Le Devoir

Trudeau veut des ententes avec les provinces sur les soins aux aînés

Le chef libéral a promis d’injecter 6 milliards de dollars supplément­aires à l’échelle du pays

- MYLÈNE CRÊTE À QUÉBEC Avec Jean-Louis Bordeleau

N’en déplaise aux provinces, la hausse des transferts en santé ne se ferait pas sans condition sous un gouverneme­nt libéral. Justin Trudeau veut signer des ententes afin d’améliorer les soins aux aînés, comme il l’a déjà fait avec sept de ses homologues provinciau­x pour son programme national de garderies. Une façon d’imposer ses fameuses normes nationales, selon ses adversaire­s conservate­ur et bloquiste.

De passage à Victoria, en ColombieBr­itannique, le chef libéral a promis jeudi neuf milliards de dollars sur cinq ans pour remédier aux déficience­s révélées par la pandémie, incluant les trois milliards inscrits dans le dernier budget fédéral. « On a dû envoyer des Forces armées pour aider dans des centres de soins de longue durée, a-t-il rappelé lors d’une conférence de presse devant une maison pour les aînés. Ce n’est pas ce qui devrait être en train de se passer au Canada. On le sait depuis longtemps qu’on a besoin d’améliorer la qualité de soins à travers le pays. »

Cet argent servirait, entre autres, à augmenter le salaire des préposés aux bénéficiai­res à un minimum de 25 $ l’heure, à améliorer leurs conditions de travail et à en former 50 000 de plus à l’échelle du pays. Les libéraux voudraient également bonifier le crédit d’impôt pour l’accessibil­ité domiciliai­re, et adopter une loi fédérale « sur les soins de longue durée sécuritair­es » en collaborat­ion avec les gouverneme­nts provinciau­x.

Les conservate­urs et les bloquistes se sont empressés de dénoncer cet empiètemen­t dans ce champ de compétence provincial. « Quelle est la différence entre le PLC et le PCC en ce qui concerne les transferts en santé ? » a demandé le lieutenant québécois du Parti conservate­ur, Richard Martel, sur Twitter. « PLC : je vais dire au Québec où dépenser l’argent. PCC : le Québec est libre de mettre l’argent là où sont les besoins. C’est ça, un fédéralism­e de partenaria­t. » Les conservate­urs promettent de hausser les transferts en santé de 3 % à 6 %, ce qui équivaudra­it à 60 milliards de dollars sur dix ans.

Pour sa part, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a rappelé que le rôle du gouverneme­nt fédéral n’est pas d’administre­r des centres de soins de longue durée (CHSLD). « Le rapport qui a été fait par l’armée canadienne après son interventi­on dans les CHSLD au Québec, ce n’était pas un problème de juridictio­n, c’était un problème de ressources, a-t-il exposé. L’augmentati­on que vient d’annoncer M. Trudeau est bienvenue ; les conditions sont mal venues. »

Retard « énorme »

Les provinces demandent depuis des mois une hausse de 28 milliards des transferts en santé dès maintenant, faisant passer la contributi­on du gouverneme­nt fédéral de 22 % à 35 %. Le Conseil de la fédération, qui regroupe les premiers ministres provinciau­x et territoria­ux, a d’ailleurs fait parvenir une lettre aux chefs des principaux partis fédéraux, mardi. « Les provinces et les territoire­s assument actuelleme­nt 78 % des coûts des soins de santé et, si rien n’est fait, la part du gouverneme­nt fédéral continuera de diminuer », a écrit son président, le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister.

Invité à réagir à la promesse de Justin Trudeau, le ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, a rappelé jeudi que l’augmentati­on des frais croît plus rapidement que la part du gouverneme­nt fédéral. « Les dépenses en santé des dernières années augmentent d’au moins 5 % par année, a-t-il indiqué. Les transferts du fédéral en ce moment sont à 3 %, alors à chaque année, on accumule un retard de 2 %. C’est énorme sur un budget de 45 milliards. »

Au Québec, l’augmentati­on demandée par le Conseil de la fédération représente­rait 6 milliards dollars supplément­aires cette année. Pas question pour le gouverneme­nt québécois de se laisser tenter par la signature d’une entente à laquelle des conditions seraient attachées. « On a dit 6 milliards par année récurrents, on est capables, avec cet argent-là, de gérer nos priorités, a insisté M. Dubé. C’est pour ça que c’est une compétence provincial­e et M. Trudeau le sait très bien. On comprend, il est en élection. Nous, on va gérer la santé comme on le fait. »

« On fait des ententes quand il respecte nos droits », a-t-il ajouté.

Possible asymétrie en vue

Depuis le début de la pandémie, le Québec a déjà bonifié le salaire des préposés aux bénéficiai­res à 26 $ l’heure et a lancé un programme pour en former 10 000 afin de prêter main-forte dans les CHSLD. « Il y a des provinces qui ont déjà fait beaucoup pour s’assurer que leurs établissem­ents soient sécuritair­es, a reconnu M. Trudeau avant de souligner les efforts du Québec en ce sens. C’est le genre de mesure qu’il faut continuer de prendre partout au pays. »

En coulisse, une source au sein de l’équipe libérale a indiqué que le Québec pourrait conclure une entente asymétriqu­e comme elle l’a fait récemment pour le programme national de garderie. Cette entente s’est accompagné­e d’une enveloppe de 6 milliards de dollars que le gouverneme­nt Legault entend utiliser pour créer de nouvelles places en garderie et bonifier le salaire des éducatrice­s.

Les provinces demandent depuis des mois une hausse de 28 milliards des transferts en santé dès maintenant, faisant passer la contributi­on du gouverneme­nt fédéral de 22 % à 35 %

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HENK BADENHORST GETTY IMAGES Les libéraux voudraient bonifier le crédit d’impôt pour l’accessibil­ité domiciliai­re, et adopter une loi fédérale « sur les soins de longue durée sécuritair­es » en collaborat­ion avec les gouverneme­nts provinciau­x.

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