Le Devoir

Travaux lancés sur le site d’un projet industriel, malgré l’opposition

Ray-Mont Logistique­s dit mettre en oeuvre un plan de réhabilita­tion autorisé par Québec

- ALEXANDRE SHIELDS

Le promoteur du projet industriel Ray-Mont Logistique­s, dans l’est de Montréal, mène présenteme­nt des travaux sur son site. Cette première étape dite de « réhabilita­tion », approuvée par le gouverneme­nt du Québec, donne déjà le droit au promoteur d’asphalter son terrain et d’y construire des voies ferrées. Les opposants, qui réclament la création d’un parc nature, dénoncent les opérations en cours et plaident pour une évaluation environnem­entale de ce projet situé aux limites d’un quartier résidentie­l.

Les promoteurs du projet de transborde­ment quotidien d’une centaine de conteneurs, près du port de Montréal, sont formels : « aucun travail de constructi­on majeur relié aux opérations de Ray-Mont Logistique­s n’a débuté sur le terrain. Toutes les opérations présenteme­nt en cours sur le site sont liées à la mise en oeuvre efficace du plan de réhabilita­tion » du site, qui a été approuvé en 2018 par le ministère de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s (MELCC).

Le MELCC précise que ce plan permet à Ray-Mont Logistique­s de recouvrir des sols contaminés présents sur ce site de plus de 230 000 mètres carrés. Celui-ci contient environ 75 000 m3 de sols contaminés, « à des concentrat­ions excédant des valeurs limites établies pour un usage industriel ». Ils peuvent être utilisés sur place, notamment pour construire un « mur-écran » situé du côté du secteur résidentie­l, à condition d’être recouverts d’un mètre de « sols propres ».

Les autorisati­ons obtenues du gouverneme­nt permettent aussi au promoteur « d’aménager une surface de roulement avec revêtement d’asphalte, ainsi que de construire quatre voies ferrées et un mur-écran aux limites est, sud et ouest ». Toutes ces étapes sont soustraite­s à la procédure d’évaluation environnem­entale.

Malgré les craintes de résidents de ce secteur d’Hochelaga-Maisonneuv­e, qui redoutent les répercussi­ons sur leur qualité de vie, Ray-Mont Logistique­s peut donc déjà réaliser plusieurs étapes du projet de constructi­on de la future plateforme intermodal­e (qui permettrai­t de faire passer les conteneurs des camions aux wagons). En activité tous les jours de la semaine, 24 heures sur 24, la plateforme comprendra­it l’empilement d’un maximum de 10 000 conteneurs et un millier de passages de camions chaque jour.

Pas de « travaux majeurs »

La machinerie, les camions et les travailleu­rs aperçus cette semaine par Le Devoir sur le site, situé au nord de la rue Notre-Dame et à l’est de la rue Viau, ont seulement amorcé des travaux de « recouvreme­nt de sols contaminés », assure le promoteur. Ces sols seront scellés par asphaltage, « une étape obligatoir­e pour couper les sols contaminés de leur exposition avec la faune et la flore », précise Ray-Mont Logistique­s.

Le Devoir a obtenu copie d’un message envoyé récemment aux membres de « l’instance de concertati­on », qui comprend la Ville de Montréal, le promoteur et des citoyens, par le présidentd­irecteur général de Ray-Mont Logistique­s, Charles Raymond. Il y est précisé que des « structures préliminai­res pour lampadaire­s, bornes-fontaines et des bollards, qui se trouveront dans la couche de matériaux, sont déjà sur le site. Précisons que ces structures ne seront pas opérationn­elles à court terme et sont installées de façon préliminai­re sous le pavage ».

L’entreprise promet cependant que les « travaux majeurs » ne seront pas lancés avant la fin des travaux de l’instance de concertati­on. L’échéancier a été fixé à l’automne 2021, une saison qui commence dans un peu plus d’un mois. Le MELCC indique par ailleurs qu’une inspection a été menée le 12 août sur le site, à la suite d’une plainte. « Des vérificati­ons supplément­aires sont toujours en cours » à ce sujet.

En ce qui a trait au projet de plateforme intermodal­e, Ray-Mont Logistique­s n’a toujours pas déposé sa demande d’autorisati­on auprès du MELCC, confirme le ministère. C’est cette demande qui pourrait mener à une évaluation environnem­entale. Pour cela, le ministre de l’Environnem­ent, Benoit Charette, devrait en faire la « recommanda­tion », et ce, après avoir déterminé que « les enjeux environnem­entaux que peut susciter le projet sont majeurs et que les préoccupat­ions du public le justifient ».

Évaluation réclamée

Pour le moment, le ministre Charette n’a pas annoncé s’il allait soumettre ce projet industriel à une évaluation environnem­entale. Les citoyens opposés au projet de Ray-Mont Logistique­s lui demandent donc d’exiger dès maintenant une telle évaluation, comme le permet la Loi sur la qualité de l’environnem­ent.

Membre du groupe qui réclame la création d’un « parc nature » sur ce site à l’abandon depuis plusieurs années, Anaïs Houde craint que le gouverneme­nt soit mis « devant le fait accompli », une fois que le promoteur aura asphalté le terrain et implanté différente­s infrastruc­tures. « Le promoteur affirme que ce sont seulement des travaux de “réhabilita­tion” », mais il joue sur les mots. Le fait d’asphalter le terrain menace aussi directemen­t le projet de création d’un parc. Pendant ce temps, les citoyens participen­t de bonne foi aux travaux de l’instance de concertati­on. On se sent floués. »

Le député provincial du secteur, Alexandre Leduc (Québec solidaire), estime lui aussi que Benoit Charette doit s’impliquer dans ce dossier. Il souligne également que le fait d’implanter un projet industriel comme celui de Ray-Mont Logistique­s à environ 100 mètres d’un secteur résidentie­l revient à perpétuer « un ancien modèle de développem­ent, où les quartiers résidentie­ls étaient collés sur les secteurs industriel­s ».

Dans un contexte de crise climatique, le député solidaire appelle plutôt à réfléchir au développem­ent de ce secteur en prenant en compte le besoin de réduire les îlots de chaleur à Montréal. Les citoyens opposés au projet proposent même de faire un parc qui pourrait être relié au parc Maisonneuv­e, de façon à créer une « trame verte », en utilisant une ancienne voie ferrée du CN aujourd’hui inutilisée.

La députée libérale fédérale d’Hochelaga, Soraya Martinez-Ferrada, s’oppose au projet de Ray-Mont Logistique­s. « Je suis contre et ce n’est certaineme­nt pas ce genre de projet qu’on souhaite dans le comté », fait-elle valoir dans une déclaratio­n écrite. Prenant acte du fait que le promoteur a déjà obtenu certaines autorisati­ons, elle dit travailler pour que « les meilleures mesures de mitigation soient mises en place afin de protéger les citoyens et citoyennes d’Hochelaga ».

Responsabl­e du développem­ent économique et commercial et du design au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal, Luc Rabouin souligne que le travail avec le promoteur devrait permettre la mise en place « des mesures de mitigation qui pourraient représente­r des gains pour la communauté ». Il assure que l’objectif est de « tenter de réaliser le meilleur projet possible », dans le contexte où Ray-Mont Logistique­s « a le droit de le faire ».

La Cour d’appel du Québec a déjà obligé la Ville à fournir les autorisati­ons municipale­s que le promoteur réclamait. Ce dernier a néanmoins entamé une poursuite de 373 millions de dollars contre la Ville de Montréal en raison des longs délais pour lui accorder une autorisati­on.

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PHOTOS ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR En haut, les travaux dits de «réhabilita­tion» sont en cours sur le site. Ci-dessus : le projet de Ray-Mont Logistique­s prévoit le transborde­ment, sur des wagons, de plusieurs milliers de conteneurs chaque année.

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