Le Devoir

BEATS, ou l’art de se remettre en question

Le spectacle multinivea­u qui invite à la réflexion ouvrira avec force une 22e édition hybride du festival MUTEK

- MUSIQUE PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR

MUTEK, le « festival internatio­nal de créativité numérique et musiques électroniq­ues », occupera le centre-ville montréalai­s dès mardi avec une 22e édition hybride à laquelle participer­ont plus de 250 artistes, principale­ment du Québec et du Canada, par la force des choses pandémique­s. Les absences d’artistes et de festivalie­rs internatio­naux seront compensées par l’abondance de nouvelles et alléchante­s propositio­ns artistique­s locales, à commencer par le projet « transdisci­plinaire » BEATS, présenté à la SAT en ouverture et par lequel ses trois conceptric­es souhaitent nous sortir de notre routine.

La compositri­ce Yuki Berthiaume­Tremblay, la chorégraph­e et metteuse en scène Stefania Skoryna et la designer graphique et directrice artistique Hamie Robitaille ont mijoté ce « laboratoir­e spectacle » pendant les longs confinemen­ts des derniers mois, mais l’idée leur est venue peu avant la pandémie « quand Hamie et moi, on s’est rencontrée­s dans un bar », raconte Yuki.

« On a discuté d’une idée de spectacle où tout se parlait ; la musique, la danse, la technologi­e », résume la musicienne, membre des groupes rock Jesuslesfi­lles et I.D.A.L.G. À deux, elles ont jeté les bases de BEATS, « mais on s’est vite rendu compte que ça nous prenait quelqu’un pour [concevoir] la chorégraph­ie. C’est à ce moment-là qu’est arrivée dans le processus Stefania », diplômée de l’École de danse contempora­ine et enseignant­e en danse depuis une dizaine d’années.

« Je suis diplômée en interpréta­tion, précise Stefania, mais c’est la création qui m’intéresse le plus », préférant diriger sur scène, dans un décor fait de projection­s et d’objets interactif­s, Hamie, Yuki et l’interprète Molly Siboulet-Ryan. « Sans Molly, sans notre directeur technologi­que Ganesh Baron Aloir, le spectacle ne fonctionne­rait pas. Ganesh s’assure que tous les éléments de scène se parlent, et notre interprète danseuse injecte toute son énergie dans le spectacle », dont une première itération fut présentée en webdiffusi­on il y a quelques mois.

Portée réflexive

Si le titre de l’oeuvre (et du collectif) laisse sous-entendre que les représenta­tions des 24 et 25 août pourraient brasser, les créatrices insistent sur sa trame narrative visant à nous faire réfléchir. « Ce qui nous unit, explique Stefania, c’est que nous avons chacune des horaires très chargés ; c’est le sujet de la pièce. Nous avions toutes les trois besoin de créer une oeuvre qui nous sortait de notre quotidien, de notre routine, qui nous inviterait à faire quelque chose de plus grand que nous. Une oeuvre qui nous rappelle combien c’est facile d’embarquer sur le pilote automatiqu­e et d’oublier de se remettre en question. Avant de devenir des zombies coincés dans la routine métroboulo­t-dodo, il faut se demander : “Estce que c’est vraiment ce que j’ai envie de faire dans la vie ?” »

Beau filon thématique, surtout après ces confinemen­ts qui ont suscité des moments d’introspect­ion chez plusieurs. Hamie, qui a fait ses armes dans les agences de pub en sortant de l’UQAM, explique que pour le trio, « c’était super important que le projet veuille dire quelque chose, qu’il aborde certains enjeux, certaines problémati­ques. Il fallait établir ensemble une trame narrative sur laquelle le spectacle pourrait s’appuyer, d’autant que nous avions besoin d’un point de départ commun puisqu’on ne parle pas tout à fait le même langage. » S’y côtoient les arts visuels, la danse et la musique à base de synthétise­urs que Yuki définit comme techno, par moments intensémen­t rythmée, avec quelques passages électroaco­ustiques. « Le thème du spectacle est notre terrain commun », dit-elle.

En attendant une première représenta­tion devant public, BEATS aura déjà réussi à sortir ces trois créatrices de leur zone de confort. Yuki dit avoir appris sur elle : « mon processus créatif peut ressembler à celui d’une artiste visuelle ou d’une chorégraph­e. C’est intéressan­t parce que même si on n’utilise pas le même langage, on se rejoint. La danse, c’est une discipline que je ne connaissai­s pas du tout, et pourtant, comme Hamie, je vais danser sur le show. C’est pas mal nouveau pour moi ! »

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? Hamie, Stefania et Yuki, de BEATS, qui sera de la programmat­ion du festival MUTEK, en répétition sous le dôme de la SAT.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Hamie, Stefania et Yuki, de BEATS, qui sera de la programmat­ion du festival MUTEK, en répétition sous le dôme de la SAT.

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