Une rentrée scolaire dans le brouillard
L’incertitude règne à moins d’une semaine du retour en classe
Il y a tout juste deux mois, tout le monde prévoyait une rentrée scolaire à peu près « normale ». L’arrivée du variant Delta a changé la donne. À moins d’une semaine du retour en classe, l’incertitude et l’anxiété règnent dans le réseau scolaire, qui redoute une autre année en dents de scie à cause de la quatrième vague de COVID-19.
Les enseignants du primaire et du secondaire retourneront en classe dès lundi pour préparer le retour des élèves dans les jours suivants. Si la rentrée s’avère toujours un moment fort, l’inquiétude prend cette année le dessus sur la fébrilité, ont confié au Devoir une série d’acteurs du réseau.
Les parents, les profs, les directeurs et directrices d’école et les gestionnaires de centres de services affirment naviguer « en plein brouillard ». Les sources d’inquiétude sont nombreuses : la montée du variant plus contagieux, le faible taux d’élèves ayant reçu deux doses de vaccin, l’incertitude entourant le port du masque, le flou autour du protocole en cas d’éclosion et les doutes sur la ventilation des locaux, notamment, provoquent de l’insécurité. Sans oublier la pénurie de personnel, amplifiée par la pandémie.
« J’ai l’impression que, cette année encore, il va falloir se retourner sur un 10 cennes. On est dans une espèce d’atmosphère un peu nébuleuse, on ne sait pas trop où on s’en va », dit Marisa Thibault, enseignante de cinquième année à l’école primaire Marie-Rivier, dans le quartier Saint-Michel à Montréal.
Elle a hâte d’accueillir ses élèves. De les connaître. De les aider. Ils ont besoin plus que jamais de l’enseignement en présence. Mais en discutant avec l’enseignante, les questions se suivent rapidement. « Le variant Delta nous inquiète beaucoup. Les enfants du primaire, qui ne sont pas vaccinés, ont une charge virale plus importante que l’année dernière. Si j’ai un cas dans mon groupe, est-ce qu’on ferme la classe ? Si je ferme ma classe, comment je fais le suivi des élèves à distance ? On me laisse 48 heures pour planifier ça. »
Les infirmières auxiliaires, les sagesfemmes et les préposés aux bénéficiaires sont surreprésentés chez les professionnels de la santé qui ne sont pas immunisés contre la COVID-19.
À l’approche de la consultation parlementaire sur la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé, plusieurs se demandent d’ailleurs qui sont ces travailleurs non vaccinés dont le nombre est estimé à 50 000 par le ministre de la Santé, Christian Dubé.
Déjà, des données indiquent que des écarts importants existent entre les différents corps de métier.
Selon les informations de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), à peine 67 % des sagesfemmes et 76 % des infirmières auxiliaires de la province sont adéquatement vaccinées contre la COVID-19, tandis que plus de 95 % des médecins le sont déjà. Concrètement, cela signifie donc que 7021 infirmières auxiliaires et 92 sages-femmes du réseau de la santé québécois restent à vacciner.
Interpellé à ce sujet, l’Ordre des infirmières auxiliaires du Québec (OIIAQ) a préféré ne pas accorder d’entrevue au Devoir. Dans un courriel, l’OIIAQ, qui représente 29 256 membres, répète toutefois que la vaccination « demeure un choix personnel ». Elle affirme cependant « encourager fortement ses membres à se faire vacciner afin d’éviter d’accroître la pénurie de main-d’oeuvre ».
De plus, si l’écrasante majorité des infirmières du réseau public sont immunisées contre la COVID-19, 12 % d’entre elles — plus de 10 000 personnes — ne le sont pas.
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) croit cependant que l’INSPQ surestime le nombre des non-vaccinés dans le réseau de la santé. « L’information que nous donne le ministère, c’est qu’on a un taux de vaccination de 91 % chez nous », fait valoir le viceprésident de la FIQ, Jérôme Rousseau. Le syndicat croit que l’on compte peut-être davantage d’infirmières non vaccinées au sein des agences privées. « Ça fait partie des questions qu’on aimerait poser la semaine prochaine en commission parlementaire », souligne-t-il.
Si le petit nombre de sages-femmes au Québec n’explique pas à lui seul les 28 points de pourcentage qui séparent leur taux de vaccination de celui des médecins, il en atténue toutefois l’impact dans le monde réel, affirme de son côté Julie Pelletier, la présidente de l’Ordre des sages-femmes du Québec (OSFQ).
Puisque l’OSFQ ne compte que 279 membres, le portrait statistique de l’INSPQ peut être facilement déformé, note-t-elle. Une seule sage-femme non vaccinée dans une région qui en compterait quatre, par exemple, ramènerait à elle seule le taux de vaccination à 75 %. « [Le pourcentage de vaccination des sages-femmes] peut sembler bas, mais quand on ramène le taux en chiffres réels, c’est quand même une bonne statistique », affirme Mme Pelletier.
La présidente de l’OSFQ croit aussi que certaines travailleuses ont peutêtre retardé leur vaccination en raison du risque de contamination moins élevé en maison de naissances. « Depuis l’instauration de l’état d’urgence […], on a déterminé que les maisons de naissance seraient des milieux froids. Donc, les sages-femmes ne devaient pas être en contact avec des personnes à risque ou positives à la COVID-19. »
Préposés non vaccinés
Où sont donc les milliers de travailleurs de la santé non vaccinés qui manquent au décompte du ministre Dubé ? Une portion d’entre eux est assurément du côté des préposés aux bénéficiaires (PAB), qui ne sont pas comptabilisés dans les données de l’INSPQ.
On recense plus de 40 000 préposés aux bénéficiaires dans le réseau public et, selon le ministère de la Santé, 74 % d’entre eux ont reçu leurs deux doses de vaccin. C’est donc, au minimum, 10 000 personnes qui ne sont pas pleinement immunisées au sein de ce groupe.
En comptant les préposés, on recenserait donc 30 000 travailleurs à vacciner dans le système de santé, soit beaucoup moins que les 50 000 évoqués par le ministre de la Santé.
Toutefois, en plus des professionnels du réseau public, il faut aussi tenir compte des travailleurs des résidences privées pour aînés, des agences privées et des ressources intermédiaires.
Au sein des ressources intermédiaires (RI), le personnel réticent à la vaccination se trouve d’ailleurs surtout dans les grandes villes, note la directrice de l’Association des ressources intermédiaires, Johanne Pratte. Ces derniers mois, elle affirme avoir dû soutenir plusieurs membres aux prises avec des employés non vaccinés. « Avec le recul, on est favorables [à la vaccination obligatoire], dit-elle. Les RI sont des milieux de vie pour des gens très vulnérables et ça nous apparaît illogique qu’il y ait des préposés non vaccinés qui donnent des services à nos résidents. »
Il n’a pas été possible de connaître le taux de couverture vaccinale des travailleurs des résidences privées pour personnes âgées du Québec. Tant du côté syndical que du côté patronal, on affirme que les données sont inexistantes, même après les avoir demandées au ministère de la Santé.