Pour que le sport laisse une empreinte plus verte
Des entrepreneurs s’activent à faire bouger les Québécois sans trop laisser de traces
Quel genre d’empreinte laissent derrière eux les coureurs sur sentier ? Le virage vers les activités sportives et de plein air constaté partout au Québec depuis le début de la pandémie crée des traces qui ne plaisent pas à tous. Deux nouveaux fabricants québécois espèrent maintenant réduire cette empreinte environnementale sans limiter l’engouement envers l’activité physique.
Norda : à plein pied au mont Royal
La chaîne de magasins de chaussures Aldo ne l’a pas eu facile ces derniers mois, mais deux de ses anciens dirigeants et deux partenaires fondateurs en sortent avec une nouvelle ambition : révolutionner la course en sentier. Ils ont lancé jeudi soir, dans une boutique du boulevard Saint-Laurent, leur propre marque de chaussures de course. Appelée norda, l’entreprise a officiellement dévoilé sa première chaussure, baptisée 001.
Il n’en fallait pas plus pour que les premiers propriétaires de ces espadrilles haut de gamme se précipitent dès les lacets serrés dans les sentiers du mont Royal, avec comme objectif d’atteindre l’antenne située près du sommet.
Le geste est très symbolique. Le designer Louis-Martin Tremblay s’est généreusement inspiré de la nature montréalaise et québécoise dans la conception de cette chaussure. Le logo sous la semelle a la forme de l’Île de Montréal. Sa portion supérieure s’inspire des Laurentides et la portion inférieure, des Cantons-de-l’Est. L’empeigne grise, les lacets blancs et la semelle extérieure jaune reprennent les couleurs d’un faucon qui fait normalement son nid dans le parc du Mont-Royal, mais qu’on n’avait pas vu à Montréal depuis quelques années avant son retour plutôt inopiné l’an dernier.
« Il y a un grand hommage à Montréal et au Québec dans cette chaussure », confirme au Devoir M. Tremblay. « Sans affecter la performance : les lignes de la semelle rappellent la roche typique du Bouclier canadien, mais leur forme ajoute une adhérence qui est très pratique en sentier. »
Nick Martire et Willa Martire, les cofondateurs de norda, sont eux-mêmes d’indécrottables coureurs. Ils ont voulu concevoir une chaussure performante, mais à l’empreinte environnementale. Un bon moyen d’éviter le gaspillage est de concevoir une chaussure durable, dans tous les sens du terme. La norda 001 est fabriquée de façon à ne pas se détériorer rapidement ; elle recourt aussi à des matériaux de source biologique et renouvelable au lieu des matériaux synthétiques généralement utilisés dans ce type de produits.
Cette chaussure montréalaise est la première dans l’industrie à utiliser une étoffe hyperrésistante appelée Dyneema, populaire dans la confection d’autres pièces d’équipement de plein air. « On voulait créer une chaussure écologique, mais ce qu’on voit avec ce qui se fait présentement, c’est que les chaussures “vertes” ne sont pas très durables
Nos produits conviennent autant aux centres d’entraînement qu’aux écoles qui ont un programme sportétudes. Les cliniques de physiothérapie peuvent aussi s’y intéresser.
DANIEL RIOU »
quand elles sont aux pieds des coureurs. Ce tissu est le meilleur compromis », assure Nick Martire.
La formule semble faire mouche audelà de Montréal : des détaillants d’Europe et de la Californie ont déjà manifesté leur intérêt envers les produits norda. D’autres modèles sont évidemment dans les plans. Son designer Louis-Martin Tremblay ne le dit pas ouvertement, mais une chaussure ou une bottine de sentier plus costaude pourrait faire partie de ces plans.
Altterre : remplacer la fonte par... de vieux pneus
Il n’y a pas que les salles d’entraînement qui ont fermé leurs portes à regret durant le confinement. Les trois cofondateurs de Défi Entreprises, un programme de mise en forme pour les travailleurs qui veulent sortir du bureau de temps en temps, ont eux aussi dû prendre une pause forcée. Le Défi Entreprises se fait maintenant en ligne, mais pour les trois spécialistes de l’activité physique de Québec, ç’a été l’occasion de créer Altterre, une marque de produits d’entraînement entièrement faits à partir de matériaux recyclés.
Leurs deux premiers produits sont un sac d’exercice pouvant remplacer un haltère dont le poids varie de 5 à 22 kilos et un ballon lesté un peu plus lourd. Dans les deux cas, des tissus récupérés du secteur de la mode et des résidus de vieux pneus remplacent la fonte et le sable. Des plaques pour haltères faites de caoutchouc recyclé s’ajouteront bientôt au catalogue.
« Des résidus, comme les retailles de tissu et les vieux pneus sont faciles à récupérer, mais leur trouver une utilité par la suite n’est pas aussi simple », explique Daniel Riou, un des trois cofondateurs d’Altterre. « L’équipement d’entraînement neuf vient généralement d’Asie. On a donc pensé que d’utiliser localement ces matériaux recyclés aurait un double avantage du point de vue environnemental. »
Altterre a reçu un coup de main de Recyc-Québec pour lancer ses activités. L’entreprise voit des débouchés au-delà de ce que les consommateurs sont prêts à acheter pour s’entraîner à la maison. « Nos produits conviennent autant aux centres d’entraînement qu’aux écoles qui ont un programme sport-études. Les cliniques de physiothérapie peuvent aussi s’y intéresser », ajoute M. Riou.
L’objectif d’Altterre est assez ambitieux : elle retire 2,2 kilos (5 livres) de caoutchouc de chaque pneu, qu’elle recycle pour produire ses poids d’entraînement. L’entreprise souhaite réutiliser les matériaux provenant d’un million de pneus au cours des prochaines années. Cela équivaut à 2,2 millions de kilos d’haltères.
Ses clients ont intérêt à vouloir s’entraîner… durablement. « C’est notre pari : la consommation verte gagne en popularité partout, alors pourquoi pas dans l’activité physique et les gyms également ? » conclut Daniel Riou.
Tout dépend de l’empreinte que les adeptes de sport et de plein air voudront laisser derrière eux…