Série B endimanchée
Le film d’action La protégée donne un trop rare premier rôle à Maggie Q
Toute gamine, à Saigon, Anna fut rescapée par Doody, un assassin professionnel qui, en bon père de substitution, lui transmit tout son savoir. Trente ans plus tard, Anna et Doody forment le duo de tueurs à gages le plus efficace qui soit. Mais voici que Doody tombe sous les balles d’un mystérieux assaillant alors qu’il s’apprêtait à retourner au Vietnam.
Mue par un désir de vengeance, Anna n’a d’autre choix que de revisiter le théâtre de ses traumatismes passés pendant qu’elle remonte la piste du meurtrier.
Habituée des films d’action, la plupart du temps vouée à « soutenir » une vedette masculine, Maggie Q, vue dans Mission : Impossible III (de J. J. Abrams, 2006) et Live Free or Die Hard (de Len Wiseman, 2007), trouve un trop rare premier rôle dans La protégée (V.F. de The Protégé). Réalisé par Martin Campbell, à qui l’on doit deux aventures de James Bond, soit le très moyen GoldenEye (1995) et le très bon Casino Royale (2008), La protégée s’inscrit dans cette veine de films où une jeune femme cache sous des atours séduisants des aptitudes létales.
Prise en main et formée par un homme, elle en tue ensuite quantité d’autres avant de s’affranchir. Depuis Nikita (de Luc Besson, 1990), le concept est devenu recette, de Colombiana (d’Olivier Megaton, 2011) au Moineau rouge (V.F. de Red Sparrow, de Francis Lawrence, 2018) en passant par Hanna (Joe Wright, 2011) et Anna (de Luc Besson, 2019). Belle exception au féminisme de façade dans lequel se drape volontiers le genre : Atomic Blonde (de David Leitch, 2017), où Charlize Theron fait ça toute seule comme une grande.
C’est dire que le scénario de La protégée siffle un air connu, et les détails de l’intrigue sont au mieux accessoires. Mais Martin Campbell est un vieux routier et il sait comment mettre en scène de manière efficace du matériel vu maintes fois ailleurs. Les séquences d’action sont particulièrement soignées.
On apprécie à cet égard le refus du réalisateur de succomber à la tentation de la coupe ultrarapide, désormais la norme, en donnant plutôt à voir, en continu, des combats et des fusillades réglés au quart de tour, et exécutés avec brio par la vedette.
Manque d’ampleur
Bref, ce qui est au fond une série B endimanchée bénéficie d’un traitement efficace malgré des ressources moindres que celles de la plupart des films évoqués précédemment. Cela étant, le fait que La protégée n’ait pas à sa disposition les moyens et ressources d’un grand studio (l’indépendant Lionsgate signe la production) se fait sentir.
Le film manque en effet d’ampleur ; l’ensemble a un côté confiné. À titre d’exemple, les scènes dans les petites allées secondaires de Saigon semblent avoir été tournées dans le coin d’un studio.
Au rayon des atouts, et hormis le savoir-faire de Martin Campbell, les interprètes s’investissent réellement. Maggie Q mène la danse meurtrière avec charisme et un timing parfait lors des touches d’humour, en plus de partager une belle chimie avec Samuel L. Jackson, égal à lui-même en mentor bienveillant. Figure ambiguë, Michael Keaton donne une bonne performance dans le rôle d’un homme de main attiré par Anna (et vice versa).
Bref, La protégée ne réinvente rien, mais dans le cadre limité auquel il se cantonne, le film fait passablement le travail.