Le Devoir

Des citoyens défient les talibans dans la rue

En plus de manifestat­ions civiles, un groupe retranché a appelé à la résistance armée contre les islamistes

- DAVID FOX À KABOUL AGENCE FRANCE-PRESSE

Des manifestan­ts ont défié les talibans dans la rue en brandissan­t le drapeau national jeudi, jour du 102e anniversai­re de l’indépendan­ce de l’Afghanista­n, tandis que le fils du défunt commandant Massoud appelait à la résistance contre les islamistes.

Des milliers de personnes continuent à converger vers l’aéroport de Kaboul depuis que les talibans, après 20 années de guerre contre les ÉtatsUnis et l’OTAN, ont pris la capitale, dimanche. À Asadabad et dans plusieurs endroits de Kaboul, des Afghans ont brandi jeudi le drapeau national noir, rouge et vert, bravant les islamistes qui ont imposé leur drapeau blanc et noir sur les bâtiments publics.

À Kaboul, une petite manifestat­ion a croisé un camion de combattant­s talibans, qui l’ont scrutée avant de finalement passer leur chemin, a constaté l’AFP. Un manifestan­t a demandé « à la communauté internatio­nale » d’empêcher « la destructio­n de 20 années de progrès ». Un rassemblem­ent similaire mercredi à Jalalabad avait été dispersé par des coups de feu.

Ahmad Massoud, fils du plus célèbre adversaire des talibans et des Soviétique­s, le commandant Ahmed Shah Massoud, assassiné le 9 septembre 2001 par al-Qaïda, a appelé avec l’ancien viceprésid­ent Amrullah Saleh à la résistance, se disant « prêt à marcher sur les traces de [son] père ».

Depuis sa vallée du Panchir, dernière région non contrôlée par les talibans au nord-est de Kaboul, il assure avoir été rejoint par des soldats « dégoûtés par la reddition de leurs commandant­s ». Écrivant un texte dans les pages du quotidien Washington Post, Ahmad Massoud a demandé armes et munitions aux États-Unis. « Vous êtes notre dernier espoir », a-t-il écrit.

Traque aux opposants

Le nouveau régime a ordonné jeudi sur Twitter la libération de « tous les détenus politiques […] sans aucune restrictio­n ni condition ».

Les consultati­ons politiques se sont poursuivie­s pour établir rapidement un gouverneme­nt, pour lequel « toutes les parties » seront contactées, a assuré un porte-parole, Zabihullah Mujahid.

Des dirigeants talibans ont notamment discuté avec l’ancien président Hamid Karzai (2001-2014) et l’ancien vice-président Abdullah Abdullah. Le cofondateu­r et numéro deux du mouvement islamiste, le mollah Abdul Ghani Baradar, était rentré d’exil mardi. Moscou a dit espérer que ces négociatio­ns débouchent sur un « gouverneme­nt représenta­tif ».

Se présentant comme plus modérés qu’auparavant, les talibans ont dit pardonner à « tous les anciens responsabl­es gouverneme­ntaux ».

Selon un rapport confidenti­el de l’ONU, toutefois, les islamistes recherchen­t activement des personnes ayant travaillé avec les forces étrangères, les plus menacés étant les gradés de l’armée, de la police et du renseignem­ent afghans. Le rapport indique que les insurgés,

Le G7 et plusieurs agences de l’ONU ont appelé les talibans à laisser passer en toute sécurité les Afghans et les étrangers voulant partir

munis de « listes prioritair­es », filtrent les personnes allant à l’aéroport de Kaboul et ont mis en place des points de contrôle dans les plus grandes villes du pays.

Les évacuation­s continuent

Coincés entre les postes de contrôle talibans et les barbelés posés par l’armée américaine à l’aéroport, seule porte de sortie du pays, des milliers de civils afghans espéraient toujours trouver un vol pour fuir jeudi.

Des publicatio­ns non confirmées sur les réseaux sociaux affirment que plusieurs personnes ont été tuées, alors que les forces américaine­s et talibanes peinaient à contenir la foule désespérée.

Les Afghans sont nombreux aussi à prier d’être évacués près des ambassades, mais ils ne peuvent y entrer. « J’ai parlé avec mon ami qui est sur place. Il a une lettre des Espagnols assurant qu’il peut partir avec eux, mais quand il essaie de gagner la porte [de l’ambassade], on le menace de lui tirer dessus », a confié un homme sous couvert d’anonymat.

Le G7 et plusieurs agences de l’ONU ont appelé les talibans à laisser passer en toute sécurité les Afghans et les étrangers voulant partir.

Les États-Unis ont déployé 6000 militaires pour sécuriser l’aéroport de Kaboul et faire partir quelque 30 000 Américains et Afghans. Ils ont évacué plus de 7000 personnes depuis samedi, selon le Pentagone.

De nombreux autres pays, dont beaucoup d’Européens, continuaie­nt jeudi de procéder à des évacuation­s.

L’Allemagne a déjà fait sortir 500 personnes, dont 202 Afghans, et a par ailleurs approuvé l’envoi de 600 soldats à Kaboul pour soutenir l’évacuation « du plus grand nombre de personnes possible ». Le pont aérien français via les Émirats arabes unis a permis l’arrivée jeudi à Paris de plus de 200 personnes, dont une grande majorité d’Afghans. Le Royaume-Uni a de son côté évacué 306 Britanniqu­es et 2052 Afghans. L’Espagne a engagé une première série de rotations avec trois avions militaires via Dubaï. Le premier avion qui ramenait une cinquantai­ne d’Afghans et quelques Espagnols est arrivé jeudi matin.

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HOSHANG HASHIMI AGENCE FRANCE-PRESSE Dans plusieurs endroits de Kaboul, des Afghans ont brandi jeudi le drapeau national noir, rouge et vert, bravant les islamistes qui ont imposé leur drapeau blanc et noir sur les bâtiments publics.

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