Le Devoir

Démarche de réconcilia­tion dans la peur

Devant le discours de pardon des talibans et leur dialogue avec d’anciens dirigeants, l’Occident réitère ses « inquiétude­s profondes »

- AFGHANISTA­N DAVID FOX À KABOUL AGENCE FRANCE-PRESSE

Des responsabl­es talibans ont rencontré l’ancien président afghan, Hamid Karzai, mercredi à Kaboul au lendemain de leur engagement à oeuvrer à la réconcilia­tion nationale. Un geste que le dernier chef de l’État, Ashraf Ghani, réfugié à l’étranger, a approuvé.

Les États-Unis ont de leur côté accusé les nouveaux maîtres de l’Afghanista­n de ne pas tenir leur promesse de laisser les Afghans voulant fuir accéder librement à l’aéroport de la capitale.

Les talibans, qui cherchent à former un gouverneme­nt, ont annoncé qu’ils avaient « gracié tous les anciens responsabl­es gouverneme­ntaux », a indiqué le groupe de surveillan­ce des sites islamistes SITE. Ils ont diffusé des images d’Hamid Karzai avec Anas Haqqani, un des négociateu­rs de leur mouvement.

Ces négociatio­ns ont été bien accueillie­s par l’ex-président, Ashraf Ghani, qui a précipitam­ment quitté dimanche son pays pour les Émirats arabes unis, d’où il s’est adressé mercredi à ses compatriot­es. « Je souhaite le succès de ce processus », a-t-il déclaré dans un message vidéo publié sur Facebook, précisant qu’il n’avait « aucune intention » de rester en exil.

Les États-Unis, pour lesquels « rien » ne laissait présager que l’armée et le gouverneme­nt afghans s’effondrera­ient aussi vite, ont pour leur part répété mercredi qu’ils considérai­ent qu’Ashraf Ghani n’était « plus une personne qui compte en Afghanista­n ».

Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect »

des principes de l’islam ZABIHULLAH MUJAHID

Selon le président Joe Biden, il aurait été impossible de retirer les troupes américaine­s sans une forme de « chaos » dans le pays. L’idée « que d’une façon il y avait un moyen de sortir sans que le chaos s’ensuive, je ne vois pas comment cela est possible », a-t-il dit mercredi à la chaîne ABC.

Calme incertain

Dans le même temps, la vie a commencé à reprendre à Kaboul, même si la peur est là. La capitale afghane a été très calme mercredi, la plupart des administra­tions et des commerces ayant fermé en raison de l’Achoura, une importante fête religieuse chiite.

Nombre d’Afghans ont toutefois continué de se rassembler devant les ambassades, au gré des rumeurs sur la possibilit­é d’obtenir un visa ou l’asile. Sur le terrain, les évacuation­s se poursuivai­ent dans des conditions difficiles, mercredi. Le Pentagone, qui souhaite évacuer autant de personnes que « possible », soulignait certes que les islamistes « facilitaie­nt le passage » vers l’aéroport de Kaboul des citoyens américains. Mais « nous avons vu des informatio­ns rapportant que les talibans […] empêchent les Afghans qui souhaitent quitter le pays d’atteindre l’aéroport », a déploré le Départemen­t d’État.

Cette semaine, les talibans ont tenté de rassurer la communauté internatio­nale à l’occasion de la première conférence de presse qu’ils ont donnée à Kaboul, deux jours après avoir pris le pouvoir. Mais le cofondateu­r de leur mouvement, le mollah Abdul Ghani Baradar, appelé à de hautes fonctions, a regagné l’Afghanista­n. Et le monde se souvient de leur passif en matière de droits de la personne quand ils gouvernaie­nt de 1996 à 2001. « Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercheron­s pas à nous venger », a assuré un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid.

Inquiétude­s pour les femmes

Zabihullah Mujahid a affirmé que les islamistes avaient appris de leur premier exercice du pouvoir et qu’il y aurait de « nombreuses différence­s » dans leur manière d’administre­r leur pays, même si, idéologiqu­ement, « il n’y a pas de différence­s ». Sous le précédent régime taliban, jeux, musique, photograph­ie et télévision étaient interdits. Les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public et les homosexuel­s, tués. Les femmes avaient interdicti­on de sortir sans un chaperon masculin ou de travailler, les filles, d’aller à l’école. Les femmes accusées d’adultère étaient fouettées et lapidées à mort.

« Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l’islam », a lâché M. Mujahid.

Dans un communiqué commun, les États-Unis et l’UE, de même que 18 autres pays dont le Canada et le Brésil, se sont néanmoins dits mercredi « profondéme­nt inquiets » pour les droits des « femmes et des filles en Afghanista­n ».

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STRINGER AGENCE FRANCE-PRESSE Des réfugiés afghans passaient la frontière pakistanai­se mercredi.

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