a toujours pas déposé sa demande d’autorisation auprès du MELCC, confirme le ministère. C’est cette demande qui pourrait mener à une évaluation environnementale. Pour cela, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, devrait en faire la « recommandation », et ce, après avoir déterminé que « les enjeux environnementaux que peut susciter le projet sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient ».
Évaluation réclamée
Pour le moment, le ministre Charette n’a pas annoncé s’il allait soumettre ce projet industriel à une évaluation environnementale. Les citoyens opposés au projet de Ray-Mont Logistiques lui demandent donc d’exiger dès maintenant une telle évaluation, comme le permet la Loi sur la qualité de l’environnement.
Membre du groupe qui réclame la création d’un « parc nature » sur ce site à l’abandon depuis plusieurs années, Anaïs Houde craint que le gouvernement soit mis « devant le fait accompli », une fois que le promoteur aura asphalté le terrain et implanté différentes infrastructures. « Le promoteur affirme que ce sont seulement des travaux de “réhabilitation” », mais il joue sur les mots. Le fait d’asphalter le terrain menace aussi directement le projet de création d’un parc. Pendant ce temps, les citoyens participent de bonne foi aux travaux de l’instance de concertation. On se sent floués. »
Le député provincial du secteur, Alexandre Leduc (Québec solidaire), estime lui aussi que Benoit Charette doit s’impliquer dans ce dossier. Il souligne également que le fait d’implanter un projet industriel comme celui de Ray-Mont Logistiques à environ 100 mètres d’un secteur résidentiel revient à perpétuer « un ancien modèle de développement, où les quartiers résidentiels étaient collés sur les secteurs industriels ».
Dans un contexte de crise climatique, le député solidaire appelle plutôt à réfléchir au développement de ce secteur en prenant en compte le besoin de réduire les îlots de chaleur à Montréal. Les citoyens opposés au projet proposent même de faire un parc qui pourrait être relié au parc Maisonneuve, de façon à créer une « trame verte », en utilisant une ancienne voie ferrée du CN aujourd’hui inutilisée.
La députée libérale fédérale d’Hochelaga, Soraya Martinez-Ferrada, s’oppose au projet de Ray-Mont Logistiques. « Je suis contre et ce n’est certainement pas ce genre de projet qu’on souhaite dans le comté », fait-elle valoir dans une déclaration écrite. Prenant acte du fait que le promoteur a déjà obtenu certaines autorisations, elle dit travailler pour que « les meilleures mesures de mitigation soient mises en place afin de protéger les citoyens et citoyennes d’Hochelaga ».
Responsable du développement économique et commercial et du design au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal, Luc Rabouin souligne que le travail avec le promoteur devrait permettre la mise en place « des mesures de mitigation qui pourraient représenter des gains pour la communauté ». Il assure que l’objectif est de « tenter de réaliser le meilleur projet possible », dans le contexte où Ray-Mont Logistiques « a le droit de le faire ».
La Cour d’appel du Québec a déjà obligé la Ville à fournir les autorisations municipales que le promoteur réclamait. Ce dernier a néanmoins entamé une poursuite de 373 millions de dollars contre la Ville de Montréal en raison des longs délais pour lui accorder une autorisation.